Titre Original : Eyes of Laura Mars
De: Irvin Kershner
Avec Faye Dunaway, Tommy Lee Jones, Brad Dourif, Rene Auberjonois
Année: 1979
Pays: Etats-Unis
Genre: Thriller, Horreur
Résumé :
Laura Mars est une photographe new-yorkaise à succès. Sa brillante réussite est troublée depuis peu par d’éprouvantes visions lui décrivant en détail les meurtres de ses proches. La panique s’empare de Laura, lorsque ses visions deviennent réalité.
Avis :
Avant de connaître un succès monstre avec le meilleur épisode de la saga Star Wars, Irvin Kershner s’est tâté à d’autres styles avec la plume de diverses personnes. En effet, un an avant L’Empire Contre-Attaque, le réalisateur américain se laisse séduire par un scénario de John Carpenter, alors que ce dernier n’a pas encore atteint son statut d’icône de l’horreur, ce qui arrivera quelques mois plus tard avec Halloween, la Nuit des Masques. Du coup, quasiment en parallèle de son scénario mettant en scène Michael Myers, Big John rédige aussi un petit thriller fantastique en la présence des Yeux de Laura Mars. Le papier va arriver dans les mains d’Irvin Kershner qui sort alors d’un western (La Revanche d’un Homme Nommé Cheval) et d’un film d’action historique (Raid sur Entebbe) et qui va se laisser tenter par le film. Mettant en scène ni plus ni moins que Faye Dunaway et Tommy Lee Jones, Les Yeux de Laura Mars fait partie de ces films dont on connait le nom, mais pas forcément le film et l’histoire, malgré les grands noms derrière le projet. Bénéficiant alors d’une ressortie en DVD et Bluray, c’est le moment idéal pour voir ce que vaut ce film.
Laura Mars est une photographe émérite qui s’amuse avec les codes et détourne les scènes de meurtre pour en faire des pubs pour sous-vêtements. Après avoir fait un vernissage, elle va être prise de visions lui montrant les meurtres en direct de plusieurs de ses associés et amis. Epaulé par un détective assidu et plus ou moins soutenu par son entourage, Laura va devoir retrouver ce meurtrier si elle veut revivre normalement. Avec un tel scénario, on sent bien que John Carpenter s’inspire grandement des giallos italiens, avec cette faculté de masquer un tueur qui se révèlera sur la fin, dans un déluge d’informations, revenant sur plusieurs éléments que nous aurions manqué. Ce qui fait principalement l’intérêt de ce film, c’est de découvrir qui se cache derrière les meurtres, et pourquoi il fait ça. Le film est assez malin car il essaye de brouiller les pistes sur un potentiel criminel. Est-ce son principal associé qui la force à travailler ? Est-ce le chauffeur, dont on apprend qu’il a fait de la prison pour attaque à main armée ? Ou bien est-ce l’une des modèles qui est jalouse ? Ou encore cet ex-mari addictif à l’alcool ? Bref, les pistes sont multiples et on s’amusera à essayer de trouver qui est l’assassin avec ces maudits gants de cuir.
Ce qui est toujours intéressant dans ce genre de film, c’est que derrière l’enquête, derrière le côté divertissant de l’entreprise, il y a aussi des sujets sous-jacents intéressants. Avec Les Yeux de Laura Mars, ce ne sera pas évident de trouver de quoi veut nous parler John Carpenter. Pour autant, la violence tient une place prépondérante dans cette histoire. On la retrouve bien évidemment dans les meurtres, le tueur s’amusant à planter un pique dans les yeux de ses victimes, mais aussi dans les photographies de l’artiste. En effet, Laura Mars semble obsédée par les scènes de crime, au point de faire des photos qui reprennent presque à l’exactitude les positions des cadavres. Cette violence, on la retrouve pas forcément entre les mannequins, qui sont plutôt copines, mais dans les séquences de photo, qui sont souvent longues et dans lesquelles l’artiste demande aux filles de se tirer les cheveux, de se battre, voire même de simuler un meurtre. Cette violence va venir percuter les amateurs d’art, qui n’y verront que de la provocation. En agissant ainsi, scénariste et réalisateur pointent du doigt un art tape à l’œil, qui rend la violence attractive et presque belle. Une critique aussi d’une société qui est toujours plus demandeuse en voyeurisme et en décadence.
Au niveau de la mise en scène, Les Yeux de Laura Mars se sauve d’un certain classicisme avec des séquences qui sont filmées à la première personne, chose que l’on retrouvera quelques mois plus tard dans le fameux Halloween de John Carpenter. Ici, ce sont les scènes de meurtre qui sont filmées comme ceci et cela apporte deux choses. Premièrement, une réelle implication dans le crime et donc dans l’horreur. Nous sommes le tueur, nous sommes ses yeux et on va voir tout ce qu’il fait, malgré de nombreuses coupes à la fin de chaque besogne. Deuxièmement, cela accentue la faiblesse de Laura Mars face à ce criminel, car elle est connectée à lui, mais ne peut savoir qui sait (bon, sauf s’il passe devant un miroir, mais ce ne sera jamais le cas). En dehors de ces plans plutôt intéressants, le film manque quand même de caractère et n’arrive pas vraiment à garder son suspens tendu. Il y a quelques moments de flottement et on va vite se rendre compte que le film n’a pas l’aura nécessaire pour vraiment nous chambouler. Même si les derniers plans, avec notamment un miroir, évoque tout un symbole sur le reflet que l’on renvoie à la société et pas forcément ce que l’on est à l’intérieur, l’ensemble manque de caractère.
Néanmoins, le tout est sauvé par des acteurs très bons et totalement investis dans l’œuvre. Faye Dunaway donne de sa personne pour épaissir son personnage et que l’on ressente de l’empathie pour elle. Cela marche notamment parce qu’elle est plus ou moins victime de son succès et qu’elle doit des comptes à beaucoup de monde, à commencer par son associé, clairement désagréable et pourtant joué de façon subtil par Rene Auberjonois. Tommy Lee Jones, alors tout jeune, démontre lui aussi tout son talent. Enigmatique, sombre tout en étant parfois bégueule, il joue un personnage que l’on a du mal à cerner, ce qui correspond parfaitement à son physique. Enfin, difficile de ne pas citer Brad Dourif, qui joue un chauffeur au comportement bizarre, au passé trouble et qui semble plus ou moins habité. Tout ce petit monde joue très bien et cela ajoute une réelle plus-value au film.
Au final, Les Yeux de Laura Mars est un film assez classique, peut-être même trop, pour un Irvin Kershner appuyé par la plume de John Carpenter. Thriller à caractère plus ou moins horrifique et s’inspirant grandement des giallos italiens des années 70, le film manque d’identité plus forte pour réellement marquer le spectateur. Si le résultat est tout de même satisfaisant, et que la restauration demeure parfaite, on reste un peu sur notre faim quant à ce film qui avait tous les atouts de son côté.
Note : 14/20
Par AqME