avril 19, 2024
BD

Patria

Auteur : Toni Fejzula

Editeur : Ankama

Genre : Drame

Résumé :

L’ETA a déposé les armes, mais comment se relever quand la haine aveugle a détruit votre vie ? Un roman graphique adapté du best-seller espagnol PATRIA signé Fernando Aramburu et qui relate, au cœur de ce conflit, l’histoire de deux familles, deux femmes : Bittori et Miren, amies d’enfance séparées par le terrorisme.

Avis :

Les faits historiques sont souvent une manne importante pour raconter des histoires à travers différents médiums culturels. Patria en fait partie. D’abord roman, puis série télévisée, voici que cette histoire se retrouve transposée en bande-dessinée. Un challenge très compliqué pour Toni Fejzula, puisque le roman ou la série ont une narration relativement complexe. En effet, on va suivre le point de vue et l’évolution de huit personnages différents, qui vont graviter autour d’un même tragique accident. Une façon de faire qui ne s’applique pas forcément à la bande-dessinée, et c’est pourtant le pari que se donne le dessinateur. Il en résulte alors un projet assez costaud, pas évident à suivre, et qui demande de s’y connaître un peu dans l’histoire de l’ETA et de cette demande d’indépendance du pays basque.

Sur ses grandes lignes, l’histoire raconte comment deux familles, amies d’enfance, vont être déchirées suite à un attentat qui coûtera la vie du patriarche d’une des deux familles. D’un côté, la famille de Miren ne sera pas d’accord sur le sort réservé à l’un des fils, supposé tueur. De l’autre, la famille de Bittori essaye de comprendre la mort du père. De là va découler la vie de chacun. La vie passée, la vie présente, et les turpitudes de chacun pour faire le deuil, ou tout simplement renouer avec les liens du passé. Patria est une histoire relativement dure, qui tente de montrer à quel point le terrorisme, la violence, peut tout détruire, aussi bien physiquement que psychologiquement. Toni Fejzula profite de son art pour baigner son récit dans une mélancolie nostalgique et tente de proposer des visions et des récits de vie complètement différents.

Cependant, pour raconter huit histoires différentes, il a fallu trouver une astuce afin de ne pas perdre le lecteur. Ainsi, un marque-page sera inclus dans la bande-dessinée. Il montre le code couleur de chaque personnage quand il parle en dehors du cadre. Cela va permettre de savoir qui on suit. Sauf que si cela peut faire illusion sur quelques planches, à la longue, ça ne marche pas vraiment. Certaines couleurs sont trop proches les unes des autres, notamment dans les teintes rouges et vertes. Et le fait de toujours se reporter au code couleur pour savoir qui parle nous fait sortir de l’histoire. Il faudra constamment avoir un temps de latence pour savoir qui parle et cela est dommageable dans la compréhension globale de l’histoire. Pour autant, cette narration va avoir plusieurs avantages, qui se découvrent au fil des pages.

La première chose qui frappe, c’est la prolifération de thèmes qui découlent de cette histoire. Chaque personnage est très travaillé, porte le deuil de façon différente et apporte avec lui un raisonnement qui lui est propre. Par exemple, Miren, patriotique en diable, va trouver toutes les excuses du monde pour excuser le geste de son fils. Bittori, de son côté, cherche à comprendre le geste qui a causé la mort de son mari. Nerea va avoir du mal à accepter la mort de son père et fuit son pays et collectionne les hommes. Quant à son frère, il reste bloqué dans son pays pour aider sa mère, alors qu’il n’est pas heureux. Dans l’autre famille, Gorka mettra du temps à assumer son homosexualité et détestera son frère pour tout ce qu’il représente. Et Arantxa, en fauteuil roulant, au destin tragique, va être le maillon qui renouera les deux familles.

Bref, Patria est riche. Très riche. Et la BD n’est pas avare en informations concernant l’ETA et les différents crimes qui ont été commis au nom de l’indépendance du pays basque. Bourré d’anecdotes et de références à des faits passés connus, l’histoire est aussi un joli retour en arrière pour expliquer les gestes de ces militants qui ont fait tout ça pour rien. Le fond de l’histoire démontre bien l’endoctrinement, le lavage de cerveau, et les excuses non valables pour justifier des meurtres et des attentats qui ont coûté la vie à de nombreuse personnes. Néanmoins, si tout est bien expliqué et reste relativement clair, il faut en connaître un peu sur ces évènements pour être vraiment pris dedans. Certains éléments peuvent nous échapper et Patria n’est pas forcément accessible à tout le monde. D’autant plus qu’il s’adresse, je pense, à ceux qui ont connu ces évènements ou qui sont sensibles aux méfaits de l’ETA.

Enfin, on peut parler des dessins de Toni Fejzula. Il découle de cet ouvrage un savoir-faire plutôt intéressant, avec un choix de couleurs qui permet de ressentir ce que ressentent les personnages. Comme dit auparavant, il en découle une certaine mélancolie. Une nostalgie qui peut nous cueillir et nous montre à quel point ces attentats affectent les victimes et les familles des victimes. Même si certaines planches restent inégales, même si on peut trouver les dessins assez simplistes par moments (mais c’est un parti pris), ils collent parfaitement à l’ambiance voulue et peuvent se révéler parfois relativement crus, notamment sur les scènes de sexe. Reste que là aussi, Patria n’est pas un projet comme les autres et peut dérouter, aussi bien par son histoire que par ses graphismes.

Au final, Patria est une bande-dessinée totalement à part dans le catalogue de chez Ankama. Loin d’un récit imaginaire et d’univers farfelus, l’ouvrage de Toni Fejzula s’inscrit dans une réalité historique qui mérite d’être racontée. Cependant, entre les nombreuses informations sur l’ETA et ses actes, le dessin particulier et les huit points de vue à suivre, il s’avère parfois complexe de tout saisir ou d’être touché par ce récit si l’on n’est pas proche du pays basque ou passionné par l’histoire de cette région. Bref, en soi, ce n’est pas désagréable, mais il faut plusieurs requis pour vraiment plonger dans cette histoire.

Note : 12/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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