
Avis :
Il y a un phénomène qui laisse un peu sur le carreau, c’est cette volonté de certains chanteurs de groupes de métal de vouloir mener une carrière solo en parallèle, et pour finalement faire peu ou prou la même chose qu’avec leur groupe. On a déjà vu ça avec Serj Tankian de System of a Down, et depuis quelques maintenant, c’est Till Lindemann, le leader de Rammstein, qui s’y colle. Après deux albums sous le nom de Lindemann, en duo avec Peter Tägtgren (Hypocrisy et Pain), il se décide en 2023 de faire son troisième album solo, mais cette fois-ci de façon totalement autonome. Bien évidemment, cela lui donne les pleins pouvoirs sur sa musique, lui permettant d’assouvir certains fantasmes et de faire ce qu’il lui plait, allant du métal indus, bien sûr, à la ballade flamenco et aux morceaux clairement étranges. Mais cela suffit-il à faire un album ?
La première impression qui surgit après une première écoute, c’est que la flamme n’est pas présente. Si ça ressemble à du Rammstein, avec des titres de métal industriel, comme en atteste Zunge, le premier morceau, on sent que le groupe n’est pas derrière pour porter le frontman. C’est assez lisse, sans aucune surprise, et surtout, les sonorités sont tout de même moins lourdes. De ce fait, on a l’impression d’écouter le groupe allemand, mais avec une pointe de fainéantise. Sport Frei sera plus intéressant dans son style, même si on ressent les éléments de Feuer Frei. Till Lindemann s’appuie énormément sur le clavier qui délivre un bon rythme, et il va faire une sorte de bis repetita avec certains titres de son groupe principal. Alors oui, c’est plaisant, mais ça reste très (trop ?) attendu, et on ne sort pas d’un certain carcan.
Il en va de même avec Altes Fleisch qui approche un peu plus des sonorités électro des années 90, tout en gardant un gros riff derrière pour appuyer le côté lourd du morceau. C’est sympathique, mais ça reste très simpliste dans la démarche. Übers Meer se fera plus douce et plus dans l’émotion, mais on restera tout de même sur quelque chose qui manque d’énergie, voire même d’un break intéressant. Till Lindemann se contente de peu de chose, et hormis le petit gimmick vocal lors du refrain, il ne restera pas grand-chose de ce titre après écoute. Alors oui, Du Hast Kein Herz déballe la grosse artillerie d’un point de vue instrumental, mais encore une fois, on reste sur du Rammstein qui aurait un peu perdu la flamme. Ou tout du moins qui aurait dit au revoir à l’inventivité et à la prise de risque.

Pourtant, le chanteur prend des risques sur cet album, notamment avec Tanzlehrerin. Il s’agit-là d’une ballade qui prend des allures de flamenco, ce qui surprend, surtout avec le chant allemand qui ne va pas forcément avec des accents hispaniques. Mais globalement, le titre est plutôt plaisant, même s’il lui manque un petit truc en plus pour réellement nous emporter. Nass sera un morceau un peu plus tortueux dans sa construction. Le chanteur parle durant les couplets, avant de délivrer un gros riff lors des refrains, donnant une forte envie de headbanger. Le problème, c’est que les couplets sont trop longs, et que les riffs, aussi percutants soient-ils, tardent trop à venir. Et puis les modulations vocales en mode autotune lors des cris, c’est un peu too much. Le titre demeure plaisant, mais comme pour le reste, il lui manque l’étincelle.
Par la suite, le chanteur reste sur les titres bizarroïdes à l’ambiance pesante, notamment avec Alles für Die Kinder, qui s’avère intéressant, mais qui est bien impossible à défendre sur scène, à cause de son aspect trop tendre et de sa rythmique qui empêche tout pogo et autre grosse mandale. Il faudra alors compter sur Schweiss qui s’appuie, une nouvelle fois, sur de l’eurodance à l’ambiance électro-pop, pour faire bouger les foules. Le refrain est puissant, entêtant, et il gagne des galons avec une douceur en arrière-plan qui donne vraiment de l’épaisseur. Cependant, c’est avec Lecker que l’on retrouvera un peu de ferveur sur cet album. Till reprend une voix plus grave dans les couplets, et on ressent une vraie envie de bousculer les codes du genre. Il est dommage de Selbst Verliebt clôture le skeud de façon mollassonne, tout en proposant en cache une sorte de chant de Noël…
Au final, Zunge, le dernier album solo de Till Lindemann (ou le premier réellement solo, c’est suivant), s’évère être une légère déception. Outre le délire de faire une carrière solo pour proposer la même chose qu’avec Rammstein mais sans la même ferveur créative, on peut se poser la question de l’existence d’un tel album qui aura du mal à se défendre sur scène. Si le chanteur peut se faire plaisir en arguant différents styles musicaux, on reste dans l’attente qu’il se passe un truc, qui ne viendra jamais. Bref, un album sympathique, mais qui ne possède pas la flamme des albums faits avec Rammstein.
- Zunge
- Sport Frei
- Altes Fleisch
- Übers Meer
- Du Hast Kein Herz
- Tanzlehrerin
- Nass
- Alles für die Kinder
- Schweiss
- Lecker
- Selbst Verliebt
Note : 12/20
Par AqME