avril 27, 2024

Millenium Mambo – Mauvaise Danse Molle

Titre Original : Qian Xi Man Po

De : Hou Hsiao-Hsien

Avec Shu Qi, Jack Kao, Tuan Chun-Hao, Jun Takeuchi

Année : 2001

Pays : Chine

Genre : Drame, Comédie

Résumé :

Vicky travaille le soir dans une boîte de nuit alors que son copain Hao-hao est au chômage. Ce dernier est très jaloux et la surveille étroitement. Elle ne le supporte plus et va se réfugier chez son ami Jack, demi-mafieux zen.

Avis :

De notoriété internationale, l’œuvre de Hou Hsiao-hsien se distingue plus par son esthétisme que par son sens de la narration ou du rythme. Habitué au récit contemplatif, sinon statique, le cinéaste a multiplié les succès critiques au cours de sa carrière et s’est constitué un public autour de ses pérégrinations méditatives. Afin d’illustrer cette démarche artistique, Les Fleurs de Shanghai demeure un exemple représentatif de sa méthode de travail, bien que le résultat s’en retrouve surestimé à différents égards. Trois années après ce métrage, il délaisse la Chine du XIXe siècle pour se lancer dans une incursion contemporaine avec Millenium Mambo.

Au demeurant, le pitch initial interpelle, ne serait-ce qu’à travers les rapports houleux entre les protagonistes ou la présence inattendue d’un mafieux zen, qualificatif antinomique s’il en est. On décèle alors une sorte d’attirance malsaine faite de rejets et de rapprochements au gré de cette relation amoureuse toxique. L’une s’adonne à toutes formes d’addiction, tabac et alcool en tête, tandis que l’autre affiche un tempérament colérique et possessif à l’extrême, doublé d’une tendance à la paresse. La première séquence pose également les bases d’une atmosphère éthérée, avec une fluidité toute flottante dans les mouvements de la caméra.

« Millenium Mambo dissimule bien mal l’absence de fond. »

De prime abord, l’approche demeure donc intrigante, sinon hypnotique, pour dépeindre la vie noctambule des principaux intéressés. Au sortir de ce constat, Hou Hsiao-hsien retombe bien vite dans ses travers nombrilistes où le récit ne s’embarrasse guère de cohésion narrative ou de la moindre empathie vis-à-vis des personnages. Faire un film lent n’est pas un défaut, bien au contraire. La contemplation sous-tend la réflexion, voire l’introspection. Encore faut-il que l’on ait une histoire à raconter, un message à étayer ou une atmosphère à développer. En l’occurrence, Millenium Mambo dissimule bien mal l’absence de fond, sa propension cyclique à réitérer des séquences similaires, inertes et sans âme.

D’aucuns analysent ou surinterprètent cet état, comme une parenthèse temporelle. Seulement, la notion de temporalité n’est absolument pas maîtrisée. Avec ces réminiscences de moments censés être « marquants » ou ces relations capricieuses et instables, on assiste à un montage anarchique où la confusion prévaut sur toute autre considération. Cela sans compter sur les digressions de la narratrice qui trahit en voix off la teneur des séquences à venir. On reste également perplexe face à des échanges autant informes qu’exécrables. Certains seconds rôles déblatèrent leur réplique comme des automates ou les répètent sans apporter aucune nuance ni variation.

« Quoi qu’on puisse en dire, il n’y a aucune recherche technique. »

Pour preuve, un policier surgit et annonce à maintes reprises qu’il a un mandat pour une affaire de vol. On peut aussi évoquer les disputes qui se ponctuent d’insultes stériles (« Tu es fou ! ») et autres platitudes sans nom. À aucun moment, on ne se sent concerné ou touché par le devenir des personnages. Cette mise à l’écart du spectateur se traduit également par une réalisation froide et austère. Ici, ce n’est pas la photographie ou le rendu graphique qui est à blâmer, mais les mouvements et les angles de caméra approximatifs. On déplore cette fâcheuse tendance à qualifier de plans-séquences le moindre va-et-vient de l’objectif, à droite, puis à gauche. Quoi qu’on puisse en dire, il n’y a aucune recherche technique. Un peu comme si l’on définissait une simple phrase de figure de style, en se contentant de la forme la plus sommaire et désincarnée du sens des mots.

Au final, Millenium Mambo est un film qui laisse indifférent, tant il ne communique aucune émotion ou empathie à travers son histoire. Récit qui se limite à esquisser les traits grossiers d’une relation toxique sans développer les personnages ou leurs rapports. On en oublierait presque la présence anecdotique et inutile du fameux mafieux zen dont les leçons de vie mutiques se résument à des préparations culinaires et des séances de méditation. Tout juste peut-on apprécier le travail porté à l’image, à ces jeux de lumière ou à sa bande-son nuancée, bien qu’un peu trop en retrait. Hou Hsiao-hsien signe un film creux, inconstant, erratique et prétentieux. On amalgame alors la vacuité de son propos à des standards de qualité. Ou comment faire l’éloge d’une créativité élitiste et hermétique, sans rien avoir à raconter…

Note : 08/20

Par Dante

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