avril 25, 2024

Les Chefs-d’Oeuvre de Junji Ito T.02

Auteur : Junji Ito

Editeur : Mangetsu

Genre : Horreur

Résumé :

Une deuxième anthologie des meilleures histoires du maître de l’horreur japonais.

Avis :

Ce n’est un secret pour personne, Junji Ito est un maître incontesté et incontestable de l’horreur nippone. Se destinant à une carrière de prothésiste dentaire, c’est en parallèle de son travail qu’il commence à dessiner, s’inspirant des grands noms du manga horrifique de l’époque. Aujourd’hui, l’auteur est devenu tellement culte que des animés sortent en reprenant ses histoires, et qu’une nouvelle anthologie est annoncée sur Netflix. Bref, Junji Ito est un immanquable pour tous les fans de frayeur. Et l’éditeur Mangetsu s’est fait un devoir de sortir dans de sublimes éditions tous les ouvrages (ou presque) de l’auteur, dont ces chefs-d’œuvre qui trouvent du liant entre eux. Et si le premier tome était très frontal, avec des histoires crues et violentes, ce second opus est plus insidieux, cherchant le psychologique et des thèmes plus baroques, comme la beauté à tout prix ou l’orgueil.

La première histoire, Les Cous Hallucinés, va surprendre par son démarrage. En effet, on va plonger en plein dans une histoire de jalousie, qui mène un adolescent à tuer son meilleur ami, plus grand que lui. Ici, on se place du côté du tueur, et non plus de la victime. Alors certes, le personnage va devenir un peu fou, en voyant des personnes avec des cous hypertrophiés, mais l’angle d’attaque du mangaka est étonnant et rompt avec les histoires du premier tome. Cet aspect, de prendre le point de vue du « méchant », on le retrouve dans plusieurs histoires de ce tome. On peut par exemple citer La Sadique, qui s’éloigne complètement du fantastique, pour peindre le portrait d’une jeune femme qui prend du plaisir à maltraiter un enfant. Et c’est elle qui nous raconte cette histoire, ce qui offre un étrange cas de conscience.

Il en va de même avec La Ville Funéraire, où l’on va suivre un couple qui, accidentellement, tue une jeune fille et ils vont cacher le corps dans le coffre de leur voiture. Bien évidemment, le karma va faire le reste, avec côté glauque qui surprendra sur la fin, et notamment une planche qui titille bien les yeux, mais encore une fois, on se place du côté des fautifs, qui deviendront dès lors les victimes d’une étrange malédiction. Bref, rien que pour ces points de vue qui nous prennent à revers, on sent le lien entre les histoires, et la différence avec celles du premier tome. Junji Ito est un malin, et on comprend bien vite ses envies et ses inspirations grâce à des annotations offertes à chaque fin d’histoire. Cependant, prendre le point de vue des « vilains » n’est pas le seul thème qui relie les histoires.

Il y a dans ce tome un rapport au corps et à la propreté qui est assez présent. Si l’on outrepasse les délires de la Femme-Limace qui tient plus de la malédiction avec quelques aspects crapoteux, certaines histoires mettent en scène des personnages maniaques, ou tout simplement obnubilés par la beauté. Tuyaux Hurlants met en scène une famille dont la mère et ses filles ne pensent qu’à la propreté et où la saleté n’a pas sa place, quitte à harceler des femmes de ménage. Bien entendu, l’arrivée d’un amoureux puant vient mettre du désordre dans une apparente normalité. Jusqu’à son final, cette histoire met mal à l’aise de par deux points, la maniaquerie des protagonistes et l’arrivée progressive d’une crasse qui se cache dans les tuyaux ou derrière les murs. Ce qui ne sera pas la même chose avec Horreur Charnelle.

Dans cette histoire, l’auteur va aller très loin dans l’horreur purement graphique. Ici, on retrouve une professeure qui est très inquiète vis-à-vis du comportement d’un petite garçon à la peau diaphane. Elle s’invite alors chez lui et découvre que sa mère est obnubilée par sa beauté, jusqu’à découvrir un horrible secret. Junji Ito renoue avec du frontal pur jus, tout en accentuant sa thématique de l’obsession et de la beauté. On retrouve un petit peu cela avec Les Rumeurs, qui met en scène le personnage de Soïchi, mais qui va surtout faire revenir ce top modèle gigantesque et effrayant, renouant alors avec une horreur graphique violente et sanguinolente. Bref, l’auteur s’amuse avec des thèmes plus insidieux, tout en gardant son côté percutant, notamment sur des fins abruptes et virulentes.

Mais le plus surprenant dans ce tome va venir d’un côté émouvant et touchant qui étonne. La Femme-Limace nous met mal à l’aise, car la malédiction s’abat sur une jeune femme qui n’a rien demandé et qui se retrouve victime d’un sort ignoble. Son regard mélancolique, à la fin, fait mal au cœur. Il en va de même avec La Chuchoteuse, où une jeune femme aspire finalement la vitalité d’une femme battue, qui se donnera corps et âme à son métier pour échapper à son mari violent. Junji Ito finit toujours par un côté horrifique prégnant, mais il y a une finesse d’écriture qui touche et s’appuie sur des faits sociétaux véritables. Enfin, Doux Adieux place une intrigue émouvante sur la façon de dire au revoir aux défunts. Là encore, l’auteur fait preuve d’une certaine délicatesse et évite de sombrer dans une horreur trop crue pour mieux nous surprendre.

Au final, Les Chefs-d’œuvre de Junji Ito tome 2 est encore une fois une petite merveille. Si certains lecteurs seront peut-être déçus par des histoires moins percutantes, moins violentes d’un point de vue graphique, il n’en demeure pas moins que l’écriture des scénarios est plus fine, plus touchante, et on retrouve une nouvelle facette de l’auteur. De plus, ce tome se veut plus insidieux, plus macabre, et finalement, il reste plus longtemps en tête que des histoires plus basses du front. Quoi que l’on préfère, ces deux tomes témoignent d’un savoir-faire unique et d’une imagination macabre qui force le respect.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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