Avis :
Mike Patton est un vocaliste très connu dans le monde du métal. Il faut dire qu’il traine sa bouille depuis près de quarante ans à travers divers projets, dont les plus gros sont Mr. Bungle, dont il est l’un des membres fondateurs, et Faith no More pour qui il va chanter un long moment. D’ailleurs, pendant très longtemps, Mike Patton va faire partie des deux groupes, en plus de faire des side-projects et une carrière solo. Il faut dire que le bougre est un stakhanoviste accompli, sortant plusieurs projets à la fois, ce qui lui coûtera d’ailleurs son mariage. S’il est plus connu dans le domaine du métal et dans le rock, Mike Patton est aussi un type impulsif et étrange, qui s’essaye à diverses expériences, qui transparaissent dans ses albums solos. Corpse Flower ne déroge pas à la règle, et il faut être préparé pour apprécier ce truc.
Après avoir fait un album de bruits qu’il a enregistré dans diverses chambres d’hôtel lors d’une tournée avec Faith no More, puis un album où il utilisait sa voix comme instrument en baragouinant des syllabes sans aucun sens, Corpse Flower va essayer d’avoir un peu de cohérence. Pour cela, il s’associe avec Jean-Claude Vannier, un instrumentaliste français qui signe les paroles et quelques arrangements. Si jamais vous pensiez tomber sur un album de Funk Métal, il faudra passer son chemin, car on est ici à la lisière de la pop française, avec quelques éléments néo-classiques et une perpétuelle recherche du… n’importe quoi. Pourtant, on aurait pu croire en un truc qui tient la route avec le premier morceau, Ballade C.3.3. On est dans un élément un peu jazzy, avec un petit clavier chaud et quelques éléments qui font monter le son. On a l’impression qu’Iggy Pop n’est jamais loin.
Mais dès le deuxième titre, on va vite ressentir l’arnaque. La volonté de tisser un délire jazzy est toujours présent, mais on sent quelques discordances qui vont pointer le bout de leur nez. Se voulant drôle et non-sensique, le chanteur s’évertue à susurrer « Camion » entre deux couplets. Ce qui pourrait paraître comme une vilaine farce tourne au vinaigre quand l’expérience devient clairement désagréable. Et cela ne va pas s’arranger au fil des titres et des différentes écoutes. Chansons d’Amour est un long et pénible moment au piano où Patton s’amuse à dire que les chansons d’amour sont toutes les mêmes. Il tergiverse quelques mots en français, mais ça reste mou du gland et ça ne décroche pas un seul sourire. C’est con, car vocalement, le chanteur a toujours un timbre chaud et grave, qui n’est pas sans rappeler celui de Till Lindemann.
Pour en revenir aux petits mots en français, on peut aussi compter sur le morceau Corpse Flower, où le chanteur s’amuse à dire des noms de plats, comme lardon et coquillettes. Un titre ô combien inutile qui sera ponctué par un break où une cohorte de femmes l’insulteront copieusement. Là encore, on ne comprend pas le délire et c’est complètement à côté de ses pompes. Insolubles ira même chercher dans la musique française expérimentale, où le seul point positif restera dans la performance vocale du chanteur, qui garde, du haut de ses 52 ans (à l’époque) un superbe timbre, profond et maîtrisé. Et au milieu de tout ça, surnagent quelques titres qui s’oublient assez vite, et qui manquent cruellement d’intérêt, comme On Top of the World et ses sifflements ou encore Hungry Ghost et ses cloches (et cela malgré un côté cinégique intéressant).
En fait, quand on y pense, on pourrait presque dire que cet album, c’est un mélange dégueulasse d’Ultra Vomit pour les paroles, et de Rammstein pour la voix de Mike Patton. Le problème, c’est qu’à la place de guitares rugueuses, de batterie ravageuse ou de moments oniriques, on se retrouve face à un mix indigeste de cloches, expériences étranges et xylophone. Le genre d’album qui ne trouve preneur que chez les bobos qui estiment que la musique se doit d’être constamment une expérience, et non pas un exutoire ou un moyen de réfléchir.
Au final, Corpse Flower, le dernier né de la carrière solo de Mike Patton, est une navrante déception. Non seulement ce n’est pas drôle, mais en plus de ça, ce n’est ni engagé, ni engageant, ni même mélodique. Si l’homme reste fidèle à ses délires misanthropes pour pourrir sa carrière solo d’expériences pénibles et inaudibles, ce troisième essai confirme la règle et démontre à quel point le chanteur de Faith no More et Mr. Bungle a besoin d’être entouré pour ne pas partir en cacahuète. Bref, c’est un ratage magnifique.
- Ballade C.3.3
- Camion
- Chansons d’Amour
- Cold Sun Warm Beer
- Browning
- Hungry Ghost
- Corpse Flower
- Insolubles
- On Top of the World
- Yard Bull
- A Schoolgirl’s Day
- Pink and Bleue
Note : 03/20
Par AqME