Avis :
Il n’est pas étonnant de voir que certains musiciens issus de groupes plus ou moins connus décident de faire une carrière solo, ou tout du moins de sortir des albums en dehors de son groupe. Cela peut être dû à une volonté de se sentir plus libre dans la création, ou de sortir d’un style particulier. Cependant, si beaucoup de guitaristes se sont essayés à l’album solo, certains s’y sont cassé les dents, avec des albums qui ressemblaient bien trop à la musique de leur bande d’origine. On peut se demander l’intérêt de sortir un tel effort ? Mark Morton est le guitariste de Lamb of God, groupe de Groove Métal américain, et en 2019, il décide de s’entourer de divers artistes pour fournir une galette studio. Anesthetic est le premier projet solo du musicien, et on pouvait en attendre beaucoup lorsque l’on voit les invités.
En effet, on retrouve sur cet effort un certain Chester Bennington (Linkin Park), Jacoby Shaddix (Papa Roach), Mark Lanegan (Queens of the Stone Age), Alissa White-Gluz (Arch Enemy), Myles Kennedy (Alter Bridge) ou encore Chuck Billy (Testament). Bref, du beau monde, qui laissait présager un gros morceau de métal bien velu. Malheureusement, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Non pas que l’album soit mauvais en soi. Il réserve quelques surprises et possède une paire de titres qui rentrent bien en tête. Seulement voilà, l’ensemble est très conventionnel, on ne sort jamais d’un calibrage radiophonique, les titres avec les divers chanteurs ressemblent à des titres des groupes desdits chanteurs, et surtout, Mark Morton ne montre pas une technicité à nous décrocher la mâchoire. Un constat un peu triste, malgré des moments passés qui ne sont pas désagréables.
Le premier morceau, Cross Off, peut se faire touchant quand on connait un peu le contexte. L’album étant sorti en 2019, Chester Bennington était déjà décédé depuis deux ans, et on peut comprendre que ce titre ouvre le bal, de façon à rendre un hommage posthume. Le titre est d’ailleurs plutôt bon. Le chanteur s’en donne à cœur joie, il maîtrise parfaitement son organe, et délivre quelques saillies rageuses qui ne sont pas pour nous déplaire. Cependant, d’un point de vue technique, on reste dans quelque chose de simple et d’assez consensuel. Ce constat se fera encore plus prégnant avec Sworn Apart, où Jacoby Shaddix prête sa jolie voix, mais sans jamais partir vers quelque chose de plus percutant et de plus virulent. On pourrait presque y voir une forme de timidité, comme si les deux artistes n’osaient pas pousser les potards un peu plus loin.
La première surprise viendra de Axis, en duo avec Mark Lanegan. Le chanteur, qui est aussi poète, prête sa voix granuleuse à un titre qui flirte avec le Folk et le Hard. Si le démarrage est déstabilisant, il convoque une rupture qui a du mal à se faire, et qui ne trouve pas vraiment sa place au sein de l’album. Ce n’est pas mal fichu, c’est juste que ça n’a pas forcément sa place au milieu des autres morceaux plus pêchus, avec un style Groove Métal plus appuyé. The Never, qui déboule ensuite, avec Chuck Billy, va nous secouer un peu plus. On est dans un gros délire Groove/Thrash qui, même s’il n’a rien d’exceptionnel, fait le job et nous donne envie de headbanger. Un moindre mal quand on sait que les morceaux précédents ont eu du mal à se faire un chemin jusqu’à nous.
Et on espérait surtout une superbe performance avec Save Defiance, où l’on aura droit à la superbe voix de Myles Kennedy. Mais force est de constater que le duo ne marche pas forcément. Certes, c’est agréable à l’écoute, mais on dirait du Alter Bridge. Et encore, un morceau mineur de chez Alter Bridge, sans le génie créatif de Mark Tremonti. Une déception de plus, sans que cela soit horrible pour autant. Blur, en compagnie du chanteur de Sons of Texas, sera typiquement le genre de titre bouche-trou qui manque d’identité et de vigueur. On se rattrapera alors avec Back From the Dead, où Josh Todd de Buckcherry pousse de sa voix nasillarde. Le résultat est pêchu, en plus de fournir un refrain qui reste bien en tête. Ça fait du bien d’entendre quelque chose de percutant et qui ne reste pas sur ses acquis.
La deuxième surprise survient avec Reveal, où il fait chanter Naeemah Maddox. Ici, on est dans une pop qui laisse un peu de place au Rock, mais ça reste timide, et finalement sans grand intérêt. Là aussi, Mark Morton ne fait pas beaucoup d’efforts avec sa gratte, et on regrette qu’il n’y ait pas plus de prise de risque. Imaginary Days sera le seul morceau où le guitariste chantera, et le résultat est assez plaisant, même s’il fait appel à de nombreuses modulations pour masquer son manque de technique vocale. Enfin, The Truth is Dead met en scène Randy Blythe de Lamb of God et Alissa White-Gluz d’Arch Enemy. On s’attendait à en prendre plein la tronche, mais finalement, même si c’est bien, les deux voix ne se tissent pas bien, surtout quand il faut employer du genre clair. Dommage…
Au final, Anesthetic, le premier album solo de Mark Morton, n’est pas mauvais en soi, mais il semble avoir quelques années de retard. Les morceaux sont assez peu marquants, et certains duos ne marchent absolument pas. On a l’impression d’assister à un défilé de guests qui cachetonnent pour fournir un titre qui ressemble à leur groupe. C’est assez décevant dans l’ensemble, mais certainement parce qu’on en attendait trop, ou que l’on voulait quelque chose qui ressemble aux riffs de Lamb of God…
- Cross Off feat Chester Bennington
- Sworn Apart feat Jacoby Shaddix
- Axis feat Mark Lanegan
- The Never feat Chuck Billy
- Save Defiance feat Myles Kennedy
- Blur feat Mark Morales
- Back From the Dead feat Josh Todd
- Reveal feat Naeemah Maddox
- Imaginary Days
- The Truth is Dead feat Randy Blythe and Alissa White-Gluz
Note : 12/20
Par AqME