avril 19, 2024

Au Prochain Arrêt – Hiro Arikawa

Auteur : Hiro Arikawa

Editeur : Actes Sud

Genre : Drame

Résumé :

Ce roman de l’auteure des « Mémoires d’un chat » suit le trajet de la ligne Imazu de la compagnie de chemin de fer privée Hankyû. Organisé en deux parties de huit chapitres chacune (comme les huit arrêts du train), il se déroule au printemps dans le sens Takarazuka-Nishinomiya, et en automne pour le retour.
A chaque arrêt, de nouveaux passagers montent, se parlent, s’observent. Et, d’un trajet à l’autre comme d’une saison à l’autre, le lecteur se fait l’observateur des paysages changeants, des multiples trajectoires de la vie et surtout de l’évolution de chacun des personnages montés à bord.

Avis :

En parallèle de l’offre conséquente de mangas, la littérature japonaise est essentiellement connue en France à travers des auteurs de renommée mondiale tels que Haruki Murakami ou Shūsaku Endō. À l’image d’autres pays, ces figures incontournables dissimulent une profusion d’écrivains qui traduisent la richesse culturelle de l’archipel nippon ; quel que soit le genre ou le courant concerné. En l’occurrence, Hiro Arikawa s’est distinguée dans le domaine des light novels avant que son livre, Les Mémoires d’un chat, paraisse sur notre territoire. Dans un style épuré et sans prétention, Au prochain arrêt marque une seconde découverte pour le lectorat francophone.

L’idée initiale est confondante de simplicité tant elle touche au quotidien, à la banalité des trajets de transports en commun. Sur le principe du roman choral, l’auteure fait s’entrecroiser plusieurs personnages dans un même train. Relativement courte au demeurant, l’incursion se propose alors d’entreprendre le voyage à travers un aller-retour géographique, mais pas forcément temporel. Autrement dit, les stations ferroviaires balisent le parcours de chaque protagoniste. Seulement, le traitement chronologique se veut elliptique entre les deux étapes du trajet. Une manière de laisser les vies suivre leur propre voie, se développer au gré des rencontres, d’amitiés et de romances naissantes.

Contrairement au cheminement linéaire du train lui-même, l’histoire emprunte des routes dissemblables, parfois aux antipodes. Il ne s’agit pas d’une road-story dans le sens où le voyage est l’occasion de s’ouvrir au monde, aux autres, à travers un parcours initiatique. Ici, ce sont des situations ordinaires qui égrènent le fil des pages. Le train s’avance alors comme une parenthèse entre deux obligations quotidiennes. Il est également prétexte à la divagation et à la contemplation du temps qui passe, comme si le simple fait d’observer le comportement de ses pairs ou un paysage entre deux arrêts était révélateur d’une prise de conscience.

Certes, l’ensemble des points de vue a cette particularité de s’arroger des atours anodins. On songe aux états d’âme de cette étudiante complexée, l’idylle entre deux jeunes adolescents ou encore la rupture mal assumée au cours d’un mariage. À cela s’ajoute aussi cette relation grand-mère/petite-fille qui a pour trait d’union l’adoption d’un animal de compagnie. En somme, l’auteure se contente de retranscrire la disparité des portraits et des situations que l’on est susceptible de rencontrer dans un train. Si cela peut paraître naïf à certains égards, l’approche n’en demeure pas moins réaliste tout en faisant preuve d’une variété évidente, ne serait-ce que dans les aspirations, les valeurs et les considérations de chacun.

Si la majeure partie du récit se déroule dans le train, on notera quelques digressions en dehors du cadre principal. Ce n’est pas un procédé récurrent, mais il permet d’humaniser les intervenants autrement qu’à travers les divagations de leurs pensées, le temps d’un transport. Ce choix peut éventuellement s’avancer comme la résultante de ces rencontres fortuites, des liens qui unissent des personnes d’une origine sociale et d’un âge différents. Le tout s’orchestre sans perdre de vue cette légèreté, cette insouciance affranchie de toute hostilité, d’antagonisme. Les seuls éléments perturbateurs se résument en effet à quelques incivilités et disputes conjugales.

De prime abord, Au prochain arrêt est un livre qui ne paie pas de mine. Cependant, il parvient à instaurer une ambiance enthousiaste et enjouée. D’ailleurs, l’approche contemplative n’est pas sans rappeler les métrages de Makoto Shinkai, la tonalité dramatique en moins. Hiro Arikawa maîtrise parfaitement la structure du roman choral, alternant les points de vue avec fluidité et variété. Le lecteur se laisse porter par la légèreté de la plume au travers de situations convenues, mais qui prennent ici une symbolique particulière. Il n’est pas question d’évoquer un parcours initiatique, mais d’apprécier l’instant présent, les aléas du hasard. Une histoire sympathique, dénuée de fioritures, qui invite à se perdre dans la contemplation de notre existence.

Note : 14/20

Par Dante

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