mars 28, 2024

David Lynch – The Art Life

De : Jon Nguyen, Rick Barnes, Olivia Neergaard-Holm

Avec David Lynch

Année : 2017

Pays : Etats-Unis, Danemark

Genre : Documentaire

Résumé :

Le film documentaire David Lynch: The Art Life est un portrait inédit de l’un des cinéastes les plus énigmatiques de sa génération. De son enfance idyllique dans une petite ville d’Amérique aux rues sombres de Philadelphie, David Lynch nous entraîne dans un voyage intime rythmé par le récit hypnotique qu’il fait de ses jeunes années. En associant les œuvres plastiques et musicales de David Lynch à ses expériences marquantes, le film lève le voile sur les zones inexplorées d’un univers de création totale.

Avis :

À l’image de leurs œuvres, il est des personnalités artistiques qui relèvent de l’énigmatique. Cela peut tenir à un caractère anticonformiste, quelques velléités asociales ou encore à une approche radicalement dissemblable des productions de masse. On peut même parler d’innovation et d’originalité dans la retranscription d’une vision. Cependant, elle n’est pas forcément comprise ou appréhendée de manière adéquate. Dans le cas de David Lynch, on assiste à une carrière unique, cryptique au possible, qui peut se résumer et se symboliser par un grand point d’interrogation. Le genre d’homme impénétrable où ses histoires et ses créations interpellent par leur parti pris, leur atmosphère.

Pour autant, David Lynch : The Art Life ne constitue pas une rétrospective de sa filmographie. Il s’avance comme l’antithèse d’un tel exercice. Le présent documentaire est l’occasion d’évoquer le passé du réalisateur, son parcours plus ou moins chaotique, avant qu’il ne s’oriente vers le cinéma, presque de manière fortuite. La production du métrage aura nécessité près de 4 années de tournage au gré desquelles l’artiste se prête à plusieurs confidences ; qu’elles tiennent de sa vie personnelle jusqu’à ses principales influences. On notera que ces deux sources sont intimement liées dans le processus de création chez David Lynch.

« Le traitement du documentaire se joue de fantasmagories, d’artefacts où la réalité et la fiction ne sont jamais très éloignées. »

Il ne s’agit pas ici de trouver des clefs de compréhension et d’interprétation de son œuvre, mais une opportunité de connaître l’homme. Ce rapport à l’art à travers ses premières peintures, ainsi que des souvenirs plus ou moins traumatiques. Au-delà de l’évocation d’un passé idyllique, on entrevoit le spectre de ses tourments. Certaines expériences vécues sont fondatrices de ce qu’il adviendra avec ses créations ; qu’elles soient d’ordre pictural ou cinématographique. On songe à cette femme nue qu’il aperçoit en pleine rue et sera représentée à l’écran dans Blue Velvet. Sans images d’archives à l’appui, on retrouve aussi des allusions à Lost Highway.

Tout comme certains de ses projets, ces évocations tiennent du domaine du sensitif, de cette capacité à visualiser son témoignage dans notre imaginaire. Le traitement du documentaire se joue de fantasmagories, d’artefacts où la réalité et la fiction ne sont jamais très éloignées ; a fortiori lorsqu’on rapproche ses propos de ses films. Il y plane une aura pesante, presque surnaturelle, quand le metteur en scène se penche sur son passage à Philadelphie, à sa manière de donner corps à Eraserhead par des moyens limités avec une détermination et une inspiration sans bornes. Mais la nostalgie se heurte à la peur. La peur que rien n’aurait pu se faire sans une rencontre providentielle ou un choix de vie différent.

« Il en ressort un portrait humain, où le doute et la remise en question font partie intégrante de son existence. »

Dès lors, ce parcours se jonche d’épreuves, de décisions et, parfois, d’un aveuglement propre aux individus les plus résolus. L’artiste se confronte aux « conseils » de son entourage, aux réalités qui l’accablent pour subvenir aux besoins de sa famille. Famille qui, au demeurant, ne cesse de s’agrandir avec Lula, sa dernière fille. En ce sens, on a l’impression que le film s’avance comme un héritage, un legs pour ses proches. En fonction du spectateur, l’objet attendu n’est pas celui escompté. Il s’arroge les atours d’un message intergénérationnel, où David Lynch se fait le témoin du passé pour le transmettre à ses enfants. Il en ressort un portrait humain, où le doute et la remise en question font partie intégrante de son existence.

Au final, David Lynch : The Art Life est un documentaire intimiste qui permet de découvrir une facette peu connue de l’artiste. Éloigné de toute exégèse quant à son œuvre, le film éclaire certains pans de sa vie, tandis qu’il épaissit le mystère sur d’autres aspects. Cela vaut pour cette curieuse séquence où il interrompt le fil de la conversation ou son rapport à l’art, aux processus créatifs. On le constate avec son travail en atelier où il est davantage intéressé par la démarche de la création, la manipulation plastique des matières, que par l’œuvre achevée. Mais l’est-elle réellement ? Cette part d’interprétation toute subjective contribue au charme et à l’aura de sa carrière, tout étrange et nébuleuse est-elle.

Note : 16/20

Par Dante

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