avril 24, 2024

Leprous – Pitfalls

Avis :

Il est des groupes dont il est très difficile d’appréhender le style. Entre des évolutions diverses et variées ou des expérimentations qui mènent à d’étranges symbioses, il y a, dans le monde de la musique, des formations qui suscitent autant l’intérêt que la crainte. Originaire de Norvège, Leprous fait partie de cette caste-là. Formé au début des années 2000 avec d’ex-membres d’Ihsahn en live, Leprous va se faire un petit nom en 2009 avec un premier album, Tall Poppy Syndrome. L’accueil n’est pas particulièrement chaud, mais le groupe montre un style qui ne copie pas le Black auquel on pouvait s’attendre. Et c’est tous les deux ans que Leprous va fournir sa petite galette, montrant une mutation de plus en plus prégnante vers un Rock Prog prononcé. C’est en 2017 que la formation éclate vraiment, au sens propre, comme au figuré.

En effet, si Malina sera une bonne claque dans la tronche, plusieurs membres décampent et sont alors remplacés. Piochant allègrement dans le Black/Folk norvégien, le groupe regroupe un nouveau bassiste et un nouveau guitariste. Cela va profondément se faire ressentir à l’approche de Pitfalls, sixième effort du groupe. Surprenant, étonnant, déroutant par moments, c’est peut-être avec cet album que le groupe se démarque définitivement, se rapprochant clairement d’un rock progressif exigeant. Exigeant pour les musiciens, qui ne laissent rien au hasard, et pourtant suffisamment accessible pour le profane qui décide de jeter une oreille à Leprous. Le résultat est un profond chef-d’œuvre, alignant les baffes les unes après les autres. Des baffes douces qui ressemblent plus à des caresses et qui font un bien fou.

Le skeud s’ouvre sur Below et c’est peut-être le meilleur morceau de l’album, ni plus, ni moins. La voix envoûtante d’Einar Solberg se faufile jusqu’à nos tympans pour ne plus changer nous lâcher. L’approche sombre et sobre laisse par la suite place à une orchestration superbe, où riffs lourds se marient idéalement à des violons qui viennent renforcer une ambiance morose. C’est dense, c’est d’une beauté sidérante et surtout, il y a cette volonté de noirceur insidieuse qui nous prend aux tripes. Bref, une réussite sur tous les plans, ciselée, à l’image de tout l’album. I Lose Hope va tout de même nous prendre à revers. Résolument plus Pop et moins rentre-dedans, le titre ne va pas pour autant plonger l’auditeur dans le désarroi. Bien au contraire, réduire Leprous à de la Pop serait une insulte et on y trouve des éléments progressifs surprenants, avec de belles variations.

C’est dans ce genre d’exercice que se régale le chanteur, qui livre une prestation sans faille, allant vers une voix de tête qui impose le respect et qui permet à la formation de tout jouer sans sourciller. Observe the Train sera du même acabit, avec une rythmique douce et enfantine au départ, mais va vite prendre un détour pour rendre l’ensemble plus macabre. Le groupe y parle de maladie mentale et de tout relâcher pour se sentir mieux, en y injectant de la douceur, mais aussi une certaine noirceur qui correspond parfaitement au sujet évoqué, avec ces voix intérieures. By my Throne continuera cette exploration étrange et presque mystique du rock prog avec une structure pas si évidente et des grattes qui floutent les frontières du réel. On peut dire que le recrutement fut productif et idéal pour le groupe.

C’est d’ailleurs avec ce genre d’expérience que le chanteur se permet d’explorer les tréfonds de ses vocalises. Il en résulte quelque chose de pur et de cristallin, qui met à l’amende bien des chanteurs dans le même style, comme par exemple Matthew Bellamy de Muse. Et cela, on peut aussi l’entendre dans Alleviate. Titre le plus court de l’album, il est aussi celui qui sera le plus touchant, le plus beau et peut-être celui qui possède la plus belle montée en puissance. Un morceau qui tutoie la grâce et démontre tout le talent de la formation. At the Bottom sera plus long, plus de sept minutes, mais va aussi se parer d’une belle montée crescendo et profiter de la voix divine d’Einar, qui délivre une prestation sublime. Mais c’est clairement avec Distant Bells qu’il va offrir un moment hors du temps.

Malgré sa longue durée, car là aussi on dépasse les sept minutes, Einar Solberg délivre des vocalises tout simplement sublimes, qui permettent de plonger corps et âme dans le morceau. L’orchestration est magnifique et le final est tout bonnement incroyable. D’une rare densité et d’une mélancolie qui touche au plus profond. Encore une fois, Leprous nous laisse sans voix face à tant de maîtrise. Même Foreigner, titre plus court, plus classique et plus concis, sera une réussite sur son fond, délivrant une colère latente sans pour autant renier l’aspect mélancolique de l’album. Et le groupe termine avec The Sky is Red, longue plage de plus de onze minutes, qui va lorgner vers un bon gros métal progressif avec quelques touches au clavier qui vont donner un aspect éthéré à l’ensemble. Encore une fois, le groupe défonce tout et ne peut que susciter du respect.

Au final, Pitfalls, sixième album de Leprous, est une véritable réussite, un bijou brut, un rare chef-d’œuvre dont il serait dommage de passer à côté. Si les norvégiens délaissent le côté métal au profit d’un rock expérimental et progressif, ils ne perdent en rien leur maestria et leur côté addictif. Au contraire, à la fois complexe et accessible, beau et sombre, Pitfalls est à ce jour le meilleur album du groupe, d’une beauté implacable et d’une efficacité redoutable. Masterpiece.

  • Below
  • I Lose Hope
  • Observe the Train
  • By my Throne
  • Alleviate
  • At the Bottom
  • Distant Bells
  • Foreigner
  • The Sky is Red

Note : 20/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.