avril 24, 2024

Les Disparus de Blackmore – Henri Loevenbruck

Auteur : Henri Loevenbruck

Editeur : XO Editions

Genre : Thriller

Résumé :

Octobre 1925. À Blackmore, une île coupée du monde au large de Guernesey, meurtres et disparitions sèment la terreur. Alors que la police piétine, Lorraine Chapelle, première femme diplômée de l’Institut de criminologie de Paris, est appelée en renfort. Cette cartésienne irréductible va devoir mener l’enquête aux côtés d’Edward Pierce, un Britannique spécialisé dans les sciences occultes qui se présente comme « détective de l’étrange ».
Ensemble, ils affrontent les plus sombres secrets de Blackmore : les statues énigmatiques disséminées sur l’île, la rumeur d’un culte maléfique qui sévirait dans l’ombre, et ce vent lancinant, le murmure des brumes, qui ne cesse jamais. Entre mensonges et confidences, ce duo improbable devra démêler le vrai du faux dans une course contre la montre diabolique.

Avis :

Depuis le cycle des Loups, en passant par les aventures ésotériques d’Ari MacKenzie, la bibliographie d’Henri Loevenbruck est l’une des plus diversifiées et riches du paysage littéraire francophone. Plus récemment, il s’est immiscé dans le roman d’espionnage avec J’irai tuer pour vous ou le polar historique avec les enquêtes de Gabriel Joly. L’auteur ne se cantonne pas à un style spécifique et aime surprendre son lectorat à chaque nouvelle parution. Avec Les Disparus de Blackmore, il s’investit dans le mélange des genres. À mi-chemin entre le thriller et le fantastique, l’ouvrage est présenté comme un hommage et une continuité aux œuvres d’Agatha Christie et de H.P. Lovecraft.

L’allusion a de quoi interpeller, a fortiori sous la plume d’un écrivain aussi expérimenté et talentueux. Cela tient également au contexte des années 1920, ainsi qu’au cadre où les protagonistes se rendent sur une île au large de Guernesey. Pour les amateurs du maître de Providence, il est aisé d’en comprendre la teneur, eu égard au rapport que ses histoires entretiennent avec le milieu maritime, les choses indicibles des profondeurs. D’ailleurs, la mise en condition se veut particulièrement immersive. L’arrivée sur l’île de Blackmore permet d’apprécier cette atmosphère palpable qui revêt de sombres atours. On songe à l’isolement des lieux, aux colères météorologiques.

On devine que la communauté dissimule des secrets et demeure repliées sur elles-mêmes. À cela s’ajoutent les prémices de l’enquête, ainsi qu’une exposition de l’affaire qui fait la part belle aux mystères. Il n’est pas question ici de se focaliser sur le caractère fantastique, mais d’entretenir le doute afin d’équilibrer les deux aspects majeurs du récit. L’un, pragmatique et ancré dans un cartésianisme incarné par Mlle Chapelle. L’autre, davantage ouvert sur le surnaturel et l’ésotérisme avec le zététique Edward Pierce. Bien qu’ils demeurent aux antipodes et ont une approche foncièrement différente, les deux protagonistes font généralement preuve de complémentarité dans leurs compétences, leur point de vue.

Malgré une excellente entrée en matière, l’intrigue perd quelque peu de son allant, à tout le moins évolue vers des considérations plus prévisibles. Le ton s’avère également plus léger qu’escompté. On songe à ces échanges où les confrontations multiplient les joutes verbales, les remarques pour mettre à mal certains interlocuteurs. Cela concerne surtout le tempérament emporté de Mlle Chapelle. La moindre parole constitue un prétexte pour remettre en place les quidams du coin. Face à la misogynie, au machisme ou à la condescendance de certains intervenants, ce type de réactions reste parfaitement compréhensible. Elles le sont moins lorsqu’Edward Pierce la complimente ou tente de lui ouvrir l’esprit sur d’autres perspectives. Avoir un tempérament indépendant ne veut pas forcément dire être agaçant.

De même, les chapitres où les deux personnages investiguent chacun de leur côté présentent un intérêt inégal. Alors qu’Edward Pierce s’immisce dans l’histoire locale et se confronte au passé occulte des lieux, Lorraine Chapelle effectue une enquête de terrain plus sommaire. Les interrogatoires débouchent sur peu ou prou de révélations, tandis que les maigres indices glanés çà et là prêtent à peu de conséquences. De plus, il faut compter sur de fréquents passages à motos ; qu’il s’agisse de courses poursuites (sur une île !) ou d’escapades. Sans pour autant constituer un anachronisme, le meeting de motos contraste et altère grandement l’ambiance dépeinte en amont.

Au final, Les Disparus de Blackmore est un roman qui laisse perplexe. Les influences de l’auteur sont évidentes et bien retranscrites. On apprécie le cadre, la mise en condition, ainsi que les tenants de l’affaire. L’atmosphère et la maîtrise narrative sont également au rendez-vous. En contrepartie, l’intrigue pâtit de choix qui atténuent l’excellent a priori initial. Cela concerne le comportement véhément (et pas toujours justifié) d’un de ses personnages principaux. Certains éléments de l’enquête tendent aussi à jouer la carte du conventionnel ou à digresser sur la passion de la moto. Les quelques péripéties apportent peut-être du rythme, mais demeurent loin d’être pertinentes pour poursuivre les investigations. Sans perdre de son intérêt, le récit finit néanmoins dans des considérations prévisibles, à défaut d’entrevoir l’indicible.

Note : 13/20

Par Dante

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