novembre 3, 2024

Black Mirror – Bandersnatch

De : David Slade

Avec Fionn Whitehead, Will Poulter, Craig Parkinson, Alice Lowe

Année: 2018

Pays: Etats-Unis

Genre: Science-Fiction, Drame, Thriller

Résumé:

En 1984, un jeune programmeur remet en question la notion de réalité en adaptant un roman fantastique en jeu vidéo. Une histoire hallucinante aux multiples dénouements.

Avis :

En attendant la saison 5, Black Mirror et Netflix font patienter leurs spectateurs avec un épisode inédit, au concept inattendu. David Slade offre un épisode spécial, interactif, dans lequel le spectateur est le héros. Ce dernier aura différents choix qui lui seront proposés pour avancer dans l’histoire et aboutir sur des conclusions variées. Bandersnatch divise relativement les spectateurs, entre ceux qui crient au génie, et les sceptiques qui avancent que les choix proposés ne sont qu’illusion.

Bandersnatch : une petite révolution ?

Qu’on apprécie ou non ce nouveau-né de la franchise Black Mirror, il faut rendre à Netflix ce qui est à Netflix. La plateforme a frappé un grand coup avec cet épisode interactif, et démontre sa volonté de créer du contenu varié, original et surtout inédit. Bandersnatch a le mérite de proposer une approche audiovisuelle unique grâce à cette particularité de faire interagir le spectateur. Et franchement, ça fonctionne à la perfection, en tout cas dans l’aspect technique de la chose. Netflix et David Slade semblent avoir pensé à tout. Ils mettent en place un véritable jeu de rôle, où le spectateur prend ses propres décisions à travers une histoire parsemée de réalités alternatives. L’exercice Bandersnatch est parfaitement maîtrisé dans son aspect pratique. Les invraisemblances sont mises au placard, le scénario est parfaitement ciselé, et l’innovation bien présente. L’épisode est contrôlé, une espèce de Inception, avec différents tiroirs et niveaux, à la manière d’un jeu vidéo. Bandersnatch est une véritable œuvre d’anticipation qui permet au spectateur de s’investir dans une œuvre qui aurait pu être totalement fédératrice.

Tout un chacun a évidemment entendu les retours négatifs qui affirmaient que ces choix n’étaient qu’illusion, et que finalement l’utilisateur ne prenait pas réellement de décisions. C’est à la fois vrai et faux. Certes Netflix guide énormément le spectateur, et en cas de réponse compromettante, la plateforme redirige son spectateur dans le droit chemin. Il est ainsi compliqué de s’éloigner de l’histoire écrite par David Slade, et la marge de manœuvre pour s’engouffrer dans l’inconnu est limitée. Les décisions sont donc localisées, et les histoires bien évidemment préalablement écrites. Le montage est judicieux, permettant à tous les éléments de s’imbriquer aisément, et surtout aux spectateurs d’y voir suffisamment clair pour ne pas s’y perdre. Mais même si cette liberté est immuablement limitée, on met en valeur le travail titanesque de Netflix qui est parvenu à créer un film parfaitement écrit, avec cinq fins alternatives et des différenciations bien établies en fonction des choix. Le tout est extrêmement bien huilé, comme un engrenage d’une vision plus large que le simple divertissement passif. On n’atteint évidemment pas le jeu vidéo, mais Bandersnatch est incontestablement un maillon qui permet encore un peu aux jeux vidéo et aux films de se rapprocher vers une espèce commune.

Un épisode nostalgique mais étonnement très actuel

Bandersnatch permet aux spectateurs de retourner en 1984. La bande originale, les jeux vidéo, sont ancrés évidemment dans cette époque. Mais le sujet de l’épisode est extrêmement actuel. Véritable épisode d’anticipation, Bandersnatch est dans la lignée de la série Black Mirror, tout en trouvant sa propre identité. La menace des écrans est plus en retrait, au détriment d’une vision beaucoup plus large qui inspire réalités alternatives, temporalité évolutive ou encore contrôle de l’esprit. Les thématiques sont claires, et mettent en avant le contrôle de l’inconscient par notre société. La publicité, l’effet de masse, l’éducation ou le hasard sont des éléments qui décident de nos choix, de nos actions et limitent notre propre liberté personnelle. Bandersnatch met en avant l’illusion de liberté sur laquelle la société moderne se construit. Comme si les choix personnels étaient dictés par une conduite préétablie socialement. Ce n’est pas entièrement faux. Après tout, les consommateurs apprécient les musiques à la mode, les films qui seront favorisés par la presse, les vêtements affiliés à une marque. Cette liberté de choix et de consommation est donc dictée par la société qui oriente ses consommateurs dans une direction ou une autre. Bandersnatch met clairement cette thématique en avant, avec bien évidemment le mind-fuck nécessaire à la série. David Slade s’amuse donc avec ce parallèle aux jeux vidéo, où l’avatar n’est qu’une extension du gamer. On caricature évidemment le concept, mais c’est en gros ce que cherche à exprimer Bandersnatch. Le personnage principal, interprété par Fionn Whitehead, n’est qu’une extension des choix du spectateur, sa réalité est limitée et illusoire. L’allégorie d’une société de masse contrôlée par l’influence est évidente, et les références nombreuses de 1984 à Equilibrium en passant par Ready Player One ou encore Vanilla Sky. En tout cas, le rapprochement avec le jeu vidéo est clair et intelligent. Que ce soit dans la mise en contexte de niveau, la capacité à rebooter, à recommencer encore et encore comme Edge of Tomorrow, classicisme dans le jeu vidéo. C’est l’intelligence de Bandersnatch qui parvient à rendre hommage aux jeux vidéo avec une certaine nostalgie et un respect.

Après oui, ce Bandersnatch a quelques faiblesses d’écriture par rapport au grand Black Mirror. Oui Bandersnatch est peut-être moins original que le grand Black Mirror. Et oui les différentes fins de cet épisode interactif ne sont pas les immenses twists de certains épisodes de la franchise. Aucune fin ne laisse véritablement l’utilisateur sur les fesses, béat devant tant de maîtrise et d’intelligence. Certes certains éléments ne sont pas assez dissimulés et sont faciles à anticiper pour le spectateur averti. Ces choix limitent forcément la possibilité de surprendre le spectateur puisque ce dernier, grâce à ses choix, visualise plus aisément les différents rebondissements qui doivent arriver. Ainsi, les différentes fins manquent parfois, pour la plupart, de la saveur qui caractérise la série Black Mirror. Le mind-fuck n’est pas au rendez-vous et même si Bandersnatch est ludique, il demeure moins percutant que les épisodes majeurs de la franchise.

Bandersnatch est une œuvre inédite qui prouve la capacité qu’a Netflix à se renouveler et à prendre des risques. L’aspect technique est parfaitement maîtrisé, mais l’impact est moindre que les épisodes classiques de Black Mirror à cause d’une écriture plus paresseuse. Quoi qu’il en soit, il serait intéressant de développer cette méthode, l’affiner, pour trouver des œuvres totalement interactives. En tout cas, la frontière entre films et jeux vidéo se réduit encore un peu… 

Note : 15/20

https://www.youtube.com/watch?v=Va_Y98XYR9w

Par Aubin

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