avril 19, 2024

La Ligne – Conflit Mère/Fille

De : Ursula Meier

Avec Stéphanie Blanchoud, Valeria Bruni Tedeschi, Elli Spagnolo, India Hair

Année : 2023

Pays : France, Suisse, Belgique

Genre : Drame

Résumé :

Après avoir agressé violemment sa mère, Margaret, 35 ans, doit se soumettre à une mesure stricte d’éloignement en attendant son jugement : elle n’a plus le droit, pour une durée de trois mois, de rentrer en contact avec sa mère, ni de s’approcher à moins de 100 mètres de la maison familiale. Mais cette distance qui la sépare de son foyer ne fait qu’exacerber son désir de se rapprocher des siens. Chaque jour la voit revenir sur cette frontière aussi invisible qu’infranchissable.

Avis :

Dans le paysage des cinéastes françaises, Ursula Meier est une metteuse en scène qui se fait rare. Depuis son premier film de fiction en 2008, on ne lui compte que trois films. Réalisant depuis le milieu des années 90, Ursula Meier commence par des courts-métrages avant de venir aux documentaires en 1999, puis en 2002. Par la suite, elle réalise « Home » en 2008, avec Isabelle Huppert en tête d’affiche, puis « L’enfant d’en haut » en 2012. Film qui révélera par ailleurs Kacey Mottet Klein.

Après deux courts-métrages en 2014 et 2015, Ursula Meier est de retour dans les salles obscures onze ans après son dernier film pour une histoire de famille pour le moins original. Film de territoire, analysant les relations mère/filles, ou encore les relations de sœurs, « La ligne » est un bon drame, intéressant dans ce qu’il raconte, notamment quand il s’arrête sur la violence et le pardon. Très court, à peine une heure et quarante minutes, Ursula Meier va à l’essentiel, mais au milieu de ce beau décor, cette « … ligne » manquera parfois d’émotion, ce qui peut être un tantinet décevant, car il manquera alors quelque chose à l’ensemble pour passer un cran au-dessus.

« Avec ce film, Ursula Meier questionne les relations mère/fille, et plus largement la famille… »

Après une très violente altercation avec sa mère, qui a laissé cette dernière à moitié sourde, Margaret, trente-cinq ans, se voit, par une décision de justice, interdite d’approcher le domicile de sa mère à moins de cent mètres pendant trois mois. Pour être sûr de marquer l’esprit de sa sœur, Marion, la benjamine de la famille, va alors tracer à la peinture une ligne autour de la maison familiale. Une ligne qui marque là où Margaret doit s’arrêter. Cette ligne, frontière qui la sépare de son foyer, ne fait alors que renforcer son envie d’être avec les siens, et c’est ainsi que tous les jours après le travail, Margaret revient encore et encore jusqu’à cette ligne…

Il y a des intrigues qui, à la lecture du synopsis, ont une tendance à piquer la curiosité plus que d’autres, et c’est le cas avec nouveau film d’Ursula Meier, qui a eu l’idée d’un drame de famille, où une fille ne peut plus approcher sa mère, et une ligne tracée comme une frontière quasi invisible se dresse entre elle et son foyer.

Écrit en compagnie de Robin Campillo et Stéphanie Blanchoud (est qui aussi l’actrice principale de ce film), « La ligne » est un film intéressant, qui a bien des sujets à explorer. Avec ce film, Ursula Meier questionne les relations mère/fille, et plus largement la famille, avec les concessions qu’on peut faire, ou encore cette idée d’un personnage qui ferait office de tampon, entre une mère et une fille où tout idée de dialogue est rompue, enfin, du moins pour le moment. « La ligne » est un film qui parle du pardon, offrant tout un tas de points de vue. Comment pardonner à une fille de lui avoir enlevé quelque chose de très cher ? Comment pardonner à une mère qui reste murée, ou encore comment se pardonner à soi-même des gestes et erreurs qui ont coûté cher à autrui ?

« Dans son scénario, Ursula Meier questionne aussi la violence, et la violence au féminin… »

Ce pardon s’aventure sur d’autres personnages comme les deux autres sœurs de la famille, ou encore du côté des personnages masculins, avec amis et belles familles. Toujours dans son scénario, Ursula Meier questionne aussi la violence, et la violence au féminin, avec un personnage principal qui est une écorchée vive qui a bien du mal à communiquer avec les autres, et qui a une tendance à se défendre et cogner, à la place de pouvoir parler. Avec ce personnage, Ursula Meier et Stéphanie Blanchoud font quelque chose d’excellent, et même si parfois, il est vrai que l’ensemble manque d’émotion, l’idée de cette mesure d’éloignement, et cette ligne tracée au sol, fonctionne au fur à mesure comme un élément d’apaisement et une catharsis qui fera son œuvre.

L’idée est aussi excellente qu’elle est touchante, et il est vraiment dommage qu’il manque de l’émotion, car cette « … ligne » tient beaucoup d’éléments pour être un très bon, voire grand, moment de cinéma, mais ce manque bloque le film dans la catégorie des bons films qui se laissent très sympathiquement regarder (vous me direz, c’est déjà très bien).

« Stéphanie Blanchoud qui crève l’écran dans la peau de cette jeune femme brutale et en même temps bien moins forte qu’elle n’y paraît. »

Le film se laisse aussi regarder grâce à la prestation de ses actrices, à commencer par Stéphanie Blanchoud qui crève l’écran dans la peau de cette jeune femme brutale et en même temps bien moins forte qu’elle n’y paraît. Ursula Meier a su capturer quelque chose d’intense chez elle, qui fait qu’elle est en permanence au point de rupture, au point qu’il en naît une sorte de suspens, car ce personnage est tellement « bordeline », que n’importe quelle conversation peut engendrer une vive émotion. L’actrice, de près comme de loin (ça dépendra des cent mètres), est parfaitement soutenue par d’un côté la jeune Elli Spagnolo, qui incarne sa plus jeune sœur (le rôle tampon dont je parlais plus haut), par India Hiar, qui incarne une sœur partagée entre tragique et comique. Puis enfin, pour incarner cette mère blessée et froide à la fois, on trouve cette grande actrice qu’est Valeria Bruni Tedeschi. Tout comme Stéphanie Blanchoud, elle est aussi intense dans son jeu que son personnage l’est dans « la vie ». C’est vraiment dommage que le film ne soit pas plus touchant que cela.

Ce troisième long-métrage pour Ursula Meier se pose comme un moment de cinéma intéressant. Bien mis en scène, bien tenu par ses comédiennes et ses comédiens, et posant une bonne réflexion sur le pardon, la notion de famille et la violence au féminin, il est vraiment dommage que l’ensemble n’ait pas été plus touchant. Quoi qu’il en soit, je ne regrette pas mon moment passé devant cette « … ligne« .

Note : 13/20

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