De : John R. Leonetti
Avec Stanley Tucci, Kiernan Shipka, Miranda Otto, Kate Trotter
Année : 2019
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
De terrifiantes créatures ont envahi la Terre, chassant leurs proies humaines au bruit. Pour leur échapper, les Andrews se réfugient dans un lieu isolé, mais découvrent un culte sinistre qui cherche à exploiter les sens suraiguisés de leur fille Ally, sourde depuis ses 13 ans.
Avis :
Le monde du cinéma a quelque chose d’assez magique en ce qui concerne les idées. Si on sait que les scénaristes ont depuis longtemps jeté l’éponge pour faire dans l’originalité, on sait aussi qu’ils vont souvent piocher dans les romans à succès pour faire des adaptations plus ou moins fidèles. Mais le plus étonnant, c’est quand cette idée en rejoint une autre, sur un projet différent, pour se retrouver avec deux films au concept similaire mais à la source différente. J’en veux pour preuve, Sans un Bruit de John Krasinski qui est une création originale et The Silence qui tire son idée d’un roman sorti en 2015 de Tim Lebbon. Et si le roman est antérieur à l’idée de Sans un Bruit, le film The Silence est sorti après, ce qui peut induire en erreur quant à sa filiation (ou son presque plagiat) du film de Krasinski. Car il n’en est rien et c’est juste une accointance qui tombe plutôt mal, car la comparaison risque d’être rude pour le film de John R. Leonetti.
Car on ne va pas se le cacher plus longtemps, The Silence n’est clairement pas un bon film. Il faut dire que comme metteur en scène, on a le type responsable de Mortal Kombat Destruction Finale ou encore Annabelle. Pas besoin d’épiloguer sur ce sujet, John R. Leonetti n’est pas le meilleur des cinéastes et sa carrière parle pour lui. Pour autant, on retrouve un casting plutôt intéressant, en la personne de de Stanley Tucci, qui incarne le père de famille, Kiernan Shipka qui cartonne avec Les Nouvelles Aventures de Sabrina, et Miranda Otto, présente dans la nouvelle mouture de Sabrina, mais que l’on connait aussi pour son rôle dans Le Seigneur des Anneaux. Un casting qui a de la bouteille donc, et qui semble faire confiance à ce réalisateur qui n’a pourtant pas le vent en poupe. Et malheureusement, The Silence va souffrir d’une image assez terne et d’une mise en scène qui se rate complètement sur sa montée en tension. En premier lieu, techniquement, ce n’est pas terrible. On nous cale un filtre jaunâtre pour accentuer un sentiment d’urgence et de danger, mais finalement, cette couleur sépia ne colle pas avec l’ambiance voulue. Certains plans sont inutiles et les ralentis sont toujours utilisés de manière factice pour montrer un passage qui se veut traumatisant pour la famille, mais globalement, ça ne marche pas vraiment.
D’ailleurs, la montée en tension ne marchera jamais vraiment à cause de deux facteurs très importants. Tout d’abord, la mise en scène manque d’originalité et de punch. Les phases angoissantes sont lisibles à l’avance, dédramatisant la peur et la tension. Prenons un exemple tout simple, il y a un passage dans un tuyau avec un serpent. Le père passe, ne voit pas le serpent et l’excite un peu avec son pied. Derrière, le fils s’engage dans le tunnel. On se doute bien de ce qu’il va se passer et cela n’aide pas à créer une tension palpable. Ensuite, le deuxième élément provient de l’écriture même du scénario et de l’aptitude des bestioles. Les créatures réagissent au bruit et attaquent dès qu’un son se fait entendre, un peu comme dans le film Sans un Bruit. Le problème, c’est que ces espèces de mini ptérodactyles font un bruit de tous les diables en piaillant et ils ne s’attaquent jamais entre eux. Il en va de même lorsqu’ils font une attaque. Leurs griffes ou leurs ailes tapent des objets et cela ne les perturbent pas le moins du monde. Cela peut ressembler à du chipotage, mais quand on créé un univers, il faut être un minimum cohérent et très clairement, on a le sentiment que le film a été fait à la va-vite pour justement coller au maximum à Sans un Bruit et son carton au box-office.
Mais les défauts d’écriture ne s’arrêtent pas qu’aux bestioles, dont les effets spéciaux sont assez lamentables, mais aussi aux personnages. Ce qui a fait le succès critique de Sans un Bruit, c’était l’empathie que l’on pouvait ressentir pour cette famille qui avait décidé, malgré tout, de construire une famille et de perpétuer la race humaine. Dans The Silence, on a bien une famille qui aurait pu être attachante, mais dont on se fout royalement. Dans ce film, il n’y a aucune présentation des personnages. On va voir un père sympathique et aimant, une jeune fille sourde mais qui sait parler, une grand-mère gentille et une mère qui semble agréable, tout comme le petit frère. Bref, une famille sans problème, ce qui change des sempiternelles familles dysfonctionnelles. Mais le film veut aller trop vite, ne s’attarde jamais sur les relations entre les personnages, et parfois, on a une ébauche d’approfondissement qui sera vite mise de côté pour ne pas perdre de temps. A titre d’exemple, on ne saura pas grand-chose sur la maladie de la grand-mère qu’elle cache aux enfants. On ne saura pas grand-chose sur les raisons de la surdité de la fille. Et tout cela contribue à rendre ces personnages peu attachants, ou complètement « random », ce qui empêche une projection, un transfert. On ne craint pas pour eux parce qu’on s’en fout.
Alors intrinsèquement, tout n’est pas mauvais dans ce métrage. Les acteurs s’en sortent relativement bien et n’en font pas des caisses. Stanley Tucci est tout en retenue et cela lui sied bien et Kiernan Shepka s’avère être plutôt agréable à défaut d’avoir un charisme de fou furieux. Le rythme du film est aussi assez plaisant, puisqu’il n’est pas long, qu’il se passe toujours quelque chose et que même si c’est sur des rails, on reste attentif aux mésaventures de cette famille. Mais on sent aussi que le film avait un très gros potentiel sur autre chose que les créatures, à savoir une sorte de secte de malades mentaux. Un moyen comme un autre de dire que l’homme est un loup pour l’homme, mais qui est très mal exploité ici. Non seulement la création de cette secte arrive bien trop vite, mais en plus de cela, la problématique est expédiée manu militari et ne prend que sur le dernier quart d’heure du film. C’est dommage car c’était le point le plus intéressant et intelligent du métrage, à savoir une critique acerbe de la religion et de l’être humain.
Au final, The Silence est une bien belle déception qui souffre d’autant plus de la comparaison avec Sans un Bruit, se basant sur le même concept. Le film de John R. Leonetti est totalement impersonnel et manque vraiment de finesse et de travail d’écriture pour que l’on ressente de l’empathie pour les personnages. On se retrouve donc devant un métrage qui lorgne gentiment vers le bis, voire le Z, tout en se donnant des airs trop sérieux qui sont rapidement expédiés. Bref, un film qui ne vaut pas grand-chose, si ce n’est d’occuper 1h30 de sa vie.
Note : 06/20
Par AqME