novembre 8, 2024

Galilée – Clive Barker

Auteur : Clive Barker

Editeur : Bragelonne

Genre : Fantastique

Résumé :

Aussi puissants et adulés que les Kennedy, aussi riches que les Rockefeller, les Geary sont l’un de ces rares clans qui influencent le destin de l’Amérique depuis la guerre de Sécession. Aujourd’hui pourtant, leur empire va se trouver menacé par l’irruption dans la famille d’une jeune femme innocente, Rachel Pallenberg, qui pressent les terribles secrets à l’origine de leur pouvoir. Car autour des Geary et de leurs éternels rivaux, les Barbarossa, se dessine un monde cauchemardesque.
Galilée, prince du clan Barbarossa, condamné, tel le Hollandais Volant, à errer sur les mers du monde entier, rencontre Rachel et tombe fou amoureux d’elle. Leur passion déclenchera une guerre impitoyable. Sur le champ de bataille des sentiments et de la chair, les deux clans adverses vont s’entre-déchirer.

Avis :

Ayant donné vie (et mort) aux plus belles pépites horrifiques contemporaines, Clive Barker est un auteur qui n’a de cesse de proposer des univers pleins d’originalité. Tantôt macabre, tantôt onirique, son imaginaire se déleste du conformisme pour mieux s’épanouir dans un style où sa prose confère ses lettres de noblesse à des histoires d’une rare violence, qu’elle soit psychologique ou explicite. Passé maître dans l’art de magnifier les pires déviances (in)humaines, l’écrivain des Livres de sang arpente des contrées différentes avec Galilée. Si le contexte et le pitch initial appartiennent au fantastique, l’intrigue tient plus de la représentation mélodramatique qui se répète avec une certaine cruauté à travers les âges.

Comme d’autres pans de son œuvre, c’est à un récit ambitieux et dense auquel on se confronte. Celle où, à travers les époques, on découvre les membres de la famille Barbarossa. Le narrateur, membre éminent du clan, nourrit la volonté de dépeindre une fresque historique démesurée censée raconter le destin tumultueux de ses parents, frères et sœurs. La particularité ? Sinon immortels, ils semblent profiter d’une espérance de vie digne des plus grandes figures bibliques. D’ailleurs, le patriarche aurait été un fidèle ami de Jésus. Bref, la matière est présente et les intentions de faire un livre dans le livre ne sont pas pour déplaire.

La mise en place est relativement longue, mais, nous rassure-t-on, cette étape est nécessaire à l’exposition des événements à venir. Pourquoi pas ? Sauf que la propension de l’auteur-narrateur à s’excuser pour ses errances, les défauts structurels du récit et autre atermoiement dispensable ont tendance à se répéter par la suite. À force de dépeindre le contexte, d’introduire de nouveaux personnages ou de plonger dans un quotidien morne, le lecteur reste dans l’attente, dans la préparation ou dans l’expectative d’une révélation exceptionnelle. Un peu comme si un commercial nous vend son produit sans pour autant tenir sa promesse. Promesse éventée dans les premières pages où le narrateur semble dépassé par les ambitions qu’il souhaite insuffler à son livre, tout en étant conscient qu’il n’y parviendra pas.

Ce n’est même pas le rythme lénifiant de l’ensemble qui ennuie ou pose des difficultés à s’immerger dans ladite fresque. Mais plutôt, la teneur des faits évoqués qui nous laisserait penser à un soap-opera fleurant bon les rivalités, les ragots et les relations (presque) incestueuses des membres d’une famille. Réconciliation sur le coin de l’oreiller, confidences autour d’un dîner chic et très cher, états d’âme capricieux sur la vacuité des richesses matérielles. « L’ennui est le fléau des nantis et rien n’est plus excitant que l’indigence… » Enfin, une considération surfaite et jetée avec négligence à la face du lecteur, comme on le giflerait avec un gant en guise de défi à son intelligence, à tout le moins sa lucidité.

Et même en passant outre de tels écueils, on se heurte à un problème de taille. Depuis le début, nous ne nous attardons pas de la famille Barbarossa, mais des Geary, leurs éternels rivaux, de surcroît mortels. Les premiers sont cantonnés aux intermèdes, tandis que les autres leur volent la vedette sous la plume d’un des leurs. De là à parler de traîtrise… Pour gagner en confusion, l’affiliation aux Geary est tout aussi douteuse puisque le personnage central se prénomme Rachel Pallenberg, l’épouse d’un des fils Geary qui divorcera. Une approche laborieuse et verbeuse qui débouche sur une masse d’informations à la fois inutiles et indigestes.

De fait, la fresque du départ se transforme en une pseudo-romance tardive dont la rencontre principale survient en milieu de parcours et se solde directement par un coup de foudre. On oublie les envolées lyriques, les destins de générations entières, l’atmosphère de la Louisiane ou même un semblant d’explication sur la nature des Barbarossa. Tout ce que l’on pouvait espérer se dissout dans une complaisance de façade. On évoque des dieux et des demi-dieux par-ci par-là. On ne développe jamais vraiment l’incroyable longévité des Barbarossa et, pour couronner le tout, on reste volontairement évasif dans les repères temporels. Autant pousser à son paroxysme l’enchevêtrement anarchique des fils qui tisse la trame.

On ne peut pas reprocher à Clive Barker de prendre des risques ou de se renouveler. L’homme est suffisamment habile pour explorer d’autres genres littéraires que l’horreur ou le fantastique. Seulement, il oublie avec Galilée de poser les fondements d’une histoire cohérente et immersive. Que l’on soit amateur de roman-feuilleton, de soap-opera ou de romance tragique, là n’est pas la question. Ces genres ont des qualités certaines au regard des lecteurs et lectrices. Avec Galilée, les intentions étaient pourtant de nous dépeindre un projet shakespearien où les rivalités de deux familles rendent l’amour des deux protagonistes impossibles. En place de quoi, on nous inflige un Dom Juan globe-trotter surhumain venu ravir le cœur d’une Geary qui n’en est pas vraiment une. Ajoutons à cela, une complaisance non feinte à présenter de scènes guère émouvantes et quelques digressions sur les mœurs sexuelles du patriarche et l’on obtient un mélodrame poussif et bancal. On est bien loin du lyrisme auquel nous avait habitués l’auteur.

Note : 08/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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