
Avis :
Le rock, et qui plus est, le hard rock, en France, ce n’est pas une grande histoire d’amour. D’ailleurs, il n’est guère étonnant d’entendre au détour de quelques rues, des gens dirent apprécier le rock comme Florent Pagny ou encore Calogero. Il faut dire ce qui est, nous ne sommes pas une terre rock n’roll mais plutôt addict à la nouvelle vielle chanson français avec des textes souvent sans intérêt et des rythmiques qui ne sont présentes que pour faire bouger quelques fessiers nourris d’OGM. Et si l’on excepte Téléphone, qui a connu un énorme succès en faisant vraiment du rock, quel autre groupe peut se targuer d’un tel retentissement et d’une vraie mise en avant dans les médias dits de masse ? Pas grand monde, mais on peut tout de même dire que Trust fait partie de ces groupes qui ont marqué au fer rouge le rock et le hard français. Et cela avec un seul titre, Antisocial. Fondé à la fin des années 70, le groupe est le seul représentant français dans son genre et a tourné avec les plus grands, que ce soit AC/DC ou Anthrax pour ne citer qu’eux. Malgré quelques splits et de nombreux line-up, Bernie Bonvoisin et Norbert Krief restent les membres indéboulonnables du groupe et avec Dans le Même Sang, ils présentent leur dixième album, qui malheureusement n’a pas fait grand bruit lors de sa sortie. Et pourtant, il détient son lot de petites pépites et de textes piquants.
Le skeud débute avec Ni Dieu, Ni Maître, et on y retrouve toute la fougue du groupe. C’est très punchy, l’introduction donne immédiatement envie de bouger et le morceau s’avère un réel plaisir d’écoute. Les paroles sont très bien écrites, pointant du doigt la servitude du peuple face à un pouvoir qui prend de plus en plus de liberté, et le refrain fonctionne relativement bien. Le groupe emprunte aussi bien au Hard Rock qu’au Punk, genre qui est très cher à Bernie Bonvoisin et cela se sent. Mais le groupe va vraiment taper du poing avec Démocrassie, un long morceau qui dépasse les sept minutes. Très Blues Rock dans la démarche, le titre se révèle très efficace grâce à sa rythmique imparable et son long break purement blues sur lequel le chanteur pose des paroles intelligentes et intéressantes. Là aussi, on sent la révolte qui pulse dans le cœur du groupe, voulant toujours parler politique et corruption. Le refrain, très simple, se suffit à lui-même et rentre de suite en tête afin que l’on puisse chanter avec le groupe. Cet aspect un peu punk/blues/hard se retrouve tout au long de l’album et certaines pistes valent leur pesant de cacahuètes comme Fils de Pute, Tête de Liste, très politisé, Le Gouvernement Comme il Respire, très cynique et acide ou encore F-Haine qui charge à bloc le parti dégueulasse de Marine Le Pen. Très clairement, Trust n’a rien perdu de sa superbe sur ces titres, et surtout de sa verve directe.

Néanmoins, malgré son aspect volontairement frontal, le groupe se perd parfois dans des rythmiques hasardeuses ou des titres qui n’ont pas vraiment leur place au sein d’un album de cette envergure. Le premier titre qui « choque » dans cette galette, c’est J’m’en Fous Pas Mal, qui est une reprise d’Edith Piaf. Si la reprise est plutôt plaisante en soi et s’avère même assez drôle, elle tombe comme un cheveu sur la soupe, en plein milieu de l’album et s’éloigne grandement des textes politiques du groupe. Même si le texte parle de la société et des jugements faciles de la société, on reste un peu sur le carreau avec ce morceau. Et même malgré le chant très juste de Bernie Bonvoisin. On pourra aussi être déçu par Christique. Tout en mid-tempo mais avec une volonté de partir loin dans un délire quasi-gospel avec des chœurs féminins dans le refrain, le morceau est long et n’arrive pas à tenir la distance, se révélant presque pénible au bout d’un moment. On restera aussi de marbre devant Caliente, un titre à moitié en espagnol et qui manque d’accroche, devenant presque un titre détente, que le groupe aurait fait pour s’amuser. Et on pourra être dubitatif sur Demande à ton Père, Demande à ta Mère, qui, peut-être bien malgré moi, fait penser à du Johnny Hallyday dans la rythmique un poil bluesy gentillette.
Au final, Dans le Même Sang, le dernier album en date de Trust, s’avère être un album fort sympathique qui montre qu’à 62 ans, les deux membres fondateurs du groupe ont toujours de l’énergie à revendre et des choses à dire. Malheureusement, le skeud est parcouru par quelques errances qui viennent nuire au plaisir d’écoute global, sans pour autant descendre l’album dans les méandres de l’oubli. Il en ressort donc un dixième album plaisant, mais qui ne marquera pas autant que ce que l’on aurait voulu.
- Ni Dieu, Ni Maître
- Démocrassie
- Fils de Pute, Tête de Liste
- Déjà Servi
- Le Gouvernement Comme il Respire
- J’m’en Fous Pas Mal
- L’Exterminateur
- Christique
- Dans le Même Sang
- Caliente
- Demande à ton Père, Demande à ta Mère
- F-Haine
- Où sont Passés les Anges ?
Note : 14/20
Par AqME