février 10, 2025

Jouer avec le Feu – Le Danger de l’Extrême

De : Delphine et Muriel Coulin

Avec Vincent Lindon, Benjamin Voisin, Stefan Crepon, Maëlle Poesy

Année : 2025

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

Pierre élève seul ses deux fils. Louis, le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus, l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède place à l’incompréhension…

Avis :

Delphine et Muriel Coulin sont deux sœurs et réalisatrices françaises qui ont débuté une carrière de cinéma il y a trente ans de cela. La première a fait des études de lettres et de sciences politiques avant d’être chargée de production chez Arte. La deuxième a fait Louis Lumière, puis est devenue assistante caméra. Outre l’écriture, c’est en 1995 qu’elles commencent à mettre en scène. En 1995 et 2009, elles vont réaliser cinq courts. Puis c’est en 2011 qu’elles réalisent leur premier long, « 17 Filles« , film qui s’inspire d’un fait divers survenu aux Etats-Unis en 2008. « Jouer avec le feu » est le troisième film.

Entre le film de Mel Gibson et le film sur Robbie Williams, du côté du cinéma français, « Jouer avec le feu » est le film événement de la semaine. Événement de par son casting, avec un Vincent London récompensé du prix d’interprétation à Venise en septembre dernier, mais aussi parce que Benjamin Voisin et Stefan Crepon se posent clairement comme deux des acteurs les plus doués de leur génération. Puis événement parce que le sujet même du film. Un sujet qui se pose comme d’actualité à bien des regards.

« une descente en enfer qui se fait avec une certaine délicatesse. »

Les sœurs Coulin ont porté le film pendant plus de trois ans, elles y ont tout investi, et s’il est certain que l’on se trouve face à un excellent film, intéressant, politique et touchant, il manque cependant ce petit quelque chose en plus, pour que « Jouer avec le feu » bouscule et s’imprègne en nous. En d’autres termes, je pensais être bouleversé par ce film, et finalement, je n’ai été que touché, joliment et tristement touché.

Pierre, la cinquantaine bien passée, élève seul ses deux fils, Felix, 21 ans, et Louis, 17 ans. Les deux frères sont on ne peut plus différents l’un de l’autre. Félix est fougueux et plein de ressentiments envers le monde, même s’il ne le montre pas. Quant à Louis, il est réservé et studieux, d’ailleurs, il vient de passer le concours d’entrée pour la Sorbonne. La famille est unie, et vivote sans histoire. Puis un jour, Pierre découvre que son aîné, Félix, a rejoint un groupe d’ultras aux valeurs qui sont à l’opposé de tout ce qu’il a pu inculquer à ses enfants…

« Jouer avec le feu« , c’est une descente en enfer qui se fait avec une certaine délicatesse. Que faire lorsque l’on voit l’un de ses enfants avoir des idées différentes, et surtout le voir prendre une pente où, on le sait, cela ne peut que mal tourner ? Que faire ? Comment accepter ou non ? Comment se battre contre cela ? Puis avec ça, quand renoncer ? Et au-delà de ça, que faire avec la culpabilité ? Et quand protéger ou privilégier un enfant ? Bref, autant de questions que traite le nouveau film des sœurs Coulin avec un certain brio. « Jouer avec le feu« , c’est un film qui va se faire étonnant de par la délicatesse et les sentiments qu’il explore dans la relation entre ce père et ses deux fils, mais aussi entre les deux fils eux-mêmes.

«  »Jouer avec le feu » est un film éminemment politique »

Pour raconter cette histoire, celle d’un fils bien sous tout rapport qui rentre chez les fachos, les sœurs Coulin ont mis le point sur le regard du père et ça, c’est très intéressant. Très bien écrit, « Jouer avec le feu » est un film qui est presque à la première personne, avec cet homme seul, qui essaie, qui renonce, qui parfois se voile la face, et surtout qui n’aura que des bribes de la vie de ses enfants. Ici, jamais le film nous montre ses enfants en dehors de son regard, ou de ce qu’il peut entendre. Ainsi, beaucoup des actions du film (les plus importantes) vont se passer très loin du champ de la caméra, et ça, en plus d’apporter beaucoup de profondeur et de crédibilité, il y a comme une sorte d’enquête et suspens, sur l’ampleur de l’engagement de ce jeune homme de vingt et un an.

Puis derrière ça encore, il y a quelque chose qui résonne comme de l’impuissance, qui sera parfaitement retranscrite dans un dialogue du personnage tenu avec brio par Vincent Lindon. Avec ça, « Jouer avec le feu » est un film éminemment politique, abordant le sujet de l’embrigadement, la montée des extrêmes, les désillusions et la peur qui sont le terreau de cela. Puis il y a aussi une forme de jalousie, notamment entre les frères, avec le petit qui réussit tout ce qu’il entreprend quand le plus vieux a du mal à entrevoir un avenir. Bref, le film est riche, très riche, et il est tenu par un trio d’acteurs incroyable, entre un Vincent Lindon qui trouve un rôle qui lui est taillé sur mesure, un Benjamin Voisin fougueux, et un Stefan Crepon vraiment touchant dans la peau de ce jeune frère moins fragile qui le laisse entrevoir.

D’ailleurs, avec ce dernier, il y a vraiment quelque chose de saisissant, avec ce regard incroyable de profondeur, de douleur ou de joie. Un regard par lequel les émotions transparaissent et transpercent. Si on sait Lindon immense, si l’on sait Voisin incroyable et puissant, avec ce film, il révèle Stefan Crepon comme jamais.

« il manque un souffle et une puissance dramatique »

Après, comme je le disais aussi, derrière tous les bons points que le film a, « Jouer avec le feu » est aussi un film auquel il manque un souffle et une puissance dramatique qui pourrait nous emporter et graver le film dans nos têtes. Un peu comme Vincent Lindon, dont le personnage essaie tant bien que mal de se contrôler, voire d’étouffer ses émotions, ce sentiment transparaît dans la mise en scène des deux sœurs. Le film se laisse regarder, il nous entraîne, nous réserve de très bons moments de cinéma, de très beaux personnages et comme je le disais, il y a une délicatesse surprenante qui tient d’un bout à l’autre du film, et pourtant, malgré tout cela, le film n’est pas aussi puissant que l’intrigue le demande.

C’est dommage, car il lui manque peu de chose, ou peut-être est-ce moi qui en attendait de trop, mais quoi qu’il en soit, le film ne fut pas aussi renversant et terrible qu’il le laissait imaginer.

Ainsi, « Jouer avec le feu » est un bon film, sûrement même le meilleur des deux réalisatrices. « Jouer avec le feu » est intéressant dans ce qu’il raconte et défend, il est beau dans son histoire, dans ses personnages et ses acteurs, et s’il ne marque pas autant qu’il le devrait, il restera toutefois un bon film, et ça, c’est très bien aussi.

Note : 15/20

Par Cinéted

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