avril 24, 2024

Lost Girls

De : Liz Garbus

Avec Amy Ryan, Thomasin McKenzie, Lola Kirke, Gabriel Byrne

Année : 2020

Pays : Etats-Unis

Genre : Thriller, Drame

Résumé :

Une mère de famille à la recherche de sa fille récemment disparue fait une horrible découverte dans un bois de Long Island où les corps de quatre jeunes filles ont été dissimulés.

Avis :

Le monde est peuplé d’histoires plus ou moins sordides qui inspirent les scénaristes pour produire des films inspirés de faits réels. Entre les docu-fictions et les films fictifs qui prennent appui sur des faits ayant réellement existés, le malheur des uns fait l’imagination des autres. Et combien de films, aujourd’hui, commencent avec cette phrase : « inspiré de faits réels ». Un peu comme si cela était un gage de qualité ou un tremplin pour de suite installer de la peur chez le spectateur. Si on enlève les esbroufes horrifiques sur les exorcismes ou encore les enquêtes qui bafouent certaines mémoires, d’autres films essayent de coller au mieux à la réalité pour une bonne raison : ne pas oublier. Et c’est un peu ce que veut faire Liz Garbus avec Lost Girls, nouvelle production Netflix qui oscille constamment entre le drame et le thriller. Mais vouloir mettre en avant une affaire sordide comme devoir de mémoire n’est pas forcément signe de bon film.

Lost Girls s’inspire grandement d’une affaire ignoble qui s’est déroulée durant l’année 2010 à Long Island aux Etats-Unis. En effet, une mère célibataire va remuer ciel et terre pour retrouver sa fille aînée disparue, ce qui ne semble pas alarmer la police puisqu’elle était une prostituée. Persuadée que c’est à cause de la condition de sa fille que la police traine la patte, elle décide de faire de cette enquête une affaire personnelle et va harceler les services de police pour faire avancer l’enquête. En parallèle, un policier trouve par hasard plusieurs corps de prostituées, mettant à jour l’œuvre d’un serial killer, dont le mode opératoire semble correspondre à la disparition récente de la jeune fille. Une motivation supplémentaire pour cette mère de famille, qui va alors avoir le soutien des familles des précédentes victimes. Essayant de faire un thriller teinté de drame, Liz Garbus s’empare alors de cette affaire pour en faire un film comme devoir de mémoire. Un film qui a son importance, celui de mettre en avant le travail bâclé de la police qui ne met pas tous les humains à la même échelle de valeur. Le film souhaite donc mettre en avant le combat d’une femme forte, qui ne lâchera rien, mais qui fait face à une police restreinte, en sous-effectif et qui se moque un peu de cette histoire qui prend place dans un lieu de villégiature pour privilégiés.

Dans son fond, le film a une certaine importance et pointe de nombreux défauts dans le système judiciaire américain. Alternant images d’archives et fiction, Liz Garbus montre à quel point la police fait des priorités dans ses affaires, préférant bosser sur des enquêtes faciles ou sur des délits mineurs plutôt que sur la disparition d’une prostituée. La réalisatrice n’oublie pas aussi d’être nuancée dans son propos sur la police, à savoir que ces défauts d’enquête, ces priorités, sont aussi le fruit d’une politique calamiteuse visant à réduire les effectifs pour faire des économies. On y verra la pression subie par l’enquêteur qui joue son poste sur cette affaire et essaye de ne pas faire de bruit pour les médias. D’ailleurs, ils sont eux aussi pointés du doigt, déshumanisant cette pauvre fille, la réduisant à son métier, mais jamais à ce qu’elle représente humainement. Une course au buzz pour retrouver un serial killer et non pas en mémoire d’une défunte qui mérite tout autant d’égards que n’importe qui. Et bien évidemment, le film veut montrer à quel point certaines personnes riches ont plus de chances que d’autres et sont conscientes de cette impunité injuste. Bref, le film est riche dans ses thématiques et il n’oublie jamais de mettre en avant le combat d’une femme pour retrouver sa fille.

Une femme campée par une Amy Ryan très convaincante qui s’éloigne grandement de son rôle dans Agents Presque Secrets par exemple. Elle est ici habitée par son personnage et porte tout le film sur ses épaules. A la fois forte, tenace et courageuse, l’actrice s’investit totalement dans le rôle pour mettre en relief une femme habitée par ses démons et qui cherche forcément à se faire pardonner de quelque chose. Un bel hommage pour une femme disparue en 2016, mortellement blessée par sa fille cadette, alors atteinte de schizophrénie. Ce portrait est assez juste, montrant que derrière un caractère irascible et dur se cache en fait une femme fragile au passif très lourd et qui regrette amèrement ses choix de vie. Malheureusement, elle n’est pas forcément bien accompagnée dans ce film. Les seconds rôles sont assez lisses, allant de ces mères ayant perdues une fille ou une sœur à ce pauvre inspecteur de police qui est mis face à ses échecs et face à son incompétence pour gérer une situation de crise. Si Gabriel Byrne fait son possible pour exister, ce ne sera pas suffisant, la faute à un personnage écrit à la truelle. Et il en va de même pour les filles du personnage principal, vite remises au placard des seconds couteaux sans épaisseur qui tirent la gueule tout au long du métrage.

Enfin, le film va avoir un très gros défaut, sa réalisation. Liz Garbus est une habituée des documentaires et cette plongée dans une sorte de docu-fiction ne va pas lui faire honneur. En premier lieu, si l’ambiance glaciale de l’état de New York est bien retranscrite, le film baigne dans un filtre gris qui veut éviter toute couleur et nous plonge alors dans quelque chose d’assez dépressif. En plus de ça, il faut compter sur une mise en scène plate et sans relief. Le film n’est qu’une succession de champs/contre-champs et de discussions plus ou moins intéressantes. Cette désagréable sensation se confirme avec le temps et on a parfois l’impression de voir un téléfilm dramatique qui passe habituellement sur les chaînes hertziennes le dimanche après-midi. C’est presque triste de dire cela d’un film qui possède un fond si important, mais Lost Girls perd de son intérêt à cause d’une certaine fainéantise dans la mise en scène et la volonté de faire quelque chose d’anti-spectaculaire. Difficile dès lors de ressentir de l’empathie pour tout ce petit monde, qui végète dans la pluie et le froid à la recherche d’un hypothétique corps. C’est dommage, avec un peu plus de verve et de nervosité, le film aurait pu gagner des galons.

Au final, Lost Girls est un film qui souffle le chaud et le froid. Si le fond est très bon et brasse une multitude de thèmes importants, toujours d’actualité dis ans plus tard, la forme est tellement classique et fainéante que l’ennui l’emporte souvent sur l’intérêt. Liz Garbus n’arrive pas à donner vie et tension à un métrage qui ne demandait que ça, notamment dans le portrait d’un hypothétique serial killer, bourré de certitudes et de vices. Bref, un film qui a des atours de téléfilm et qui pourtant, souhaite mettre en avant une histoire poignante et injuste dans une Amérique qui n’a pas vraiment évolué depuis…

Note : 10/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.