mai 3, 2024

Les Désarrois de l’Elève Toerless

Titre Original : Der Junge Törless

De : Volker Schlöndorff

Avec Mathieu Carrière, Marian Seidovski, Barbara Steele, Lotte Ledl

Année : 1966

Pays : Allemagne, France

Genre : Drame

Résumé :

Au début du XXème siècle, en Autriche, le jeune Toerless intègre un internat. Durant une nuit, un vol a lieu. Deux élèves, Reiting et Beineberg, démasquent le coupable et menacent de le dénoncer s’il ne satisfait pas leurs désirs. Le pauvre Basini va ainsi subir toutes sortes de sévices, sous l’œil de Toerless, observateur passif mais troublé.

Avis :

Immense réalisateur allemand, Volker Schlöndorff est un ferveur défenseur du cinéma d’auteur européen. En plus de cinquante ans de carrière, il a réalisé plus de vingt-cinq films qu’il est parti tourner un peu partout. D’ailleurs, son envie de cinéma et d’ailleurs fait que l’écrivain, scénariste, acteur et réalisateur Jean-Claude Carrière dit de Volker Schlöndorff « – qu’il fait semblant d’être allemand, et certain le croient. Il arrive à donner le change. Mais il est aussi français, américain, italien aussi, et personne ne connaît comme lui le Mexique. Il arrive à adopter d’autres nationalités, j’en suis sûr… ». Cette envie de voir le monde, lorsqu’on jette un coup d’œil à sa filmographie, très vite, on la voit, le réalisateur ayant tourné partout ou presque, de l’Allemagne en passant par la France, l’Australie, la Russie, les Etats-Unis, ou encore en Asie.

Mais bon, avant tout cela, il a bien fallu commencer quelque part, et après des débuts en tant qu’assistant-réalisateur sur des films d’Alain Resnais, Jean-Pierre Melville ou encore Louis Malle, c’est avec « Les désarrois de l’élève Törless » que la carrière de metteur en scène de Volker Schlöndorff commence.

« Volker Schlöndorff pose sa caméra dans la Bavière du début du XXe siècle au sein d’une école militaire, pour y filmer un récit cruel. »

Pour son premier film, le réalisateur allemand retourne chez lui pour y adapter un roman de Robert Musil. Ainsi, Volker Schlöndorff pose sa caméra dans la Bavière du début du XXe siècle au sein d’une école militaire, pour y filmer un récit cruel, où il va être question d’harcèlement scolaire, de bouc émissaire, de torture en tout genre, et plus largement, d’embrigadement, ce qui peut faire que plus loin que le « simple harcèlement scolaire », on pourrait y voir un parallèle avec la montée du nazisme, ou comment l’effet de masse peut amener un peuple, ou du moins ici une école, à se liguer contre un seul… Passionnant.

Dans une école en Bavière, une nuit, un vol est commis et deux élèves démasquent très vite l’auteur du larcin. Très vite, les deux élèves décident de menacer l’élève. Si Basini veut rester au sein de l’école, il va devoir satisfaire tous leurs désirs. Petit à petit, les désirs en question vont devenir des sévices et tout un tas de tortures, aussi bien physiques que psychologiques. En plus de ces deux élèves, il y en a un troisième, Törless, qui observe, reste passif et ce dernier est troublé, voyant ses camarades de classe basculer de plus en plus dans l’horreur.

« Les désarrois de l’élève Törless » est donc le premier film de Volker Schlöndorff et autant dire que le cinéaste frappe un grand coup dès son ouverture de filmographie avec un film d’une grande violence psychologique, et derrière ça, d’un intérêt certain pour ce qu’il raconte de l’effet de masse, de l’embrigadement de la violence, des parallèles qui vont être fait presque obligatoirement avec l’histoire, et puis plus loin encore, entre les lignes, entres les répliques et les gestes, dans l’Allemagne des années 60 (époque de la sortie du film), Volker Schlöndorff aborde des sujets tabous, comme l’homosexualité et le viol entre jeunes garçons.

« Tenu par un scénario passionnant, « Les désarrois de l’élève Törless » est un récit d’une très grande richesse. »

Je ne savais pas vraiment où je mettais les yeux lorsque je suis entré en salle de cinéma pour voir ce Volker Schlöndorff et quelle ne fut pas ma surprise face à une histoire dure, mais passionnante. Si, bien sûr, le film qui s’en va vers ses soixante ans, a pris un coup de vieux et beaucoup de ses images très violentes ont vieilli aujourd’hui, face à la violence qu’on trouve au cinéma, mais aussi dans notre société, avec le harcèlement scolaire ces dernières années qui se fait de plus en plus fort. Mais face à cela, ça n’empêchera pas le film de Volker Schlöndorff d’être terrible à découvrir et suivre.

Tenu par un scénario passionnant, « Les désarrois de l’élève Törless » est un récit d’une très grande richesse. Volker Schlöndorff y raconte avec précision l’embrigadement d’un petit groupe d’élèves qui petit à petit bascule dans l’ultra-violence pour leur plus grand plaisir.

Ainsi, au travers de chemins de torture, le film de Volker Schlöndorff aborde tout un tas de sujets étonnants et difficiles. La lâcheté des élèves, qui en groupe, sont forts, d’ailleurs, l’effet de groupe, l’effet de foule, qui attise les violences, est très bien décrit avec une scène aussi dure que folle. Puis bien avant ça, il y a le racisme, ou du moins la peur de la différence, avec ces élèves venant d’une classe privilégiée dans la société, et qui s’amusent à torturer un jeune homme de famille modeste, qui en plus de ça, a un nom qui ne sonne pas vraiment allemand, d’où un parallèle qui peut être fait avec ce qui entraînera l’Allemagne dans le nazisme. Il peut y avoir comme un terreau au sein de cette école militaire.

« De manière très sous-jacente et jamais vraiment le dire, Volker Schlöndorff aborde les rapports entre hommes. »

Le film aborde aussi, au travers du personnage de Törless, qui est magnifiquement tenu par Mathieu Carrière, une sorte de fascination pour la violence. Ce personnage singulier, qui se pose comme un observateur fasciné puis dégoûté, est particulièrement intéressant, d’autant plus que le film se conclut avec un discours qui fait sens. Comme je le disais, avec toutes les violences portées au pauvre Basini, de manière très sous-jacente et jamais vraiment le dire, Volker Schlöndorff aborde les rapports entre hommes, ce qui est étonnant dans l’Allemagne de cette époque.

Puis derrière tout ça encore, le film aborde la lâcheté du corps enseignant et le sort qui est réservé aux victimes plus qu’aux coupables, ce qui sonne encore d’actualité aujourd’hui.

Face à cette intrigue riche et intense, il est vrai qu’il faut toutefois noter que « Les désarrois de l’élève Törless » a quelque peu vieilli dans sa mise en scène, et notamment dans son rythme, qui installe pas mal de longueurs. S’il y a toujours quelque chose d’intéressant qui est raconté, ou montré, il y a aussi quelque chose qui fait que parfois, le film traîne. Notons aussi que le film jouit d’un joli travail de restauration, avec une image et un noir et blanc impeccables.

Enfin, ce film est tenu par quatre comédiens qui sont impeccables de bout en bout de film. Si Alfred Diertz et Bernd Tischer, les deux bourreaux de Basini sont excellents, il est vrai que le film de Volker Schlöndorff c’est avant tout Marian Seidowsky qui incarne le pauvre Basini et Mathieu Carrière, qui est l’observateur qui nous entraînera vers ce discours final incroyable.

Ce premier film de Volker Schlöndorff, même s’il a vieilli, demeure une excellente découverte. Le réalisateur livre un film sombre et violent, doté d’une grande richesse dans tout ce qu’il raconte de manière crue, ou sous-jacente. Posant sa caméra dans une école militaire prestigieuse, le metteur en scène passionne et impose un film audacieux qui reste en tête après la séance.

Note : 15/20

Par Cinéted

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