avril 27, 2024

La Cour des Miracles – Conseil de Maîtres

De : Carine May et Hakim Zouhani

Avec Rachida Brakni, Anaïde Rozam, Gilbert Melki, Disiz

Année : 2022

Pays : France

Genre : Comédie

Résumé :

Jacques Prévert, école primaire en Seine-Saint-Denis, est menacée par l’arrivée d’un nouvel établissement scolaire bobo-écolo flambant neuf. Zahia la directrice de l’école, en quête de mixité sociale, s’associe à Marion, jeune instit pleine d’idées, pour créer la première « école verte » de banlieue et attirer les nouveaux habitants. Mais pour ça, il va falloir composer avec une équipe pédagogique disons… hétéroclite, et pas vraiment tournée vers la nature.

Avis :

Couple de réalisateurs, Carine May et Hakim Zouhani travaillent ensemble depuis la fin des années 2000. Les deux cinéastes ont tout d’abord collaboré sur un premier long en 2011, « Rue des cités« , avant de ne réaliser que des courts-métrages sur cette décennie-là. Des courts-métrages très urbains qui s’attardent sur les maux de nos sociétés, et petit à petit, le duo se fait gentiment remarquer. Onze ans après le premier long, Carine May et Hakim Zouhani reviennent alors sur les grands écrans, pour un film choral autour de l’école. Les deux metteurs en scène avaient envie de parler des écoles et de l’éducation, sujet que l’un d’entre eux connaît bien, puisque Carine May fut un temps professeure des écoles.

L’éducation est un vaste sujet qui attire toujours l’œil des cinéastes. Lorsqu’on pense à des films qui ont pour sujet l’école, d’emblée « Être et avoir« , « La vie scolaire« , « Entre les murs » ou encore « La journée de la jupe » nous viennent en tête. Généralement, même si ces films se ressemblent tous un peu, on passe toujours un bon moment devant. Pour leur nouveau film, les deux réalisateurs ont décidé de changer d’axe et d’essayer de raconter autre chose que la traditionnelle vision du professeur face à sa classe. Ici, pour « La cour des miracles« , May et Zouhani ont décidé de parler d’un collectif, d’un ensemble de professeurs qui vont tout mettre en œuvre pour redorer le blason de leur école.

Engagé, énergique, amusant tout en étant intéressant dans son message et sa vision de l’éducation des plus petits, cette « … cours des miracles » se pose comme une bonne petite surprise devant laquelle on a passé un chouette petit moment.

Zahia est la directrice de l’école Jacques Prévert d’Aubervilliers. Zahia tient cette école comme elle peut, avec des restrictions budgétaires toujours plus grandes, ce qui a fini à la longue par abîmer son école et l’image qu’elle peut renvoyer. Une image qui va être encore plus abîmée avec la construction à une centaine de mètres d’elle d’une nouvelle école flambant neuve, qui accueillera les enfants d’une nouvelle résidence construite, elle aussi, à côté. Avec cette nouvelle école, tous les habitants du quartier veulent y inscrire leurs enfants et pour sauver son école, Zahia va devoir, avec les autres professeurs, redorer le blason de cette dernière et surtout donner envie aux habitants, nouveaux comme anciens, d’y mettre leurs enfants.

Il y a des films qu’on n’attend pas vraiment et qui savent se poser comme de jolies surprises et c’est le cas du film de Carine May et Hakim Zouhani. Si les films sur l’éducation nous font globalement passer un bon moment, je dois bien avouer qu’un nouveau film là-dessus, avec cette idée d’école verte, me laissait assez dubitatif, et encore plus après avoir vu la bande-annonce. Pourtant, à la découverte de cette « … cour des miracles« , force est de constater que le film de Carine May et Hakim Zouhani m’a fait passer un bon moment et surtout, il a réussi à se faire surprenant à bien des égards.

Pile dans l’air du temps, « La cours des miracles » est un vent de fraîcheur qui nous vend une vision utopiste d’un mode d’éducation et en même temps, alors même qu’on pourrait se dire que c’est un film bobo-écolo déconnecté, il arrive à convaincre grâce à ses idées, ses combats et surtout ce final, qui ne conclura pas le film comme on pouvait l’imaginer.

Si le film n’est pas exsangue de défauts, comme par exemple certains personnages qui apparaissent et disparaissent d’un coup, pour réapparaître sur la fin. Si le film use parfois de facilités scénaristiques un peu grosses, ou encore, s’il exagère certains traits, sur son ensemble, le scénario et toutes les idées et les combats qu’approche cette « … cour des miracles » sont intéressantes et surtout, on se laisse volontiers embarquer et toucher par ce projet un peu fou. Il y a une sincérité et une bonne humeur qui font du bien et ça, malgré parfois des sujets difficiles, voire injustes qui traversent l’intrigue.

En fait, la force de ce film, la force qu’insufflent Carine May et Hakim Zouhani, c’est cette facilité de passer de la comédie au drame tout en gardant en tête l’idée de cette école, tout en gardant en tête l’idée d’une éducation autrement, prônant un retour à la nature, s’intéressant à l’idée des enfants qui ne joueraient plus dehors, étant entouré de béton. Puis derrière ça, ils n’oublient jamais d’offrir un divertissement qui sait toucher, tout comme il s’amuse, il s’amuse, ou encore se moque de ce que l’on pourrait penser au départ de ce film. Bien souvent, les deux réalisateurs, avec leurs personnages, s’amusent de l’idée de projet bobo-écolo.

Au-delà de ça, « La cour des miracles » se fait riche en divers sujets, allant creuser bien plus loin que l’idée seule d’une école verte. Au gré du scénario, les deux réalisateurs parlent de l’éducation nationale et des restrictions budgétaires, surtout dans les zones pauvres. Le film aborde aussi, à travers les portraits d’enseignants ou parents d’élèves, une certaine lutte des classes et des chances. Le film s’intéresse aussi aux clichés que les banlieues véhiculent, et d’ailleurs, parfois, il utilise certains de ces clichés, mais jamais il ne tombe dans la caricature, ou pire, la leçon de morale. Non, les deux metteurs en scène proposent des choses et des idées, ils les exposent, et ils savent jouer avec la balance pour proposer un film nuancé, qui invite à la réflexion, ce qui est très bien.

Pour nous toucher et nous amuser, Carine May et Hakim Zouhani ont réuni un joli casting, qui sait osciller entre l’humour et le sérieux. Dans ce corps enseignant, on retrouvera divers acteurs, qui viennent de tout horizon, et c’est ensemble qu’ils portent ce film, le scénario leur laissant une juste place à chacun pour exister. Après, c’est vrai que Raphaël Quenard en prof à la ramasse a tendance à nous faire rire dès qu’il apparaît, tout comme Sébastien Chassagne en caricature amusante du prof bobo sur les bords. On sera touché par les discours et le regard d’Anaïde Rozam, ou encore par l’investissement d’une Rachida Brakni en directrice de cette petite école.

Ainsi, cette « … cour des miracles » se pose comme une sympathique surprise. Certes, le film ne fait pas de miracle, mais il demeure intéressant dans ce qu’il raconte, touchant dans ses combats, souvent amusant dans le portrait de ses professeurs. Puis derrière ça, le film sait aussi s’amuser avec son idée, détournant l’image des bobos, tout comme il sait aussi se faire sérieux lorsqu’il aborde les écoles de banlieue, la mixité ou encore l’idée de l’égalité des chances. On ajoutera à cela une bonne mise en scène, avec un film dynamique et frais, et une direction d’acteurs qui forment un collectif assez terrible. Bref, en somme, « La cour des miracles » est un bon petit film qui mérite de trouver sa place et son public, au milieu des très bonnes sorties de cette semaine.

Note : 14/20

Par Cinéted

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