Auteur : Peter F. Hamilton
Editeur : Bragelonne/Le Livre de Poche
Genre : Science-Fiction
Résumé :
Année 2325. Lawrence Newton a un avenir tour tracé devant lui : il est brillant, il est destiné à gérer une planète et connait le parfait amour. Mais Lawrence a un rêve inaccessible : effectuer des vols spatiaux et participer à la conquête de l’espace.
Aussi plaque-t-il tout, laissant famille, fortune, amour derrière lui. 20 ans plus tard, il a tout raté : il est sergent dans un peloton minable pour le compte d’une des Grandes Compagnies, engagé dans une campagne de piraterie légale appelée pudiquement « retour sur investissement » afin de piller les planètes récemment terra-formées.
Sur la planète Thallspring, Lawrence et ses troupes doivent affronter un mouvement de résistance diablement efficace. Lors d’une patrouille, il apprend l’existence du Temple du Dragon Déchu – le lieu saint d’une secte qui vénère des créatures mythiques censées être tombées du ciel. La rumeur veut que les prêtres de ce Temple gardent des richesses au-delà de toute imagination. Et cette dernière information pousse Lawrence à monter en douce sa propre expédition…
Erreur grave !
Avis :
Parmi les grands auteurs de SF moderne, Peter F. Hamilton prend une place un peu à part. En effet, là où beaucoup sont partis vers des sentiers assez intimistes avec pas mal d’anticipation (par exemple Rosewater), l’auteur britannique a décidé de rester dans le Space Opera et d’offrir à ses lecteurs de grands voyages dans l’espace. De ce fait, ses histoires prennent du temps et il est parfois complexe de rentrer dedans. D’un commun accord, il semblerait que Dragon Déchu soit son roman le plus accessible pour commencer, et en effet, si on fait fi de sa longueur (près de six cents pages en grand format, près de mille en format poche), l’histoire est assez solide et on comprend bien les thèmes qui sont mis en jeu. Cependant, l’auteur va parfois détricoter son récit pour tout regrouper sur la fin, quitte à perdre son lecteur en cours de route.
Ici, on va suivre Lawrence Newton, un soldat qui travaille pour Zantiu-Braun, une super-société qui colonise des planètes pour instaurer une civilisation, et qui revient des années plus tard pour piller les ressources. Lawrence a accepté ce job car depuis tout jeune, il rêvait d’explorer la galaxie, à la recherche de nouvelles planètes. Mais il va vite se rendre compte que le métier de soldat est non seulement dangereux, mais il est aussi ingrat. C’est pour cela qu’une fois sur Thallspring, il décide de monter un coup pour devenir riche et s’enfuir de cette société qui contrôle finalement toutes les planètes. Il va alors être confronté à une population vindicative et revancharde, mais aussi à un supérieur hiérarchique tenace.
Si le synopsis peut paraître simple, il en est tout autre. Le roman est découpé en chapitres, qui alterneront le présente et le passé de Lawrence. Une fois sur deux, on va découvrir la vie du jeune Lawrence sur la planète Amethi, où il est né. Fils d’un père très riche faisant partie du conseil d’administration, son destin est voué à reprendre les rênes de la famille. De désillusion en chantage familial, de conquête amoureuse à cœur brisé, la jeunesse de Lawrence n’est pas de tout repos et pose les bases d’un caractère qui se méfiera de l’amour. C’est grâce à ces chapitres que l’on va en savoir plus sur le personnage central, allant parfois très loin dans les descriptions, jusqu’à construire un homme qui n’a plus aucun secret pour nous. C’est dense, mais cela permet de conclure le roman sur une note intéressante, mettant en avant la seconde chance.
Néanmoins, cela peut parfois nous perdre sur le présent, car au départ, il n’y a pas vraiment de liant. D’un côté, il est sur Amethi et raconte sa vie amoureuse avec Roselyn, et d’un autre, il est sur Thallspring, essayant de mater une mutinerie contre les soldats. Fort heureusement, au bout d’un moment, on comprend où l’auteur veut en venir, mais c’est assez long. Il faut se coltiner des passages obligés pas forcément intéressants, qui auront un écho des centaines de pages plus loin. Il faut donc s’accrocher. Mais le tout est cohérent et logique. C’est d’ailleurs la grande force du récit lorsqu’on le ferme, avec cette capacité de se remémorer des passages que l’on avait presque oubliés. De plus, les talents de conteur de Hamilton font le reste. Les séquences d’action sont rondement menées et seule la fin reste assez nébuleuse avec cette race extraterrestre.
Le seul gros problème que l’on peut avoir ce roman, c’est l’impression de trop-plein. Déjà, on sein de l’écriture, on sent que le projet est très travaillé et qu’il tient à cœur à l’auteur. Malheureusement, les descriptions de portails trans-dimensionnels au centimètre près, c’est très lourd. D’autant plus pour une technologie qui n’existe pas. Ce côté un peu Hard Science est pénible et est un frein à la lecture, mais aussi à la compréhension. Il en est de même avec la description des planètes et la façon dont l’humain transforme son environnement pour rendre cela vivable. C’est lourdingue et on a parfois l’impression d’être pris pour un imbécile. Il y a aussi un trop-plein de thèmes. Le récit est long car il explore une multitude de sujets et pose un paquet de questions.
Entre le clonage de soldats, qui intervient sur la fin, montrant, en plus, que chaque clone a un caractère différent, les voyages interstellaires qui ne sont que de la conquête spatiale, l’interrogation sur la vie et sa nécessité d’être longue, l’aspect transhumaniste avec les viro-améliorations ou la nanotechnologie, bref, il y a trop de choses, et parfois, l’auteur les survole. Le clonage est juste un petit clin d’œil. Le point sur le fait que vivre longtemps n’est pas forcément gage de vivre heureux intervient lors d’un seul chapitre, avec une drôle de rencontre. On sent que l’auteur pourrait écrire un roman à part entière pour chaque thématique. Même si certaines touchent plus que d’autres, et qu’au final, l’humanité survivra, malgré tout. Cette densité, on peut aussi la retrouver dans les rencontres faites, à l’image de cette planète qui ressemble à l’île du docteur Moreau.
Au final, Dragon Déchu est un roman qui souffre d’un seul point négatif, sa densité. On sent que l’auteur est très inspiré, et il fournit un travail de titan autour de cette œuvre gigantesque. Il en résulte un personnage principal très attachant et construit de A à Z, une société futuriste plausible qui reste bloquée dans son capitalisme exacerbé, et une histoire qui brasse une multitude de thèmes, parfois trop, ce qui peut démotiver le lecteur. Mais il est certain que les amoureux de SF seront comblés.
Note : 14/20
Par AqME