avril 25, 2024

La Nuit des Généraux

Titre Original : The Night of the Generals

De: Anatole Litvak

Avec Tom Courtenay, Juliette Gréco, Peter O’Toole, Omar Sharif

Année: 1967

Pays: France, Angleterre

Genre: Guerre

Résumé:

En 1942, sur fond de Seconde Guerre mondiale, une prostituée est sauvagement assassinée à Varsovie. C’est le major allemand Grau qui est chargé de l’enquête. Les premiers éléments le conduisent sur la piste de trois généraux allemands. Mais bientôt, Grau est envoyé à Paris et c’est un complot contre Hitler qui est en train de se tramer…

Avis :

Lorsqu’on évoque la Seconde Guerre mondiale, cette période historique fait tout naturellement l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques pour retranscrire les plus célèbres batailles du conflit. Cette tendance est particulièrement avérée dans les productions d’après-guerre (de 1946 à 1959). Hormis quelques exceptions notables telles que Le franciscain de Bourges, les années 1960 ne dérogent pas à la règle. Le parti pris et le point de vue allemand pour narrer un récit restaient pour le moins risqués et sujets à polémique, surtout à une époque où la chasse aux nazis battait son plein. La nuit des généraux s’avance donc comme une œuvre atypique, où les dérives de l’histoire interrogent sur la responsabilité individuelle.

Il ne sera pas question d’évoquer les crimes de guerre ou même les camps de concentration pour justifier des propos. Le film d’Anatole Litvak part d’un postulat différent qui va lui conférer toute sa singularité. En lieu et place de s’attarder sur la machine de guerre nazie et le sillage de morts qu’elle laisse, le réalisateur se focalise sur un assassinat sordide dans les ghettos de Varsovie. Au vu du contexte et de l’identité de la victime (une prostituée), l’affaire ne semble pas faire grand cas. Les priorités sont sur le front russe et à la répression des insurgés. L’on touche ainsi à une préoccupation différente que celle véhiculée par d’autres récits : le sens des valeurs et non l’échelle de la barbarie humaine à cette période.

Afin d’appuyer son ambiance proche du polar (sans vraiment franchir le pas), la guerre est remisée au rang de rumeurs et d’affrontements armés relativement timorés. Preuve en est avec les histoires qui forgent la réputation du général Tanz ou du caporal Hartmann. De même, les investigations sont menées avec circonspection, car les trois suspects sont des généraux. Ce n’est pas forcément l’uniforme allemand qui interpelle dans ce cas ni la condescendance de leur propriétaire, mais le rang d’officier qui traduit un statut au-dessus de tout soupçon. D’ailleurs, les leviers d’obstruction à la justice sont pour le moins insidieux, comme la promotion ou la mutation.

Un prétexte assez judicieux pour scinder l’intrigue en deux parties afin de retrouver Paris sous l’occupation allemande. Là encore, on se trouve loin des lignes ennemies, même la présence des Alliés gagne du terrain. Autre cadre et autre enjeu, le récit tend à élaguer les suspicions autour des officiers pour se focaliser sur l’un d’entre eux. Cette démarche permet d’accompagner son cheminement vers le passage à l’acte. L’aspect névrosé et obsessionnel du personnage concourt à entretenir sa folie sous-jacente. D’ailleurs, la confrontation avec l’un des autoportraits de Van Gogh est assez éloquente. Pour des raisons complexes, il tient à assouvir ses fantasmes par l’« objetisation » de la victime et non par les meurtres de masse.

Le premier crime (de droit commun) possède un parfum d’interdit d’autant plus enivrant que ses fonctions de général lui autorisent de nombreuses dérives sur le champ de bataille. Certes, on appelle cela un crime de guerre, mais les deux actes sont foncièrement différents dans sa psyché. La préméditation de l’assassinat et le sang-froid dont il fait preuve renvoient à une sociopathie propre aux tueurs en série. On ne sombre pas pour autant dans une approche sociétale alambiquée, même si le statut des femmes choisies et le rang de général peut contribuer à accentuer les clivages. À noter que la violence des crimes n’est nullement exposée. Elle reste suggestive, y compris dans la découverte des corps.

Au final, La nuit des généraux est un film unique, dont l’audace lui confère une certaine étrangeté dans la reconstitution de la période. De par son traitement nuancé, voire ambivalent, l’œuvre d’Anatole Litvak se distingue par son ambiance. Le contexte de la Seconde Guerre mondiale offre une réelle singularité à l’histoire. S’attardant sur un développement psychologique méticuleux, le récit interpelle par la justesse de ses propos. L’intrigue met à mal le sens des priorités et des valeurs, comme si l’histoire avec un grand H (ici présente via l’opération Walkyrie, l’occupation allemande ou l’insurrection des ghettos de Varsovie) ne pouvait se forger sans ces petites « anecdotes » individuelles. Servi par un casting d’exception et une bande-son lancinante, La nuit des généraux demeure un grand moment de cinéma, aussi profond qu’exaltant.

Note : 19,5/20

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Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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