mars 28, 2024

La Grande Parade

Titre Original : The Big Parade

De : King Vidor et George W. Hill

Avec John Gilbert, Claire Adams, Hobart Bosworth, Renee Adoree

Année : 1926

Pays : Etats-Unis

Genre : Drame, Romance, Guerre

Résumé :

Lorsqu’il assiste à une parade militaire, Jim Apperson, fils d’un riche industriel au tempérament oisif et peu engagé, pense avoir enfin trouvé sa vocation. Il s’enrôle immédiatement dans l’armée et s’embarque pour la France, où la Première Guerre mondiale fait rage. Là, le courage et le dévouement cèdent rapidement la place à la désillusion et à la peur. Seule sa rencontre avec une jeune paysanne, Mélisande, illumine son quotidien. Mais Jim, appelé au combat, ne peut rester auprès d’elle.

Avis :

En pleine période de l’entre-deux-guerres, le cinéma muet est à son apogée. Le septième art s’impose en tant que média culturel à part entière et donne lieu à de véritables chefs-d’œuvre en Europe, comme aux États-Unis. Les années 1920 sont emblématiques de ce bouillonnement créatif où les expérimentations cinématographiques augurent des genres que l’on connaît. Les studios de production hollywoodiens ont également leurs réalisateurs attitrés. Parmi ceux-ci, on retrouve King Vidor. À l’instar de Cecil B. De Mille, le metteur en scène assoit sa carrière avec des fresques à l’ambition et à la représentation démesurées. L’une des premières d’entre elles fut La Grande Parade.

Le présent métrage marque l’un des plus grands succès pour le réalisateur, comme pour la MGM. Sur fond de Première Guerre mondiale, le scénario se penche sur l’engagement des États-Unis dans le conflit. Afin d’étayer son propos, King Vidor ne choisit pas un point de vue global avec de célèbres batailles, mais privilégie la relation amoureuse des deux protagonistes. D’emblée, on retrouve cette dichotomie en confrontant l’homme dans son individualité face à un évènement historique au retentissement international. Malgré l’engagement des intervenants, cela marque une rupture entre leur enthousiasme et la réalité.

« La Grande Parade ne s’inscrit pas corps et âme dans le film de guerre. Il privilégie une approche beaucoup plus pragmatique, voire intimiste. »

Pour autant, on ne se situe pas dans une évocation brutale, comme le fera quelques années plus tard Lewis Milestone avec À l’Ouest, rien de nouveau. À vrai dire, on ressent davantage l’influence et l’admiration pour le travail de D.W. Griffith, en particulier le métrage Cœurs du monde et ce traitement quasi-documentaire quant à la reconstitution d’un quotidien mis en suspens. En cela, La Grande Parade ne s’inscrit pas corps et âme dans le film de guerre. Il privilégie une approche beaucoup plus pragmatique, voire intimiste. Dans les intentions, cela permet de développer les personnages, ainsi que leurs interactions. Cependant, le drame romantique s’immisce bien rapidement dans une tonalité légère.

Certes, cette dernière peut symboliser l’insouciance des soldats et, dans une moindre mesure, celle des paysans. Mais à la gravité de la situation, on enchaîne les instants comiques qui tiennent davantage du burlesque qu’à quelques moments de répit. Dès lors, les gags jouent sur les rivalités sentimentales, les maladresses des hommes face à la gent féminine ou à des soirées festives bien arrosées qui tournent en bagarres générales. Cet aspect tend à s’étirer en longueur, à supplanter les ambitions initiales pour se complaire dans la bonhomie ambiante. Il ne s’agit pas uniquement de l‘entame, mais des deux tiers du métrage.

« À l’écran, la mobilisation et le déplacement des troupes demeurent bluffant, tant les moyens déployés sont impressionnants. »

Si l’idée demeure intéressante, elle est d’autant préjudiciable que l’accompagnement musical n’évite guère les clichés inhérents à l’hexagone. On multiplie les séquences où l’orchestre revisite l’hymne national. Cela entre des reprises de L’Araignée Gipsy et Au Clair de la Lune ! Pour un tel métrage, ces choix laissent plus que perplexe quant à l’image de la France rurale. Vraisemblablement, il s’agit d’une errance propre à la version restaurée et à la composition de Carl Davis. Toujours est-il que ces éléments atténuent considérablement l’excellent a priori sur le travail du réalisateur. Preuve en est avec cette dernière heure apocalyptique où l’affrontement dans les tranchées succède au défilé de convois militaires.

Ce départ pour le front marque une reconstitution grandiloquente. À l’écran, la mobilisation et le déplacement des troupes demeurent bluffant, tant les moyens déployés sont impressionnants. Le cinéaste renoue alors avec sa ligne directrice où l’on sombre dans une progression délétère. Ce n’est pas tant les combats armés ou les fusillades qui prévalent, mais cette manière de filmer les hommes et leurs expressions face à leurs actes. Si l’on compte bien des pertes et des blessures physiques, on ressent surtout l’impact psychologique qui découle des batailles. Il est vraiment dommage que cet aspect ne soit pas survenu plus tôt dans l’intrigue. Cela vaut aussi pour cet épilogue auréolé d’une grande sensibilité.

Au final, La Grande Parade est une fresque essentielle dans l’histoire du cinéma. Elle marque un précédent pour bon nombre de productions à venir. On apprécie cette capacité à replacer l’homme au centre des attentions et non à se focaliser sur la guerre elle-même. La caractérisation et la mise en scène concourent à faire du film de King Vidor un modèle du genre. Cependant, il est à regretter une part prépondérante allouée au burlesque et à une connotation pseudo-comique qui s’impose devant la dramaturgie initialement avancée. Certes, le réalisateur n’en oublie pas de marquer ses personnages face aux sacrifices consentis, mais cela survient un peu trop tardivement. Il en ressort un film muet de qualité dont le statut de chef d’œuvre s’est quelque peu étiolé avec le temps et… sa version restaurée.

Note : 14/20

Par Dante

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