Auteur : Stephen King
Editeur : Albin Michel
Genre : Thriller
Résumé :
Dans une jolie maison victorienne d’une petite ville du Midwest, Emily et Rodney Harris, anciens professeurs d’université, mènent une vie de retraités actifs. Malgré leur grand âge, les années semblent n’avoir pas avoir de prise sur eux.
À quelques pas de leur demeure, on a retrouvé le vélo de Bonnie Dahl, récemment disparue. Elle n’est pas la première à se volatiliser dans ce périmètre. Chose étrange : à chaque fois, il s’agit de jeunes gens.
Quels secrets inavouables cachent les murs tapissés de livres des époux Harris ?
Sur l’insistance de la mère de Bonnie, Holly Gibney accepte de reprendre du service. Elle est loin d’imaginer ce qui l’attend : une plongée dans la folie humaine, là où l’épouvante n’a pas de limite.
Avis :
Au cours de sa carrière littéraire, Stephen King a donné naissance à une véritable galaxie de personnages, dont certains ont marqué des générations de lecteurs. Si l’on peut évoquer des antagonistes tels que le clown Grippe-Sou, Jack Torrance ou Annie Wilkes, ces dernières années l’auteur s’est lancé dans quelques investigations policières avec la trilogie Bill Hodges. Ce triptyque était également l’occasion d’introduire Holly Gibney. Tout d’abord intervenante secondaire, elle a effectué des incursions de plus en plus notables, notamment dans Si ça saigne, nouvelle issue du recueil éponyme, et L’Outsider. Il paraissait donc incontournable, sinon essentiel, que l’enquêtrice bénéficie d’un roman qui lui soit entièrement consacré ou presque…
En l’occurrence, l’histoire d’Holly part d’un postulat anodin où le personnage principal doit faire face à d’inquiétantes disparitions. Toutefois, il ne s’agit pas d’entreprendre des investigations pour lever le voile sur la teneur des faits, mais plutôt d’avancer le cœur de l’affaire en parallèle du travail d’Holly. En d’autres termes, les chapitres qui lui sont consacrés s’entrecoupent d’intermèdes où l’on suit le couple de psychopathes dans leurs exactions. Cela sans oublier les épisodes de séquestration de leurs victimes. Autant d’éléments qui s’étendent sur différentes temporalités. Tout l’intérêt de l’exercice serait alors de développer les péripéties en vue d’une inévitable confrontation.
Seulement, le déroulement de l’intrigue s’avère répétitif et manque d’allant dans la présentation des séquences. Si ce n’est des intervenants différents, le modus operandi réitère la même technique pour piéger les pauvres quidams. Cette considération demeure également valable lorsqu’on nous expose leurs dernières heures et leurs conditions de (sur)vie. De la part d’un auteur aussi chevronné et talentueux que Stephen King, on est droit d’attendre davantage qu’une histoire à la linéarité confondante. L’ensemble reste simpliste au possible et n’interpelle guère sur la suite des évènements, tant la trame est cousue de fils blancs.
Il est un autre aspect où le présent ouvrage surprend dans le mauvais sens du terme : son contexte. Le fait de situer le récit lors de la crise sanitaire du Covid-19 ne constitue pas un écueil. Ce choix aurait pu amener à une dynamique intéressante, notamment en ce qui concerne le confinement ou les difficultés à mener une enquête dans un tel climat. Mais ce n’est pas le propos. Au lieu d’évoquer le caractère contemporain de la période au moment de l’écriture, on nous inflige une sorte de pamphlet pro-vaccinal, sans nuance ni effort d’intégration au cœur de l’histoire. Sans rien apporter à cette dernière, il n’est pas rare que les conversations gravitent autour de cette thématique, interrompant un échange quelconque pour fustiger une certaine frange de la population.
Bien entendu, on a droit à un amalgame politique subjectif et guère argumenté où les personnes non vaccinées sont forcément partisanes de Donald Trump, sans oublier leur niveau de stupidité, d’inconscience et d’égoïsme. Dès lors, Stephen King se perd dans un règlement de compte hors sujet où le moindre temps mort est prétexte à appuyer ses convictions. Ici, il n’est pas question d’accréditer ou de dénigrer son point de vue. Ce dernier n’a tout simplement rien à faire au cœur du roman. Au lieu de se concentrer sur la narration ou la caractérisation, on assiste juste à un brûlot acrimonieux dont l’incohérence générale ressasse des idées reçues et des raccourcis faciles.
Au final, Holly est l’une des plus grandes déceptions dans l’œuvre de Stephen King. Il constitue sans doute l’une de ses histoires les plus médiocres, et ce, malgré tout l’attachement que l’on porte au personnage d’Holly Gibney. Sous couvert d’une enquête basique et simpliste, l’écrivain use et abuse de sa notoriété pour avancer ses valeurs, sans prendre la peine de les intégrer correctement dans l’intrigue. Au fil des pages, on en oublierait presque l’affaire principale, déjà peu entraînante et d’une banalité sans nom, pour se focaliser sur l’importance des gestes barrières et de la vaccination. On peut dès lors s’interroger sur le véritable protagoniste du livre : Holly ou le Covid ? Ou comment le contexte et la partialité de l’auteur supplantent le récit lui-même pour fournir une itération poussive, redondante et acerbe.
Note : 07/20
Par Dante