avril 24, 2024

Le Miroir de Peter – John Ethan Py

Auteur : John Ethan Py

Editeur : L’Homme Sans Nom

Genre : Fantastique

Résumé :

Lorsque Satiajit Wilcox, jeune psychanalyste à Hollywood, se voit proposer l’analyse de George Mothershield, le plus grand romancier d’horreur américain, il y voit tout d’abord une opportunité pour sa carrière. Mais très vite les choses se compliquent… Des rumeurs courent concernant le romancier. D’où lui viennent ses idées ? Pourquoi ses livres sont-ils si déstabilisants ? Et cette phrase qu’il ne cesse de répéter : « Ils veulent une image… » Satiajit voit peu à peu toutes ses habitudes et certitudes fondre à mesure que l’analyse progresse. Mais surtout, il y a ce miroir que possède l’écrivain et dont la parenté avec celui d’Alice de Lewis Carroll est plus que troublante. Ce miroir dont la surface lui reflète bien des choses… ou souvenirs… oubliés…

Avis :

Quel que soit le média employé pour dépeindre une histoire, le fantastique couvre de nombreux domaines. Il peut s’insinuer dans des considérations relativement pragmatiques ou se retrouver à la lisière d’autres genres, comme l’horreur, l’épouvante ou même les intrigues policières. Si le potentiel démontre une richesse évidente, celle-ci reste difficile à mettre en œuvre sans un concept original et une ligne directrice claire. Avec Le Miroir de Peter, on part d’un postulat d’apparence anodine. À savoir la psychanalyse d’un écrivain à succès. Aussi, il n’est pas forcément simple d’avoir un quelconque a priori ni une idée précise de ce que recèle cet ouvrage.

S’il est bien une impression en mesure de caractériser l’atmosphère de ce roman, c’est l’étrangeté qui émane de son propos. On a beau partir sur des bases réalistes et s’appuyer le pragmatisme de son personnage principal, il est difficile de se départir de ce sentiment où chaque séquence semble dissimuler une signification tout autre. La connotation avec les miroirs et l’obsession qui en découle s’insinuent dès les premières pages et se révélera permanente par la suite. L’idée est de démontrer l’intérêt que revêt cet objet, ne serait-ce que d’un point de vue psychanalytique. Puis de s’en servir pour focaliser l’attention sur une pièce spécifique.

En cela, la construction narrative est très astucieuse, car elle joue sur des mécanismes psychologiques pour mieux piéger le lecteur dans une trame aux multiples facettes, comme l’auteur le fait avec son personnage. Là encore, l’occurrence avec les miroirs reste vivace. On pourrait évoquer une structure similaire à des poupées gigognes où un élément dissimule une autre figure, mais la mise en abîme se révèle plus judicieuse dans ce cas précis. Cela renvoie autant aux différentes facettes d’une même personnalité ou encore à la multitude de cheminements possibles où réalité et fiction sont difficilement discernables. Par ailleurs, le rapport de l’œuvre à son auteur est assez flagrant tout au long de l’histoire.

On songe bien sûr au processus créatif, aux sources et à la perte d’inspiration, objet de la psychanalyse en question. Ces considérations se retrouvent également dans les conversations de cinéphiles des deux protagonistes. La raison d’être d’une œuvre, son appropriation par son public et sa persistance au fil de différentes lectures (ou visionnages). En cela, on découvre une véritable érudition dans tous les aspects du septième art. S’il est aisé de citer des références emblématiques telles que les films de Stanley Kubrick, Cannibal Holocaust ou Freaks de Tod Browning. Il est plus compliqué d’y trouver des corrélations ou une volonté commune derrière chaque métrage à travers la manipulation du public et de son ressenti.

Les références tiennent également à des classiques littéraires incontournables, notamment Alice au pays des merveilles et, plus modestement, Peter Pan. Leur présentation et leur présence à travers l’histoire mettent en lumière une genèse et des aspirations beaucoup plus sombres que laissent escompter les intrigues elles-mêmes. Cela sans compter les caractères torturés de leur auteur respectif. De quoi ébranler les idées reçues. Il en émane une ambiance très marquée, un rien délétère, où la perte de repères constatée s’accentue tant sur l’exploration d’un cadre restreint, proche du huis clos, que sur les certitudes établies par l’expérience et la perception des personnages.

Au final, Le Miroir de Peter s’avance comme une œuvre singulière et complexe dans ce qu’elle sous-tend. John Ethan Py maîtrise parfaitement la symbolique du miroir et l’insère dans chaque aspect de son récit. Ce n’est pas forcément les apparences qui sont trompeuses, mais plutôt le point de vue avec lequel on contemple une image ou, en l’occurrence, on découvre une histoire. Servi par une atmosphère sibylline, parfois oppressante dans ce que suggère la présence des miroirs et ce qu’ils renferment, voilà un roman passionné (et passionnant) à l’univers profondément marqué par de nombreuses références utilisées à bon escient.

Note : 16/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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