avril 20, 2024

P (La Possédée)

Titre Original : P

De : Paul Spurrier

Avec Suangporn Jaturaphut, Opal, Pisamai Pakdeevijik, Supatra Rongsawan

Année : 2005

Pays : Thaïlande, Angleterre

Genre : Horreur

Résumé :

Aaw, une jeune femme vivant seule avec sa grand-mère, une sorcière, est la paria de son village. Quand sa grand-mère tombe malade, elle n’a pas assez d’argent pour pouvoir lui acheter des médicaments et part à Bangkok pour trouver du travail. À la capitale, ses pérégrinations la mènent vers un bar de go-go danseuses où elle se fait embaucher sans avoir aucune idée du genre de traitement qu’elle va subir. Pour se venger, elle décide d’utiliser ses pouvoirs de magie noire transmis par sa grand-mère…

Avis :

Quand on évoque les films d’horreur asiatiques, on s’imagine immédiatement les films de fantômes avec de longs cheveux noirs, en faisant référence à Ring ou Ju-On. Mais on ne peut pas réduire le cinéma asiatique au seul Japon, puisque d’autres pays ont émergé depuis et on retrouve de belles pépites dans le cinéma coréen, chinois ou encore thaïlandais. Si ce dernier nous a plus habitué aux films d’action qui savatent sévère, on retrouve aussi quelques films d’horreur qui s’appuie sur des légendes locales ou un folklore très présent. Avec P (La Possédée), film britannico-thaïlandais, le réalisateur Paul Spurrier va aller au-delà du simple film de possession pour parler de sujets qui fâchent au départ, avant d’évoquer la magie et les khmers. Un film qui semble alors plus profond que le simple rollercoaster horrifique et qui pourtant va complètement s’effondrer dans sa deuxième partie.

Le film commence dans un village paumé dans la jungle où vivent des khmers. On va voir la jeune Aaw, une fillette conspuée et moquée par ses camarades car sa grand-mère est considérée comme une sorcière. Alors que cette dernière se meurt et n’a plus un sou pour s’acheter à manger, Aaw accepte de partir pour Bangkok afin de trouver un travail. Elle se retrouve alors dans un bar à putes, où elle doit danser et satisfaire des clients. Là aussi moquée pour son ignorance et sa maladresse, elle va se mettre à pratiquer la magie que lui a apprise sa grand-mère pour devenir irrésistible aux yeux des hommes et pour liquider certaines de ses adversaires. Malheureusement, la pratique de la magie a ses limites et elle en oublie les avertissements de son aïeul sur la possibilité d’une possession par un démon. Ainsi donc, P (La Possédée) est un film qui essaye de mêler chronique sociale et film d’horreur, avec ce qu’il faut de mystère, de possession et de légendes folkloriques. Un défi de taille mais qui peut se révéler intéressant de par son orientation sociale et sociétale.

Et si tout n’est pas parfait dans la première heure, le film essaye pourtant de faire de son mieux pour mettre en avant un pays qui ne respecte pas vraiment les femmes et les jeunes adultes féminines. Ainsi donc, Aaw va se faire rejeter par ses camarades d’école, puis par les personnes de son village, voyant en elle une sorcière, quelqu’un de néfaste, alors que personne ne la connait vraiment. Le réalisateur pointe du doigt les idées préconçues et les effets néfastes que cela peut avoir sur une personne. On évoquera aussi les origines qui confèrent une méfiance envers les autres, puisqu’ici, Aaw et sa grand-mère sont des khmers et sont donc mal vues. Mais ce jugement ne s’arrête pas seulement au village de l’héroïne. En effet, lorsqu’elle se retrouve à Bangkok, elle est moquée parce qu’elle n’est pas de la ville et est considérée comme une arriérée, une sauvageonne. Le regard des autres va se faire alors plus pesant et même si elle trouve quelque réconfort auprès d’une amie, cela reste minime et douloureux. Dans cette première partie, le réalisateur va aussi parler de la prostitution des jeunes, montrant que les gestionnaires des bars ne sont pas très regardants sur l’âge des danseuses. Un petit tacle sur le tourisme du sexe qui est toujours d’actualité aujourd’hui, même si ça reste très superficiel au sein du film. Cependant, c’est suffisamment présent pour être vu et remarqué.

Cette première partie ne s’avère pas vraiment effrayante et c’est pourtant la plus intéressante à regarder. On va voir tout le cheminement de souffrance d’Aaw qui va la pousser à utiliser de la magie interdite pour respirer un peu et prendre plus confiance en elle. Les différents messages qui dressent un portrait peu flatteur de la Thaïlande sont amenés avec intelligence et permettent au film de ne pas être vide de sens. Un vide que l’on va retrouver dans la deuxième partie du métrage qui frôle par moments le gros nanar. Ainsi, en utilisant la magie noire, Aaw brise une règle essentielle, celle de ne pas manger de viande crue. Affamée, elle va se mettre à bouffer du steak tartare et par la suite de l’humain. Possédée par un démon, ce dernier sort du corps de Aaw la nuit pour aller se nourrir auprès de quelques âmes en peine. A partir de là, le film est très mal fichu. Les matérialisations du fantôme sont assez risibles, puisqu’il s’agit de l’actrice avec un maquillage de foire et ses attaques sont aussi terrifiantes qu’un documentaire sur Arte. C’est bien simple, le réalisateur a voulu montrer comment le fantôme tuer ses victimes en rentrant dans leur corps, et de ce fait, on se retrouve avec des images de synthèse dégueulasses qui rentrent dans un corps. C’est très laid, ça n’augmente pas la pression et ça nous fait plutôt décrocher. Il en va de même sur la façon employée pour sauver Aaw. C’est long, poussif, peu recherché et cela ne fait pas peur du tout. Le film se fourvoie complètement dans sa gestion de l’horreur, oubliant de mettre en avant des personnages empathiques et sous-traitant tous les seconds couteaux. La toute fin est risible, même si inattendue, mais fait preuve d’une énorme incohérence.

Au final, P (La Possédée) est un film qui souffle le chaud et le froid mais qui se trompe finalement de style. La première partie, plus dramatique et posant un regard acerbe sur la société thaïlandaise, est plus sympathique et agréable que la seconde partie qui est consacrée à l’horreur. Pour un film qui est censé faire peur, c’est un comble ! On se retrouve donc face à un film mi-figue mi-raisin qui n’arrive pas à trouver un juste équilibre pour faire peur et sensibiliser, ce qui est dommage.

Note : 09/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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