D’Après une Idée de : Amanda Cole
Avec Gemma Arterton, Alessandro Nivola, Aisling Franciosi, Rosie Cavaliero
Pays : Grande-Bretagne
Nombre d’Episodes : 3
Genre : Drame
Résumé :
Aux confins de l’Himalaya, une congrégation de nonnes s’installe dans un ancien harem afin de transformer le lieu en dispensaire. Dean, un agent anglais installé dans la région depuis longtemps, est chargé de les aider à construire l’école qui servira à éduquer les enfants de la région. Bientôt, la sœur supérieure Clodagh s’offusque des manières incorrectes de Dean…
Avis :
Habituée du paysage de la télévision anglaise, Amanda Cole est une showrunneuse qui officie depuis presque trente ans maintenant. Commençant par l’écriture de quelques épisodes ici et là, elle a finalement pris les rênes de sa première série en 2009, « Mister Eleven« . Depuis, plus rien n’arrête Amanda Cole, « Life in Squares« , la très bonne série « Sous influence« , « The Trial of Christine Keeler » et aujourd’hui, « Black Narcissus« . « Black Narcissus« , c’est l’adaptation du roman de Rumer Godden, mais c’est aussi et surtout la réadaptation d’un film datant de 1947, « Le narcisse noir« , réalisé par l’immense duo de réalisateur, Michael Powell et Emeric Pressburger. Avec « Le narcisse noir » et sa folle confrontation entre Deborah Kerr et Kathleen Byron a marqué l’histoire du cinéma à jamais.
Plus de soixante ans après, c’est aujourd’hui Amanda Cole, aidée à la réalisation par Charlotte Bruus Christensen, dont c’est le premier projet, puisque la réalisatrice a à son actif qu’un court-métrage (mais en parallèle elle a une immense carrière en tant que chef op), qui a décidé de s’aventurer à Mopu, ce palais perdu dans les montagnes himalayennes. Sur un format de trois épisodes d’une cinquantaine de minutes, Amada Cole et Charlotte Bruus Christensen vont donc faire revivre cette tragédie, et si la série sera moins percutante que le film de Powell et Pressburger, « Black Narcissus » restera toutefois une série plaisante, intrigante, riche et dépaysante.
Népal, cinq sœurs sont envoyées dans la chaîne de montagnes Himalayenne pour reprendre le Palais de Mopu, ancien harem d’un général qui fut offert en cadeau à l’église, après qu’un drame se soit passé à l’intérieur. Les cinq sœurs, emmenées par Sœur Clodagh, ont pour mission de créer un dispensaire et une école, afin d’éduquer les enfants de la région. Sœur Clodagh est pleine d’enthousiasme, mais une fois arrivée sur place, entre légendes, fantômes et orgueil, rien ne va se passer comme elle l’espérait.
Difficile, très difficile de passer après le chef-d’œuvre de Michael Powell et Emeric Pressburger. S’il est clair qu’Amanda Cole, dans son idée de développer cette intrigue sur trois épisodes, a plus envie de se rapprocher du roman, visuellement parlant et dans son esprit, Charlotte Bruus Christensen, elle, penche plus du côté des deux réalisateurs britanniques, s’inspirant de leur film pour leur rendre hommage.
« Black Narcissus« , c’est une histoire passionnante, et l’idée de la voir développer sur presque trois heures (le film de 1947 fait lui 1 h 40) était intéressante, même si je dois bien avouer que j’avais beaucoup de craintes en commençant la série. Inégale, longuette parfois, « Black Narcissus » reste une série qui arrive à nous emporter avec elle.
Perdu dans les montagnes, « Black Narcissus » va être intéressante pour tous les sujets que la série emmène avec elle. Solitude, frustration, désir, fantasme, espoir, religion évidemment, choc des cultures et des cultes, surnaturel, le scénario de « Black Narcissus » est fourni, et chaque épisode a vraiment de quoi intéresser car Amanda Cole ne cesse de faire évoluer son intrigue et au-delà de ça, elle crée une tension qui ne va faire que grandir au fur et à mesure que les relations entre certaines sœurs se tendent.
La série intéressera aussi par ses personnages extérieurs qui apportent du relief, de l’intrigue, quand ils arrivent au Palais de Mopu. Que ce soit Mr Dean, le révérend, le général, ou le fils du général, tous amènent avec eux des réflexions, des intrigues, du désir ou des tensions. Mais voilà, si la série est riche et intéressante, elle souffre aussi de problème de rythme. Là où Powell et Pressburger arrivent à tout condenser et livrer un film qui n’est qu’une montée en puissance, chez Cole et Bruus Christensen, l’ensemble peine quelque peu à nous emmener jusqu’à cette fin si tragique et marquante. L’idée de développer plus d’aspect que le film de 1947 est bonne, l’idée de se recentrer sur le roman l’est tout autant, mais trois heures, c’est peut-être de trop et finalement, entre les moments plus mous, la mise en scène qui étire certaines scènes pour pas grand-chose et les instants où la série tourne un peu en rond, on finit par se dire que même si l’ensemble est bon, peut-être qu’un épisode en moins aurait été le bienvenu, ou alors il aurait fallu monter la série en épisodes d’une heure et demi. Bref, il y a un flottement qui abîme quelque peu la série. Après, cette sensation, face au reste de la série, est minime, car l’ensemble se laisse apprécier, et plus que ça, une fois commencée, longuette ou pas, qu’on connaisse le film de 1947 ou non, on a envie à chaque instant d’aller plus loin.
Pour la mise en scène et l’ambiance, c’est donc Charlotte Bruus Christensen qui s’en occupe et le moins que l’on puisse dire, c’est que la réalisatrice, dont c’est le premier projet, s’en sort bien. Si l’on passe au-dessus des longueurs évoquées plus hauts, Charlotte Bruus Christensen impose une série esthétiquement magnifique. Une série qui rend hommage au film de Powell et Pressburger, tout en s’appropriant l’univers, l’œuvre et les décors. D’ailleurs, on se plaira, comme Powell et Pressburger l’avaient fait, à passer de décors réels à des décors studios superbes.
Charlotte Bruus Christensen tient bien son ambiance, joue beaucoup sur le côté fantomatique, presque hanté, de ce Palais et à travers ça, ou encore le jeu de regard qui évoque le désir, la réalisatrice fait bien ressortir les frustrations des sœurs.
Des sœurs qui soit dit en passant sont très bien tenues par les comédiennes. Il était difficile de passer derrière Deborah Kerr et Kathleen Byron et les actrices choisies, sans dépasser Kerr et Byron s’en sortent très bien, particulièrement Gemma Arterton, qui en Sœur Clodagh arrive à être touchante tout comme Aisling Franciosi qui incarne Sœur Ruth, même si on lui reprochera de ne pas être aussi puissante, voire même terrifiante, comme pouvait l’être Kathleen Byron. Pour le plaisir, on retrouve ici dans des rôles plus ou moins importants Alessandro Nivola, Rosie Cavaliero, Jim Brobadent, Gina McKee, ou encore Diana Rigg dont c’est l’ultime rôle.
Moins puissant donc que le film de Powell et Pressburger, ce « Black Narcissus » demeure néanmoins une bonne petite série qui se laisse voir avec intrigue et intérêt. Parfois longuette, souffrant évidemment de la comparaison (alors qu’il ne faudrait pas, je le sais bien), on restera toutefois pris jusqu’à sa fin, et même si forcément la série donne envie de revoir le film de 1947, en aucun cas je ne regrette de m’y être arrêté. Entre le dépaysement et Gemma Arterton, je suis presque comblé.
Note : 13/20
Par Cinéted