Résumé :
Ghost of Tsushima sur PS4 est un jeu d’action qui prend place au Japon dans lequel les développeurs ont mis les détails au centre du jeu afin qu’il respecte l’Histoire du pays. Le monde étant totalement ouvert, le joueur pourra s’y balader afin de découvrir ce pays d’antan.
Avis :
En littérature, comme au cinéma, le Japon féodal demeure une source d’inspiration pour de nombreux artistes. Sous forme de poèmes, de récits historiques ou d’incursions mythologiques, cette période qui s’étend sur plus de 600 ans est fascinante à plus d’un titre. Le domaine vidéoludique n’échappe pas au phénomène avec des productions moins récurrentes, certes, mais tout aussi remarquables. Au-delà de la continuité que l’on peut déceler avec ses prédécesseurs, Ghost of Tsushima est la dernière grande exclusivité de la PlayStation 4. Le jeu de Sucker Punch marque-t-il une « fin de vie » en apothéose pour la console de Sony ?
Le Japon féodal au cœur du jeu vidéo : une longue histoire ?
On connaît le Japon pour être l’un des fers de lance de l’industrie vidéoludique. Toujours à la pointe des dernières innovations technologiques, l’archipel nippon est une terre de contraste où les traditions demeurent encore vivaces. Il paraît donc naturel que l’histoire du pays fasse l’objet de nombreuses itérations, y compris dans le jeu vidéo. Pour ce qui suit, on ne recensera pas la multitude de clins d’œil et de références que l’on peut trouver çà et là dans certaines productions. Celles-ci peuvent être en effet plus ou moins légitimes. Par ailleurs, il y a plusieurs manières d’appréhender le sujet, notamment à travers les adaptations de mangas. Le Japon féodal s’aborde aussi sous l’angle de la rigueur historique ou de la mythologie nipponne.
- Le Japon entre fantasmes, mythes et légendes
Avec les kamis, yokais, onis et autres créatures issues du folklore nippon, les superstitions et évènements surnaturels ont donné lieu à de nombreuses légendes. L’existence de mondes ou d’entités invisibles fait donc partie des croyances locales. En matière de fictions, l’angle est particulièrement propice pour laisser libre cours à un imaginaire fertile.
Dans le domaine vidéoludique, on peut évoquer Muramasa : The Demon Blade, Aragami ou encore Okami, œuvre majeure d’Hideki Kamiya à la poésie inégalée. Autre incursion notable dont le gameplay se rapprochait des premiers Resident Evil, la saga Onimusha a marqué les années 2000 avec quatre titres. Moins connu du grand public, Otogi – Myth of Demons, exclusivité Xbox première du nom. Plus récemment, Nioh s’est forgé une solide réputation auprès des adeptes de Dark Souls.
- Une vision réaliste pour une rigueur historique sur la période féodale
Même époque, autre angle d’approche : certains jeux vidéo privilégient une reconstitution fidèle du contexte historique. En l’occurrence, ce choix s’éloigne sensiblement d’une vision fantasmatique du Japon pour se concentrer sur des évènements précis. C’est notamment le cas de certains jeux de stratégie/action, comme Kessen ou Samurai Warriors. Un tel développement permet aussi de présenter et de s’attarder sur la culture du pays.
Preuve en est avec Way of the Samurai, Sekiro – Shadows Die Twice ou, dans le genre baston, Bushido Blade et Kengo. En matière d’infiltration, la saga Tenchu se distingue par son aura et son atmosphère, même si la qualité des épisodes demeure fluctuante au fil des générations de consoles. Aussi, Ghost of Tsushima s’insinue dans ce registre afin de mieux retranscrire l’ambiance du XIIIe siècle et de mettre en avant les valeurs propres à la vie de samouraïs.
Un contexte historique qui profite d’une reconstitution soignée et méticuleuse
De prime abord, on aurait pu émettre quelques réserves sur le potentiel des équipes de Sucker Punch pour évoluer vers un titre aussi « mature ». Dans un registre très différent, leurs précédentes productions se sont distinguées par la plate-forme avec Sly Racoon et l’action/aventure avec InFamous. Tout comme Uncharted a marqué une scission avec Jak & Daxter pour Naughty Dog, Ghost of Tsushima démontre la capacité d’adaptation du studio américain à s’insinuer dans des projets aux antipodes.
- Une direction artistique d’exception
En l’occurrence, la direction artistique confère au sublime. Cela tient, entre autres, à la retranscription de l’île de Tsushima et la richesse de son environnement. Les reliefs escarpés des falaises côtoient la mer, tandis que les champs de fleurs se trouvent à la lisière des forêts. L’intégration des habitations et des villages se fond parfaitement avec la nature. On songe aux cascades qui marquent l’un des accès à la ville d’Hiyoshi, aux sanctuaires qui impliquent des séquences de varappe, sans oublier les communautés de pêcheurs qui bordent ruisseaux et plages.
On succède d’un panorama au suivant sans heurt, passant d’un moment de plénitude au sein de la campagne japonaise aux fermes dévastées par les troupes mongoles. Peu de titres peuvent se targuer de faire cohabiter autant d’ambiance. Cela tient autant aux fluctuations météorologiques qu’à la période la journée. L’aura crépusculaire d’une nuit de pleine lune magnifie un combat au sabre. Les jeux de lumière sont somptueux. Il suffit de guetter un lever de soleil à un point culminant ou de distinguer les nuages sombres d’une tempête pour s’en convaincre.
- Un open-world qui pousse à l’exploration
Soutenu par une technique solide, Ghost of Tsushima se présente comme un open-world qui ne se focalise pas sur la vastitude des contrées, mais plutôt sur sa densité. À dos de cheval ou à pied, on prend plaisir à arpenter les routes qui relient les principales villes. Cela vaut également pour les chemins de traverse, davantage propice à la découverte de secrets, de sanctuaires ou simplement à apprécier les plus beaux panoramas de l’île.
Pour gagner du temps, il est toujours possible d’effectuer des voyages rapides pour se rendre d’une destination à l’autre sans avoir à entreprendre un long parcours. On peut donc s’éloigner littéralement du fil directeur de l’aventure principale pour libérer Tsushima et se lancer dans une multitude de quêtes annexes. À noter que le jeu fait la part belle à une mise en scène particulièrement travaillée qui, d’ordinaire, fait défaut à des titres du même acabit.
Une expérience vidéoludique qui lorgne du côté du septième art
On le sait, le cinéma et le jeu vidéo ne font pas forcément bon ménage lorsqu’il s’agit de transposer un média vers son homologue. Cependant, il n’est pas rare que l’on distingue des allusions et autres clins d’œil référentiels entre les lignes de dialogue, l’intrigue, l’atmosphère instaurée ou la qualité de la réalisation.
- Une histoire qui en inaugure d’autres…
Ghost of Tsushima prend place en 1274. Cette précision n’est guère anodine, car elle augure du début des invasions mongoles au Japon. L’île de Tsushima est alors un point stratégique pour les deux camps. Si l’on évoque Kubilai Khan, le principal antagoniste est Khotun, un parent fictif. Cette période est donc marquée par d’âpres conflits où le rapport de force est parfois déséquilibré. On le constate à travers une entame qui, sous couvert, d’une charge héroïque dépeint les premiers affrontements entre les samouraïs et les soldats mongols.
Entre fiction et réalité, le récit puise son inspiration dans de nombreux métrages. On songe bien évidemment à Akira Kurosawa, dont le patronyme porte le nom d’un filtre qui permet d’entreprendre une partie en version monochrome. Splendide pour ceux et celles qui souhaitent retrouver une ambiance digne des 7 samouraïs. Au fil de certaines missions et quêtes, des références à d’autres cinéastes transparaissent. Pour n’en citer que les plus flagrantes : Masaki Kobayashi, Kihachi Okamoto, Hideo Gosha et Kenji Misumi.
- La voie du samouraï ou celle du ronin ?
En règle générale, ce type d’intrigues donnent lieu à des tourments personnels où le protagoniste est confronté à un dilemme qui met à mal ses valeurs morales, son code d’honneur. Plus ou moins manichéenne selon l’angle d’approche, cette dualité voit s’opposer les préceptes du bushido à des cas de figure problématiques. Nécessité fait-elle loi ? Faut-il s’évertuer à observer un comportement vertueux, même si l’issue reste vaine ? En somme, la fin justifie-t-elle les moyens ?
Ghost of Tsushima intègre parfaitement ces fondamentaux en laissant le choix au joueur. Certes, cela n’a pas une influence directe sur l’aventure elle-même. Pour autant, il est possible d’opter pour un traitement frontal, et ainsi respecter les enseignements de son maître, ou de privilégier l’infiltration. Du point de vue du samouraï, il s’agit d’une approche péjorative et facile, généralement assimilée aux lâches et aux assassins. L’architecture des lieux autorise pourtant ces deux stratégies.
Un gameplay attendu, mais qui fourmille de détails appréciables
Là où l’ambiance, l’écriture et l’atmosphère sont essentielles pour s’immerger dans un titre, le gameplay est tout aussi indispensable pour rendre l’ensemble plaisant et agréable à parcourir. Si les combats occupent une part non négligeable dans l’appréhension de Ghost of Tsushima, ils ne sont pas la seule occurrence pour parfaire l’expérience vidéoludique. Retour sur ses principales composantes.
- Tout est une question de posture
Si un samouraï sans maître est un ronin, un samouraï sans katana est un guerrier sans combat. Au cœur de l’expérience Ghost of Tsushima, les affrontements occupent une place centrale. De prime abord, l’approche peut paraître technique, car il y a plusieurs éléments à assimiler. Cela passe tout d’abord par les différentes postures qui s’accordent avec un certain type d’adversaire. À titre d’exemple, la posture de l’eau est efficace contre les ennemis équipés d’un bouclier. Pour faire face à l’allonge des lanciers, il convient d’adopter la posture du vent.
- L’art de manier le sabre à bon escient
Au sortir de ce premier point, on distingue plusieurs possibilités pour mener les combats. Outre les esquives et les blocages, Jin peut enchaîner les coups d’estoc, les frappes lourdes pour les joutes au corps-à-corps. À cela s’ajoutent les armes de lancer telles que les kunais, les flèches, les bombes de poudre noire ou leurs variantes collantes. Tout réside dans les affinités du joueur, l’équilibre des compétences de Jin, sans oublier la configuration des lieux et le nombre d’adversaires. Si l’ensemble demeure classique, le gameplay n’en reste pas moins efficace. Bien que la difficulté soit bien dosée, un temps d’adaptation est nécessaire pour en maîtriser toutes les subtilités et possibilités.
- Se plier au bushido ou suivre la voie du fantôme ?
Comme évoqué précédemment, l’une des grandes forces de Ghost of Tsushima est d’offrir au joueur l’approche qui a sa préférence. Dans le respect des valeurs traditionnelles, on peut alors opter pour des confrontations frontales. Cela peut s’introduire par un défi où les réflexes permettent d’occire un ou plusieurs adversaires en un coup. La caméra est fluide et parfaitement cohérente pour rester au plus près de l’action. En contrepartie, le surnombre de combattants expose à davantage de risques, surtout dans les niveaux de difficulté les plus élevés. Il faut alors privilégier les contre-attaques et saisir la moindre opportunité afin que les coups portés fassent mouche. À noter que la possibilité des soins, comme les coups spéciaux, entame votre détermination.
En ce qui concerne la voie du fantôme, il s’agit de la partie infiltration qui s’écarte des préceptes du samouraï. D’ailleurs, le récit est là pour le rappeler. La configuration des camps, villages et autres endroits occupés par les hordes mongoles autorise parfaitement cette alternative. Assassinats furtifs, repérage des lieux, approche discrète et arsenal de l’archer offrent une complémentarité bienvenue. On peut toutefois regretter une intelligence artificielle perfectible et l’absence d’un impact réel sur l’intrigue. À l’instar de Splinter Cell : Double Agent, l’ajout d’une composante supplémentaire pour orienter la narration aurait été appréciable.
- Une exploration chevaleresque
Plusieurs petits détails viennent se greffer au gameplay pour parfaire l’identité de Ghost of Tsushima. L’exploration de l’île peut se faire à dos de cheval. Malgré des animations qui manquent parfois de cohérence, sa maîtrise reste aisée. Quant aux phases d’escalade, elles demeurent intuitives et n’exigent pas une grande habileté. La marge de tolérance et certains automatismes offrent une permissivité bienvenue pour franchir des reliefs ou traverser des forêts.
- Un inventaire ergonomique pour recenser vos faits d’armes
Élément indissociable pour bon nombre de titres, l’inventaire s’avère agréable à parcourir et lisible. Régulièrement mise à jour suivant l’avancée de vos exploits, la map distingue les grands lieux de visite, les missions principales, ainsi que les points d’intérêt à découvrir. Une synthèse des récits et des quêtes annexes permet également de mieux appréhender le contexte. Enfin, l’arbre de compétences et l’équipement de Jin bénéficient du même soin pour modifier son apparence et améliorer ses aptitudes au combat. Simple et complet.
Une aventure dense qui tient en haleine
Dans le domaine de l’open-world, la durée de vie d’un titre détermine directement le degré d’implication du joueur. Cela tient autant à la quête principale qu’à la profusion d’objectifs secondaires ou au plaisir simple d’arpenter lesdites contrées.
- Délivrer l’île de Tsushima et repousser les hordes mongoles
L’histoire de Ghost of Tsushima se divise en trois actes, symbolisant les trois grands secteurs de l’île éponyme. Il faut compter environ 25 à 30 heures pour parcourir l’aventure en « ligne droite ». Ce qui constitue une estimation déjà fort honorable. Bien qu’offrant une certaine tension et un souffle épique à la narration, cette approche empêche d’apprécier comme il se doit l’ambiance du Japon féodal au XIIIe siècle.
- Des missions annexes en quantité pour explorer Tsushima
Le jeu de Sucker Punch compte de nombreuses quêtes annexes, comme les récits mythiques. En plus de parfaire votre équipement, ces derniers apportent une touche de folklore et de légendes dans un contexte très réaliste. On peut également évoquer les requêtes des habitants ou les missions qui impliquent la participation de vos alliés. La variété est au rendez-vous et permet d’appréhender différents points de vue au regard de l’invasion mongole. L’ensemble de ces quêtes peut aisément doubler la durée de vie, soit 50 à 60 heures de jeu en perspective.
- Prolonger le plaisir pour découvrir les secrets de Tsushima
Afin d’accroître sa jauge de vie, sa détermination ou l’efficacité des charmes, le joueur peut partir en exploration et apprécier les moindres détails du titre. Cette recherche peut paraître cyclique, car les objectifs demeurent similaires. On songe aux bambous d’entraînement, les sources d’eau chaude, suivre des renards ou gravir des montagnes pour honorer les divers sanctuaires disséminés çà et là. On peut même composer des haïkus pour insuffler une touche de poésie contemplative entre deux batailles ! Boucler Ghost of Tsushima à 100 % peut nécessiter jusqu’à 80 heures selon l’approche et une éventuelle propension à flâner aux quatre coins de l’île.
En conclusion…
Considéré comme la dernière grande exclusivité de la PlayStation 4, Ghost of Tsushima s’avance comme un titre d’action/aventures de haute volée. Certes, les mécaniques du gameplay et le traitement de l’open-world ne présentent rien de foncièrement novateur. Toutefois, le jeu de Sucker Punch s’écarte des licences actuelles par une identité forte. Il n’est pas nécessaire d’avoir une accointance particulière avec la culture nipponne pour apprécier la beauté des environnements et des panoramas.
Au-delà de ses qualités esthétiques indéniables, le jeu offre une reconstitution rigoureuse du Japon féodal au XIIIe siècle. Contrairement à d’autres productions, on reste ancré dans un contexte réaliste, s’inspirant de faits historiques avérés. On aime également cette ambiance d’exception, influencée par les plus grands cinéastes japonais pour magnifier l’aventure. Parfois classique dans ses fondamentaux, il en ressort une formidable incursion qui s’avance comme une pièce indispensable pour ceux et celles touchés par la richesse culturelle et historique du Japon.
Note : 18/20
Par Dante