avril 24, 2024

Une Cosmologie de Monstres – Shaun Hamill

Auteur : Shaun Hamill

Editeur : Albin Michel

Genre : Horreur

Résumé :

La Famille Turner, de Vandergriff (Texas), se tient sur le seuil d’un monde terrifiant dominé par une cosmologie de monstres. Est-ce le leur ou est-ce le nôtre ?

Avis :

Que l’on parle d’histoires initiées dans le prolongement tentaculaire de l’œuvre de Lovecraft ou de récits qui s’en inspire librement, l’auteur de Providence demeure un véritable monument littéraire. À la lisière de la folie et du concevable, son imaginaire est parvenu à dépeindre un univers fait de divinités terribles et de créatures à l’apparence tout aussi impensable. De prime abord, Une Cosmologie de monstres semble s’insinuer dans un tel registre. Shaun Hamill, dont il s’agit ici du premier roman, ne se cache guère de ses influences. On peut donc s’attendre à un récit ténébreux qui, insidieusement, tisse la trame d’une réalité indicible. Du moins est-ce là les intentions initiales…

Des années 1960 jusqu’à nos jours, l’intrigue s’échelonne sur différentes périodes. On ne parlera pas forcément d’une approche intergénérationnelle, mais l’auteur dépeint avec méticulosité ses personnages. En cela, il s’agit de la grande force et de la principale faiblesse du présent ouvrage. La caractérisation fait montre d’une telle rigueur que les portraits décrits sont crédibles. En l’occurrence, cela tient autant à l’évocation des membres de la famille Turner que celle dédiée aux intervenants secondaires. Relations sociales, échanges, comportements et réactions, sans oublier les motivations… Le soin apporté aux détails reste surprenant.

Si les personnages constituent une donnée primordiale dans la qualité d’un roman, il ne faut pas pour autant en occulter la narration et l’intrigue elles-mêmes. Le point de départ laisse augurer un texte orienté vers une folie latente et progressive. L’histoire s’amuse à jouer les équilibristes entre une réalité tangible et un niveau de perception invisible. À intervalles réguliers, on s’interroge sur la santé mentale des protagonistes, ainsi que la part de fantasmes qui hantent les lignes. Là encore, l’atmosphère s’appuie sur des fondamentaux solides, notamment pour inviter une tonalité extraordinaire dans un contexte ordinaire, sinon morne et monotone.

Au sortir de ces considérations plus que prometteuses, il convient malheureusement de modérer le propos. En effet, le très bon a priori s’étiole à mi-chemin. En cause, une absence réelle de progression dans les enjeux. L’auteur finit par tourner en rond et se complaire dans des échanges qui perdent en intérêt. En d’autres termes, il en oublie la finalité de son intrigue pour se concentrer sur de mystérieuses disparitions et les affres adolescentes des enfants Turner. Les rares occurrences à tendance horrifique surviennent au sein de la maison hantée « familiale », vraisemblablement construite selon le principe du DIY (Do It Yourself).

Il y a bien cette créature qui s’apparente à un ami imaginaire ou encore quelques délires paranoïaques qui interpellent, mais on en reste au stade des intentions. De même, les allusions lovecraftiennes tiennent surtout à un subterfuge marketing. Il ne suffit pas d’une couverture aguicheuse et intrigante pour satisfaire un lectorat versé dans ce type d’écrits. Au sein du récit, il faut se contenter de noms de parties évocatrices et de références purement symboliques et métaphoriques pour y distinguer une résonnance quelconque. À défaut d’une terreur véritable, on ne peut même pas s’accommoder de la connotation onirique de la cité sans nom ou des contrées du rêve lorsque les protagonistes sont en proie à leurs visions cauchemardesques.

Au final, Une Cosmologie de monstres s’avance comme une œuvre curieuse, non dénuée de qualité, mais qui oublie un minimum d’évolution dans sa manière d’appréhender la construction d’une histoire. Si l’on apprécie les personnalités décrites, l’intrigue finit par lasser là où l’on se rend compte que le récit se veut statique et, parfois, répétitif dans les séquences dépeintes. Il en ressort un roman d’atmosphère, mais dont l’aura inquiétante n’est guère esquissée. L’attente annihile la menace latente tant escomptée pour déboucher sur une incursion littéraire sans grande conséquence, voire anodine, dans ce qu’elle implique. Cela sans oublier des influences lovecraftiennes surestimées et sous-développées.

Note : 11/20

Par Dante

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