avril 20, 2024

I See You

De : Adam Randall

Avec Helen Hunt, Jon Tenney, Judah Lewis, Owen Teague

Année : 2020

Pays : Etats-Unis

Genre : Thriller

Résumé :

Justin Whitter, 10 ans, disparaît alors qu’il faisait du vélo dans un parc. L’inspecteur de police Greg Harper en charge de l’affaire découvre de nombreuses similitudes avec de précédents cas d’enlèvements d’enfants dans la région. Au même moment, son épouse Jackie et leur fils Connor font face à des phénomènes étranges et inhabituels dans leur maison : vaisselle qui disparaît, télévision qui s’allume toute seule… Rien qui ne les inquiète vraiment, et pourtant…

Avis :

Il est assez intéressant de voir comme le cinéma est souvent fait de petits riens qui changent tout un film. En effet, parfois, il suffit d’un twist final pour nous retourner le cerveau. Des fois, un changement de point de vue alimente plusieurs retournements de situation. Une mise en scène inspirée peut alors convenir à la plus simple des intrigues. Bref, bien souvent, pour sortir son épingle du jeu, il faut faire preuve de malice, et pas forcément prendre des modèles déjà existants. C’est ce que va faire Adam Randall avec I See You. Thriller qui semble tout ce qu’il y a de plus conventionnel, c’est en changeant son point de vue en milieu de film que le long-métrage va trouver toute sa saveur et produire en nous un sentiment gratifiant, celui de voir ce à quoi on ne s’attendait, et nous surprendre plusieurs fois.

Le pitch du film est relativement simple dans ses grandes lignes. Un gosse de dix ans disparait dans une petite commune américaine, et l’inspecteur en charge de l’enquête piétine. D’autant plus que les indices laissent à penser à un copycat d’un serial killer derrière les barreaux depuis quinze ans. Pendant ce temps, dans la maison de cet inspecteur, des évènements étranges se produisent. La télé s’allume toute seul, des couverts manquent dans les tiroirs, des mugs disparaissent, bref, tout laisse à penser qu’un esprit malin est à l’œuvre dans cette baraque. Mais entre une femme infidèle, un ado en pleine crise et une enquête qui prend de l’ampleur, forcément, les petits détails de la maison n’ont pas le temps d’alerter plus que ça. C’est dans ce climat délétère que commence avec I See You, jouant constamment sur la frontière entre réel et irréel.

« Adam Randall expose une ambiance lourde, pénible, où personne ne semble heureux. »

Il faut dire que le réalisateur est un petit malin qui joue avec nous dès le début, avec l’enlèvement de ce gamin qui fait du vélo, et qui va faire un joli vol plané, nous laissant circonspect sur sa disparition (on pense de suite à des extraterrestres). Puis le scénario va alors s’appesantir sur cette famille dysfonctionnelle, en mettant en avant la tromperie de la femme, qui crée un malaise au sein du couple. Les dialogues sont rompus, les relations sont tendues, et chacun végète dans son coin, essayant de faire ce qu’il faut pour vivre. Adam Randall expose une ambiance lourde, pénible, où personne ne semble heureux. Cela s’accentue avec des détails au sein de la maison, et une présence de plus en plus prégnante. Dès lors, on va penser à des films comme Housebound, The Pact, Intruders, et consorts, avec un habitant tenace dans les combles.

Même si le réalisateur joue constamment sur la possibilité d’une présence fantomatique, certains détails n’échapperont à notre regard pour nous aiguiller vers une vérité tenace. Mais c’est au moment où l’on sent le pot aux roses que le scénario va complètement changer de point de vue. Alors que la présence se dévoile, le film décide d’adopter un autre point de vue qui va tout retourner. En effet, on va alors suivre deux jeunes gens adeptes du « phrogging », c’est-à-dire habiter dans les maisons des gens pendant quelques jours, à leur insu. Et si au départ, le petit jeu tient la route, on va vite se rendre compte que le garçon qui accompagne sa copine est assez malsain. Il va vouloir jouer avec cette famille et faire des coups en douce. A ce moment-là, le film va proposer les mêmes situations qu’au début, mais avec un autre regard.  

« Adam Randall, en sous-texte, arrive à égratigner le portrait de l’american way of life. »

Et c’est bien là toute la force du film, qui part d’un postulat connu de tous (ou du moins des amateurs de bis) pour mieux le détourner par la force de la narration. Car même si on pense savoir certaines choses, on sera très surpris par la tournure que prennent ces choses, qui auront d’ailleurs un écho sur le passé, avec en prime une fin qui n’en fait pas des caisses et qui dévoile ses billes sans un seul mot. Adam Randall est plutôt intelligent dans sa démarche, car même si son film est visuellement très classique, il propose une fin qui se passe de mots et joue sur la mise en scène. Du coup, I See You est un film qui surprend par la maîtrise de son scénario, de son écriture, qui ne laisse rien au hasard et qui va de twist en twist sur sa deuxième partie.

On pourrait aussi se dire que malgré la réussite factuelle du film, il ne raconte pas grand-chose d’autre que son côté thriller à tiroirs. Pourtant, si l’on se penche quelques secondes entre les lignes, on peut voir des messages assez intéressants sur la famille modèle aux Etats-Unis. Couple ayant de l’argent et de l’influence, avec un adolescent qui semble bien sous tout rapport, il se cache quelque chose de puant derrière les murs de cette maison. Addict aux médocs, manipulation psychologique, patriarcat insidieux avec ce père fier que son fiston se bastonne avec d’autres gamins et impose une épreuve ignoble à sa femme. Bref, il y a tout un tas de sujets qui sont brassés et qui sont loin d’être inintéressants. Adam Randall, en sous-texte, arrive à égratigner le portrait de l’american way of life, et c’est plutôt bien vu.

Au final, I See You est un excellent thriller qui se joue de ce que l’on connait déjà pour mieux nous surprendre et nous prendre à revers. Analysant en filigrane les secrets terribles que peut cacher une famille américaine mondaine, le film joue sur plusieurs tableaux et gagne tous ses galons sur la double narration qui permet de jouer avec les twists sans jamais sombrer dans la facilité ou la redite. Bref, une belle découverte qui mérite le coup d’œil.

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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