Auteur : Jax Miller
Editeur : J’ai Lu
Genre : Thriller
Résumé :
Pennsylvanie de nos jours. Plongée au cœur des Appalaches, dans la communauté Amish. Pauvreté, villes fantômes et secrets de famille. Sadie Gingerich est en lutte constante contre la société américaine moderne dans laquelle elle tente aujourd’hui de vivre. Ce fragile équilibre s’effondre lorsque son fils est assassiné par sa petite-amie. Danny Kendricks, le père de la meurtrière est aux prises avec son passé de criminel qu’il tente de faire oublier. Sadie et Danny se rencontrent, unis par leur souffrance mais leur passé revient en force.
Avis :
Comme toute forme d’art, la littérature n’échappe pas à la règle du premier roman/premier succès, permettant à un ou une auteur de percer dans le milieu. Bien des écrivains célèbres sont arrivés sur le devant de la scène grâce à un premier roman flamboyant à l’image d’un Stephen King et de son Carrie. Et les temps ont beau changer, le monde évoluer, on aura toujours cette chance de voir naître de nouvelles plumes grâce à des premiers romans réussis. Ce fut le cas pour Ann O’Donnell, plus connue sous son pseudonyme Jax Miller. En effet, en 2015, elle signe le roman Les Infâmes et remporte plusieurs prix, en plus d’être apprécié par de nombreux spécialistes du roman noir et du thriller. Il ne lui en fallait pas plus pour revenir sur le devant de la scène l’année d’après avec Candyland, qui fut tout d’abord édité chez Ombres Noires et maintenant en format poche chez J’ai Lu. Mais un premier succès ne veut pas forcément dire que chaque roman est une petite bombe et qu’en est-il clairement de Candyland ? Eh bien c’est pas mal, mais ce n’est pas non plus le roman le plus mirobolant que l’on aura à se mettre sous la dent cette année.
Poursuivant son petit chemin dans le domaine du roman noir et du thriller, Jax Miller propose ici une histoire très sombre dans un état de Pennsylvanie à l’agonie suite à la fermeture de toutes les mines. Candyland est un roman que l’on pourrait presque qualifier de choral, car il va englober plusieurs personnes qui gravitent autour de la ville de Cane et qui vont avoir des liens plus ou moins forts au fur et à mesure que l’histoire avance. Pour la petite histoire, un jeune homme s’appelant Thomas Gingerich est retrouvé mort dans une mine. Très rapidement, les soupçons sont portés sur Allison Kendricks, fille de Danny Kendricks, un paria de la ville après avoir commis un meurtre, et droguée notoire. Sadie, la mère de Thomas, vit très mal la disparition de son fils, mais elle ne sait comment réagir quand elle apprend que son fils kidnappait et torturait des enfants dans sa cave. Elle tombe alors amoureuse de Danny, le père de la fille qui a tué son fils et son passé amish refait surface quand celui qui doit mener l’enquête est William Braxton, son ancien amant, père supposé de Thomas et cousin de Danny. Bref, comme on peut le constater, l’énigme est complexe et il faut rajouter à cela des flashbacks dans la vie de chacun, des dealers de meth ainsi qu’un peuple des montagnes qui fait ce qu’il veut quand il veut. C’est très dense, et les 640 pages du roman ne sont pas présentes pas hasard.
La première chose qui frappe avec ce roman, c’est la fluidité avec laquelle joue l’auteur pour passer d’un personnage à un autre sans créer d’incohérences ou d’ellipses trop marquées. Cela a dû être un vrai casse-tête d’un point de vue temporel, mais ça colle parfaitement bien et cela réussi au roman, lui donnant une vraie dimension importante. Le début est très accrocheur avec ce meurtre, et la recherche active du meurtrier. On comprendra rapidement que nous évoluons dans un monde très noir, où chaque personnage a ses démons et ses secrets. On pourra côtoyer Danny, l’ancien alcoolique qui a fait de la prison et qui s’interdit d’aimer qui que ce soit, Braxton, le capitaine de la police au genou branlant et à la bouteille facile, Allison et son attachement profond pour la meth, Sadie, ancienne amish à l’avenir incertain et à la santé mentale fébrile ou encore Deb, la femme de Braxton, une salope sans nom qui profite de tout le monde. Bref, nous sommes avec des personnages qui n’ont pas une once d’empathie pour les autres, et de ce fait, on aura du mal à ressentir quoi que ce soit pour eux. Et pourtant, et c’est là le tour de force du roman, on va aimer cette psychopathe de Sadie, notamment grâce aux flashbacks qui font que l’on va comprendre son passé. On va aussi aimer Danny, qui essaye de se reconstruire auprès de Sadie. On va même aimer les dealers de meth issus de la montagne, dont c’est l’unique gagne-pain. Jax Miller possède ce talent assez fou pour rendre ses personnages détestables et attachants à la fois, leur donnant une humanité fébrile mais bien présente.
Cependant, tout n’est pas parfait dans ce roman. La première intrigue, qui consiste à retrouver l’assassin de Thomas, se résolve très vite et on comprend rapidement les agissements de certains protagonistes de l’histoire. A partir de là, le livre va connaître un petit ventre mou, un moment un peu flottant où les histoires d’amour vont bon train et où chaque personne essaye de se reconstruire malgré les squelettes dans les placards. Alors oui, cela va aider pour la suite et le twist final, donnant de l’épaisseur à chacun et permettant à l’auteur d’approfondir son histoire avec les amish par exemple, mais c’est long. Le roman est tellement dense, tellement riche, que parfois, on s’ennuie ferme et on risque même la saturation tant tous les personnages sont sombres ou abattus par leur vie. C’est d’une tristesse profonde, c’est d’une noirceur sans nom et il n’y a aucune échappatoire pour personne dans ce roman. Et c’est peut-être là le point faible de ce roman, c’est qu’au bout d’un moment, tout cela ne devient plus crédible tant c’est ancré dans la noirceur et le désespoir. Un désespoir qui va se transmettre au lecteur qui ne souhaite qu’une chose par la suite, finir le roman pour lire quelque chose de plus joyeux. Bien évidemment, l’ensemble est réussi, mais il y a une telle chape lourde sur cette histoire que cela en devient étouffant.
Au final, Candyland, le deuxième roman de Jax Miller, est un bon thriller noir. C’est même un thriller très noir, voire même trop, puisqu’il accumule des personnages brisés par la vie et des histoires d’une tristesse infinie entre psychopathes, malades mentaux, ancien alcoolique ou encore drogués. Si on ne passe pas un mauvais moment durant la lecture, l’histoire est tellement riche et le texte parfois si long que l’on ressort épuisé de cette histoire, à la fois bien ficelée mais parfois trop rocambolesque pour devenir un vrai coup de cœur. Bref, Candyland c’est bien, c’est superbement écrit, mais c’est lourd et beaucoup trop sombre.
Note : 14/20
Par AqME