Titre Original : Potato Dreams of America
De : Wes Hurley
Avec Marya Sea Kaminski, Dan Lauria, Sera Barbieri, Lea DeLaria
Année : 2021
Pays : Etats-Unis
Genre : Biopic, Drame, Comédie
Résumé :
Lena et son fils gay, affectueusement appelé Potato, tentent d’échapper à la dure réalité de leur Vladivostok natal après la chute de l’Union soviétique, en regardant des films américains. Emportée par le fantasme d’une vie meilleure, Lena se marie par correspondance avec un Américain afin de partir s’installer aux États-Unis. Arrivés aux pays des étoiles, Potato et Lena réalisent que l’Amérique regorge de surprises, un pays de liberté ou Potato en grandissant sera libre de vivre comme il l’entend.
Avis :
Wes Hurley est un réalisateur russo-américain qui est arrivé sur le sol américain à l’âge de seize ans. Se sentant américain depuis que sa mère lui a montré un film américain, Wes Hurley, né Vassili Naumenko, s’est très vite orienté vers le domaine artistique. Travaillant au théâtre et dans des Cabaret à Seattle, Wes Hurley se met à réaliser au cours des années 2000. Bourreau de travail, il enchaîne alors les courts-métrages pendant presque dix ans. C’est en 2015 qu’il réalise son premier film, « Waxie Moon In Fallen Jewel« , portrait d’un transsexuel de la scène de Seattle.
Tenant une histoire personnelle forte, Wes Hurley l’a déjà évoquée à travers le documentaire qu’il a réalisé sur lui en 2017, « Little Potato« . Trouvant qu’avec son enfance et son arrivée aux Etats-Unis, il y avait matière à faire un film de fiction, le réalisateur se lance donc dans une autobiographie, et là où il aurait pu faire quelque chose de classique, au vu de la difficulté de ses sujets, Wes Hurley va surprendre et nous entraîner dans un film aussi cool qu’il est déjanté, esthétique et un brin classico-classique. Savoureux mélange entre du Wes Anderson, du John Waters, du Gregg Araki et pourquoi pas un point d’Almodovar, « Au bout de mes rêves » est une très belle surprise.
« »Au bout de mes rêves » tient un scénario qui est une petite bombe de douceur et de délire. »
Vers la fin des années 80, Vassili Naumenko, quatorze ans, habite en Russie dans la ville de Vladivostok. Le mur de Berlin s’étant « effondré » et le monde s’ouvrant, la mère de Vassili en profite pour se marier avec un Américain afin de fuir le communisme et surtout afin d’offrir un avenir à son fils, loin de l’Armée rouge.
Drôle, décalé, et en même temps critique et cynique, le deuxième long-métrage de Wes Hurley débarque pour bousculer la programmation de Deauville et mettre un peu de drôlerie dans tout ce sérieux. Pourtant, lorsque l’on jette un œil au film de Wes Hurley, ce dernier n’a rien de vraiment drôle, on peut même dire que le réalisateur russe nous entraîne dans un film plutôt sombre qui tient des sujets compliqués, comme le fait de vivre sous la Russie communiste lorsque l’on pense différemment, ou bien le choc des cultures entre la Russie et l’Amérique, et puis au-delà de ça, il y a l’homosexualité chez les jeunes dans les années 80/90.
Autobiographique, « Au bout de mes rêves » tient un scénario qui est une petite bombe de douceur et de délire. Peuplé de scènes touchantes et complétement fuckées, Wes Hurley utilise l’humour et le cynisme pour nous raconter son adolescence et sa vie jeune adulte. On rit, on rit même beaucoup, puis d’un coup, on est touché, et ce va-et-vient, le réalisateur l’opère sur tout le film, ce qui ne cessera de nous surprendre. Une surprise qui est quasi immédiate avec cette description folle et tordante de la Russie vue par un adolescent. Que ce soit dans la façon de raconter, dans les caractères, dans les délires, dans les visuels, Wes Hurley ose plein de choses et ça fonctionne très bien pour notre plus grand plaisir.
« Bourré d’inventivité et d’originalité, « Au bout de mes rêves » a ce don de nous surprendre. »
Hurley s’amuse de ses influences, fantasme beaucoup de ses scènes, mais au final, sur l’ensemble de son film, ou plutôt de ses deux films, car « Au bout de mes rêves » est deux films en un, marche et l’on se laisse totalement emporter dans cette histoire de découverte (de soi, mais aussi d’un pays et de plusieurs cultures).
Avec « Au bout de mes rêves« , Wes Hurley réussit à mélanger les influences diverses (Wes Anderson, John Waters, Almovodar… Bref, ce que j’ai déjà cité plus haut) tout en se les appropriant afin de créer son propre univers. Un univers chaleureux, drôle, coloré, étincelant, et plus largement un univers dans lequel on se sent bien. Bourré d’inventivité et d’originalité, « Au bout de mes rêves » a ce don de nous surprendre et de nous donner envie d’aller toujours plus loin dans son histoire, dans ce qui va arriver à son héros, et comment sa famille d’éducation chrétienne orthodoxe russe va pouvoir réagir, et à chaque fois, Wes Hurley fait mouche et surprend dans le ton qu’il adopte pour évoquer et creuser tel ou tel sujet.
À noter aussi que sa mise en scène évolue en permanence, nous offrant de la comédie pure, de la comédie musicale, du drame, de l’humour noir, des envolées fantasmatiques ou encore des moments où il laisse les émotions de ses personnages prendre petit à petit la place.
« Wes Hurley nous offre un casting royal où chaque comédien est une petite révélation. »
Et d’ailleurs, en parlant de personnages, Wes Hurley nous offre un casting royal où chaque comédien est une petite révélation à lui seul. Dan Lauria, Lauren Tewes, Lea DeLaria, Sera Barbieri ou encore Hersh Powers sont excellentissimes. On notera une mention hilarante pour Jonathan Bennet qui incarne Jésus. Mais il est vrai que parmi tous ces acteurs et ces actrices, il y en a un qui survole tout le monde. Cet acteur, c’est Tyler Bocock qui incarne Vassilli qui vient d’arriver aux Etats-Unis et ce jeune comédien en est presque bouleversant. D’une délicatesse et d’une sincérité folle, le suivre et suivre son personnage dans ses découvertes et son acceptation sont un délice.
Le nouveau film de Wes Hurley n’est que magie, drôlerie, paillette et émotion. Inventif, référencé tout en créant son propre univers et sa façon de raconter cette adolescence et cette entrée dans une vie de jeune adulte, « Au bout de mes rêves » se pose alors comme un très joli coup de cœur et plus largement, je pense qu’au vu des scènes tordantes, de l’humour débordant et de la petite dinguerie dont le film fait preuve, ce deuxième Wes Hurley peut prétendre à entrer dans mes films cultes.
Note : 17/20
Par Cinéted