novembre 11, 2024

Pour Rien au Monde – Ken Follett

Auteur : Ken Follett

Editeur : Robert Laffont

Genre : Thriller

Résumé :

Une crise internationale va-t-elle déclencher une troisième guerre mondiale ?
De nos jours, dans le désert du Sahara, deux agents secrets sont sur la piste d’un groupe de terroristes trafiquants de drogue et risquent leur vie à chaque instant. Non loin, une jeune veuve se bat contre des passeurs tout en voyageant illégalement pour rejoindre l’Europe. Elle est aidée par un homme mystérieux qui cache sa véritable identité.
En Chine, un membre du gouvernement à l’ambition démesurée pour lui et son pays lutte contre les vieux faucons communistes de l’administration qui poussent leur pays – et la Corée du Nord, son alliée militaire – vers un point de non-retour.
Aux États-Unis, Pauline Green, la première femme présidente, tente de gouverner avec adresse et diplomatie entre attaques terroristes, commerce d’armes illégales et les bassesses de son opposant politique. Elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour éviter une guerre inutile.
Mais lorsque des actes d’agression se succèdent, les grandes puissances sont prises dans un réseau complexe d’alliances dont elles ne peuvent s’échapper. Une fois que les pièces du sinistre puzzle sont en place, pourront-elles – même avec les meilleures intentions, des diplomates hors pair et des agents d’élite – empêcher l’inévitable ?

Avis :

Avec la fresque de Kingsbridge, on a tendance à cantonner l’œuvre de Ken Follett aux romans historiques. Pour autant, l’auteur s’est tout d’abord distingué dans le domaine du thriller et de l’espionnage. Là encore, le fait de s’immerger dans un contexte précis, comme la Seconde Guerre mondiale avec Le Réseau Corneille, concourt à revenir aux fondamentaux de l’histoire telle qu’on la connaît. Avant le présent ouvrage, Ken Follett s’est déjà essayé à triturer le déroulement d’un évènement réel pour en imaginer une autre tournure. Preuve en est avec Code Zéro, en pleine guerre froide, qui tente de trouver une explication plausible au lancement d’Explorer 1, le premier satellite américain, à la fin des années 1950.

Le concept de Pour rien au monde naît quand l’auteur effectue des recherches pour la saga Le Siècle. Il découvre alors les causes de la Première Guerre mondiale, ainsi que l’enchaînement des faits qui ont conduit à l’escalade et au conflit que l’on connaît. Il s’interroge sur la possibilité de réitérer les mêmes erreurs dans un cadre contemporain. En d’autres termes, le récit se penche sur le prélude d’une potentielle Troisième Guerre mondiale, provoquant par la même une attaque nucléaire. En partant d’évènements isolés qui prêtent à peu de conséquences en apparence, Ken Follett se lance dans un descriptif fouillé de la géopolitique internationale à travers quatre points de vue différents.

Il est aisé de faire le lien entre les chapitres consacrés à la présidente des États-Unis et le gouvernement chinois. Ce choix évite tout traitement manichéen et partial pour évoquer les causes du conflit en devenir. Cela apporte également une meilleure compréhension des enjeux et des intérêts de chaque camp. En l’occurrence, l’occident capitaliste et l’Extrême-Orient communiste. À cela s’ajoutent les troubles sociopolitiques de la Corée du Nord, ainsi que les rapports avec la Corée du Sud et la Chine. Mais avant de se focaliser sur les tentatives de coup d’État ou les luttes intestines au sein de la hiérarchie du parti chinois, l’auteur nous immerge dans les guerres civiles africaines, plus précisément au Tchad et en Libye.

Il s’agit des deux autres points de vue qui mettent en avant les missions d’espionnage du gouvernement américain, ainsi que le périple d’une mère célibataire souhaitant rallier l’Europe. Sur fond de trafics d’êtres humains, le lien est tout d’abord ténu, sans pour autant se montrer hors contexte. À ce titre, le parcours de Kiah est particulièrement âpre. Entre les tentatives d’extorsion, la prostitution, puis l’esclavagisme, les épreuves s’enchaînent avec dureté. Au regard de la ligne directrice et de ce qui est avancé par la suite, on peut toutefois noter un rapprochement moins probant que les autres intervenants. Il s’agit davantage d’une cause « annexe », sorte de dégât collatéral des politiques internationales, qu’une justification à ce qu’il advient.

Au vu de la densité du texte, la mise en place se montre méticuleuse au possible. Chaque protagoniste profite d’un background fouillé, tandis que les interactions alternent entre séquences intimistes et obligations professionnelles. Progressivement, l’échiquier géopolitique ne s’éparpille pas vers une multitude de possibilités, mais s’oriente vers une inextricable (inéluctable ?) issue. Afin d’accroître la tension, chaque partie se base sur un état de préparation Defcon, le niveau d’alerte des forces armées américaines. Les deux derniers augurent du pire, voire de l’imminence d’un conflit nucléaire. Durant la majeure partie du récit, on ne parlera pas d’actions militaires à proprement parler, mais de réponses « mesurées » sous couvert des meilleures intentions du monde, renvoyant à une escalade de part et d’autre.

Au final, Pour rien au monde est un roman qui interpelle par son propos. À travers le thriller géopolitique, Ken Follett développe les tenants de ce qui pourrait être le prélude à une Troisième Guerre mondiale. Le réalisme de circonstances rend son hypothèse d’autant plus troublante, tant elle résonne des accents de la vérité. Il n’est pas question de se lancer dans un pamphlet anti-nucléaire ou pro-armement, mais de décrire les points de vue de superpuissances, dont les intérêts divergent par leurs idéaux politiques et sociétaux. Il en ressort un traitement subtil, dénué de tout dualisme et subjectivité lorsqu’on aborde des considérations géopolitiques internationales. Une histoire intelligente, pertinente et effrayante tant il serait facile de sombrer dans une apocalypse nucléaire…

Note : 17/20

Par Dante

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