mars 29, 2024

Les Chroniques Saxonnes T.03 – Les Seigneurs du Nord – Bernard Cornwell

Auteur : Bernard Cornwell

Editeur : Bragelonne

Genre : Historique

Résumé :

IXe siècle. Uhtred, le fils dépossédé d’un seigneur anglais, a vaillamment repoussé aux côtés des siens l’impitoyable invasion viking. Désormais libéré de son allégeance au roi Alfred le Grand, mais sans terres ni titre, le jeune homme revient sur ses terres natales pour réclamer son dû. Or il ne peut compter que sur sa légendaire épée, car seuls un esclave et une nonne l’accompagnent.
Et dans le Nord, le chaos, l’horreur et la trahison les accueillent, forçant Uhtred à se tourner de nouveau vers son ancien souverain…

Avis :

Grand spécialiste des romans historiques, Bernard Cornwell a forgé son œuvre sur des légendes et des mythes d’époques reculées. On songe à la saga du roi Arthur et, en l’occurrence, aux Chroniques saxonnes qui dépeignent une période houleuse, faite de conflits et d’alliances, de la Grande-Bretagne. Les deux premiers tomes se sont distingués par la rigueur des évènements évoqués, ainsi que par un panel de protagonistes marquants. Bien qu’ils demeurent fictifs, ils s’inspirent plus ou moins librement de personnages réels ou issus des folklores nordiques et anglo-saxons. Avec Les Seigneurs du Nord, l’intrigue s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs à tout point de vue.

On y retrouve Uthred qui poursuit son périple au sein d’un royaume miné par les conflits et les incessantes luttes de pouvoir. Le guerrier étant devenu seigneur, il est cependant confronté à l’ennui et à la frustration, eu égard à son nouveau statut. De ce côté, son caractère impétueux est toujours de la partie. Il se montre téméraire à de nombreux égards. À défaut, il aurait particulièrement été difficile de relancer l’intrigue. Sans pour autant sombrer dans un récit épistolaire, l’auteur s’efface au profit du narrateur qui, à travers quelques intermèdes, s’attache à retranscrire les mémoires d’un Uthred vieillissant. Le concept n’est guère envahissant et relativement discret. Cependant, il suggère un faux suspense quant à la potentielle survie du principal intéressé.

Ce troisième tome reprend une structure similaire aux deux premiers volumes. À savoir, un périple qui amène le protagoniste à consolider ses alliances et affronter ses ennemis lors de batailles à la brutalité consommée. Cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble manque de stratégie ou de finesse dans lesdites confrontations. La subtilité de l’écriture dépeint des joutes chorégraphiées avec force et conviction, tandis que les assauts restent mûrement réfléchis. On distingue alors une complexité sous-jacente des plus appréciable, car elle ne cantonne pas le IXe siècle à de perpétuelles luttes aveugles.

Certes, la soif de pouvoir et la conquête des territoires demeurent les principaux motifs avancés. Cela sans compter l’aspect religieux et l’ingérence du clergé dans les affaires d’État. Pour autant, le cheminement se plie à une géopolitique capricieuse où les inimitiés se muent en alliance, même de nature éphémère. En cela, l’histoire fait la part belle à des dialogues fouillés sur les difficultés à régner, trouver des terrains d’entente, cohabiter. En l’occurrence, les Danes (Vikings) ne se confrontent plus aux Saxons. Si cela reste le cas dans certaines circonstances, les unions naissent sur des intérêts plus pratiques et matérialistes. Il en ressort un traitement moins manichéen qu’auparavant, plus imprévisible.

De même, l’évolution du contexte malmène les personnages autrement que par le trépas ou la perte d’un proche. Certains évènements clefs concourent à les déstabiliser et remettre en question leur statut. Cela permet de varier les situations et, à mi-chemin, d’évoquer un aspect peu connu de l’époque : l’esclavagisme comme ressource économique pour les royaumes de Grande-Bretagne. L’occasion est également donnée de se pencher plus en avant sur la connotation maritime étroitement liée à la culture et l’histoire scandinave. Dès lors, on s’éloigne sensiblement des états d’âme d’Uthred concernant son tiraillement entre Danes et Saxons.

Au final, Les Seigneurs du Nord s’avance comme un troisième tome particulièrement réussi des Chroniques saxonnes. Bernard Cornwell insuffle de nouveau un souffle épique dans le périple de son personnage principal. De la violence des batailles aux enjeux politiques et religieux qui en émanent, le contexte historique demeure toujours aussi soigné. Un tour de force d’autant plus remarquable que les informations éparses (et parfois contradictoires) rendent la tâche littéraire difficile et aléatoire. On appréciera également cette orientation narrative qui gagne en subtilité dans les relations sociales et les motivations qui en découlent. Un très bon roman historique ; à la fois rigoureux et immersif.

Note : 16/20

Par Dante

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