Auteur : Frank Conroy
Editeur : Gallimard
Genre : Drame
Résumé :
A New York, dans les années quarante, un enfant enfermé dans un sous-sol regarde les chaussures des passants. Pauvre, sans autre protection que celle d’une mère excentrique, Claude Rawlings semble destiné à demeurer spectateur d’un monde inaccessible. Mais dans la chambre du fond, enseveli sous une montagne de vieux papiers, se trouve un petit piano désaccordé. En déchiffrant les secrets de son clavier, Claude va se découvrir lui-même : il est musicien.
Avis :
Corps et âme est un livre qui nous raconte l’histoire de Claude, un enfant particulier et solitaire, à l’enfance plutôt triste et aux prouesses musicales avérées. On ne sait pas grand-chose sur son père et sa mère n’est clairement pas un exemple. L’état de son fil ne paraît pas lui importer et ce détachement ne permet pas à la relation mère-fils de se développer plus avant. Un peu comme un orphelin, Claude vit sa vie comme il peut, cherchant de l’argent avec les moyens du bord et la créativité due à son âge. On le suit dans ses déboires, dans ses découvertes du monde et dans son développement social et musical. Sa rencontre avec un teneur de magasin d’instruments va être décisive pour le reste de ses jours. Le livre commence ainsi, nous présentant un jeune perdu et un vendeur curieux.
Il n’est pas si simple de s’attacher au personnage principal, Claude, surtout lorsque ses tranches de vie ne nous parlent pas ou peu. Lunatique, asocial et génie du piano, il ne partage pas souvent ses émotions avec le lecteur et reste distant. Quand il le fait, cela ne dure pas et le récit poursuit sur des passages peu intéressants, mettant en scène des personnages superficiels ou mal développés. Nombre de personnes entourant Claude n’ont rien de sympathique et n’attirent pas.
Profitant de sa notoriété, elles gravitent autour de lui comme des mouches avides du moindre bout de nourriture. Les personnages attachants et agréables se font beaucoup trop rares, portant le roman sur des passages plutôt noirs et le rendant même glacial. Rien ne fait rêver et cela est dommage. Les moments d’apprentissage de Claude sont les plus prenants, tandis que le reste ne fascine plus. Sa carrière n’a rien d’exceptionnel ni de palpitant, comme ses histoires d’amour alambiquées et ennuyeuses. Il nous donne l’impression d’être spectateur de sa propre vie, de trop réfléchir au sens de celle-ci et de ne jamais en profiter. Ce comportement frustrant n’aide pas le lecteur dans sa recherche d’apaisement.
Ses différents professeurs de piano sont certainement les caractères les plus charismatiques. De toutes les nationalités, ils nous montrent que la musique peut s’écouter de multiples manières et que les doigtés, comme les morceaux, possèdent plusieurs facettes si l’on veut bien leur prêter une oreille attentive. Les cours de musique et de solfège ne sont malheureusement pas faits pour être compris par les lecteurs. Les termes ne sont pas tous expliqués, et l’auteur les liste comme s’il voulait montrer son savoir et nous assommer par sa culture. On n’apprend ainsi pas grand-chose sur la musique, ses sensations et ses fondements, alors que le livre le laissait suggérer. Restent tout de même certains points sur le rythme ou la composition de morceaux novateurs, qui marquent et que l’on peut comprendre sans grande peine.
Les divagations de la noblesse ou des riches et les folies de certains artistes ou musiciens auraient pu être mieux mis en scène. Les personnages paraissent trop fantasques pour être crédibles et Claude n’interagit que peu avec eux pour que l’on s’y intéresse vraiment. Le manque d’intérêt de plusieurs scènes laisse pantois et ces dernières ne font pas avancer l’histoire, même si celle-ci ne consiste qu’à suivre la vie de Claude.
On ne ressent pas bien les moments délicats de son apprentissage, les souffrances de l’échec ou la solitude d’un tel métier, les coups durs dus aux refus ou la fatigue après des heures de travail. Le roman préfère se concentrer sur les relations du personnage principal et seule celle avec le tenant du magasin ressort du lot. Tel un père pour son fils, ce dernier a élevé Claude à sa manière et lui a permis de devenir un grand pianiste. Le rôle de la mère n’a aucun vrai intérêt. L’auteur essaie de nous la faire aimer par l’intermédiaire d’affaires politiques douteuses dans lesquelles elle traîne volontairement, mais le lecteur a du mal à comprendre les tenants et aboutissants de ces complots et s’en désintéresse, surtout quand ces derniers ne sont finalement jamais expliqués.
Il aurait été préférable pour le roman, que toute l’intrigue soit réellement concentrée autour de la musique, plutôt que sur d’autres personnages aux personnalités peu attachantes et qui ne parlent pas toujours. De plus, Claude apparaît souvent sans vie, comme effacé et cette distance n’aide pas à se plonger Corps et âme dans l’histoire.
Note : 09/20
Par Lildrille