
Auteur : Kentaro Miura
Editeur : Glénat
Genre : Seinen
Résumé :
Guts est un guerrier solitaire qui est né sous le cadavre pendu de sa mère, puis recueilli et élevé comme mercenaire par un père adoptif et abusif, Gambino. Leur relation ambivalente atteint son paroxysme lorsque Guts a été forcé de tuer un Gambino ivre en légitime défense, fuyant son groupe de mercenaires et devenant un soldat de fortune. Sa redoutable réputation attire l’attention de Griffith, le chef charismatique d’un groupe de mercenaires connu sous le nom de Troupe du Faucon. Griffith force Guts à rejoindre le groupe après l’avoir vaincu au combat, Guts devenant son meilleur combattant et son principal confident. Le groupe est engagé par le royaume de Midland pour l’aider dans sa guerre d’un siècle contre l’empire Tudor. Guts découvre le désir de Griffith de diriger son propre royaume et son mystérieux pendentif connu sous le nom de Behelit.
Avis :
Si l’on interroge de nombreux lecteurs de mangas en leur demandant quel est leur œuvre préféré, il est à parier que beaucoup de personnes répondront alors Berserk. Seinen ultra violent qui a commencé dans les années 90, l’histoire de Kentaro Miura va rapidement s’imposer comme un immanquable de la littérature nippone (oui, ici, que ça vous plaise ou non, le manga fait partie de la littérature) et devenir un phénomène, au point d’avoir droit à son animé, mais aussi à quelques spin-off sous la forme de romans pour raconter le background de certains personnages secondaires. Sauf que Berserk reste une œuvre incomplète, et qui tente de survivre au décès de son auteur, et qui se retrouve aujourd’hui entre les mains de Kouji Mori, ami de toujours de Kentaro Miura. Mais ce qui nous intéresse entre ces lignes, c’est de finalement voir si le manga vieillit bien.

L’histoire, dans ses grandes lignes, tout le monde la connait. Les premiers tomes montrent un héros énigmatique, Guts, qui poursuit des démons jusqu’à tomber sur son ennemi juré, Griffith, un apôtre à la puissance phénoménale. A partir de là, le manga fait un énorme flashback pour raconter la jeunesse de Guts, bébé né d’une femme pendue, recueilli par une troupe de mercenaires, et qui va vivre au gré des champs de bataille. Jusqu’au treizième tome, on va voir sa rencontre avec Griffith, son inclusion dans une troupe qui ressemble à une famille, ainsi que son amour pour Casca, guerrière aussi solide que belle. A la fin de ce tome qui résonne comme le pinacle de la série, on va vers quelque chose de différent, avec un Guts revanchard, qui va être poursuivi par des démons, mais qui va aussi faire des rencontres improbables, au point de fonder une troupe.
Jusque-là, Berserk était un monument du genre, qui jouait constamment sur nos émotions, jouant avec la peur, la violence, le nihilisme, mais aussi une pointe d’humour apportée par Puck, l’elfe de Guts. Les dessins étaient aussi à mettre en avant, avec une noirceur profonde et des monstres cyclopéens à faire des cauchemars. Bref, dans les débuts, il était difficile de faire la fine bouche avec cette histoire, notamment avec un travail impressionnant sur les personnages, et un univers qui empruntait autant à au médiéval européen qu’à quelques fulgurances issues de la Renaissance. Kentaro Miura propose alors quelque chose de nouveau, mais qui trouve dans sa violence une quête de justice et la recherche d’un amour profond pour se construire. Malheureusement, par la suite, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Ou tout du moins, on va assister à une aseptisation de l’histoire pendant de nombreux tomes.
En gros, une fois Griffith devenu un apôtre, on va avoir une nouvelle quête, une survie pour soi-même, mais aussi l’envie de rendre la raison à Casca. Si la violence est toujours de mise, avec des affrontements dantesques, certains tomes brassent du vent, et ne sont là que pour faire durer la série. C’est assez dommage, mais c’est presque une habitude chez les mangas, dès que ça commence à dépasser les vingt tomes. Heureusement, de nouveaux thèmes sont abordés via de nouveaux personnages, avec la dualité entre croyance et religion. On aura droit à des fous de Dieu, qui seront confrontés à des bêtes immondes, comme à des fées et autres créatures de légende, et l’auteur va aller plus loin, mettant en avant des religieux rigoristes qui se transformeront eux-mêmes en démons. Un pied-de-nez au fanatisme qui touche ici les chrétiens, avec un pape gâteux.
Cependant, les choses se gâtent un petit peu avec l’affrontement avec les kushans, peuple que l’on peut rapprocher des musulmans, et dont le dénouement nous amène vers un nouvel horizon, qui embrasse pleinement la Fantasy classique. Ici, sorcières, licornes, elfes, fées et autres trolls seront alors de la partie, et la franchise s’enlise dans un faux rythme qui devient pesant au fil des tomes. Et étonnement, ce sera sur le dernier volume sorti, le quarante-deuxième tome, celui supervisé par Kouji Mori, que l’on retrouvera un Berserk plus puissant, plus nerveux, presque mutique, et qui envoie la sauce. On a enfin la sensation que les choses avancent, et que l’affrontement inévitable entre Griffith et Guts va avoir lieu. Seul défaut, les dessins qui font un peu plus numériques (sans que ce soit une calamité, bien évidemment). Reste à savoir l’avenir de la série maintenant.

Au final, Berserk est effectivement une série qui ne souffre pas vraiment des années qui passent, et qui semble intemporelle. Les premiers tomes sont toujours aussi impressionnants, avec un treizième tome de très haute volée. Il est un peu dommage que par la suite, l’excellence soit en dents de scie, avec une critique bien vue de la religion, mais perclus de tomes qui ne font pas avancer l’histoire, laissant à penser que Kentaro Miura voulait faire durer son histoire, plutôt que d’aller vers quelque chose de plus efficace. Il n’en reste pas moins que lire Berserk demeure un plaisir, avec un univers innovant, riche, porté par des personnages attachants et un scénario qui aime à taper sur des thèmes pas évidents. Bref, on reste tout de même sur un sacré manga qui n’a pas usurpé son statut d’œuvre culte.
Note : 17/20
Par AqME