Avis :
Il y a des phénomènes éphémères et il y a des phénomènes qui durent. Comme dans toute forme d’art, la musique n’échappe pas au talent d’un jour grâce à un entourage mercantile fort, mais elle pioche aussi parfois dans de vrais talents, de vrais artistes qui arrivent à perdurer malgré la chute des ventes d’album. Pas grand monde n’aurait parié un kopek sur le roux Ed Sheeran, et il aurait certainement été invisible en France, si certaines émissions de qualité comme Taratata n’en avait pas parlé un tout petit peu. Explosant les charts dès son premier album en 2011, depuis, l’artiste britannique n’a jamais plus quitté les news musicales, écrivant et produisant pour d’autres comme One Direction ou Justin Bieber, quand il ne s’occupe pas de lui-même. Seulement, le succès a un revers de médaille, celui de sombrer au commerce et à l’appel irrésistible des sirènes des majors qui veulent toujours plus de fric et donc formater les artistes pour en faire de parfaites machines à tubes. Lorsque X, le deuxième album d’Ed Sheeran, sort, c’est la douche froide, l’artiste semble avoir perdu de sa verve, les parties rappées se font plus discrètes et surtout, la guitare est à l’arrière-plan, préférant les boîtes à rythmes et la facilité. Il est alors évidemment que Divide est approché avec prudence, surtout lorsque l’on entend le premier tube, guère engageant niveau nouveauté. Et pourtant, sans être lumineux et novateur, ce troisième album s’avère moins décevant que le précédent.
Il faut dire que Shape of You ne donnait pas du tout envie d’aller jeter une oreille sur cet album. Mercantile à fond, perclus de défauts du début à la fin, optant pour un son pop que l’on retrouve dans tous les titres radiophoniques, il semblait bien qu’Ed Sheeran soit retomber dans ses travers, délaissant sa guitare sèche pour des boîtes à rythmes insupportables. Et on ressent encore cet aspect commercial dans de nombreux titres de cet album. Il faut dire qu’avec seize morceaux (grande générosité pour le coup), il était difficile d’être bon à chaque fois et pour là, on retrouve des morceaux aussi anecdotiques qu’inutiles, à l’image de Eraser, le premier titre. Pourquoi ? Tout simplement parce que même si l’artiste revient à ses premiers amours avec un hip-hop rapide, l’instrumentalisation laisse vraiment à désirer et on s’ennuie ferme sur un titre qui n’a pas vraiment de rythme et qui ne tient pas la distance. On peut aussi blâmer Barcelona, qui est un titre estival, voué à cartonner durant l’été mais qui ne possède pas grand-chose pour lui, hormis l’énergie vocale du chanteur qui semble se donner beaucoup de mal pour donner vie à ce titre. Mais le principal problème dans cet album, c’est la redondance des titres. En effet, Ed Sheeran propose à chaque fois les mêmes thématiques, à savoir l’amour et les nanas, et il n’arrive pas à changer de rythme de temps à autre. En gros, on se retrouve avec deux titres un peu dansants, nerveux, puis une ballade. D’ailleurs, et même si au final, elles sont plutôt réussies, Perfect et Happier se ressemble comme deux gouttes d’eau et on sent une certaine redite tout au long de l’album.
Mais comme écrit plus haut, tout l’album n’est pas mauvais, et au final, ce troisième skeud se révèle bien plus réussi que le précédent, notamment grâce à des titres plus évocateurs, plus puissants et donc moins radiophoniques. On pense immédiatement à Dive, une ballade qui s’approche du blues traditionnel dans sa rythmique et dans laquelle le chanteur laisse éclater sa voix dans des refrains puissants et touchants. Il s’agit là d’un titre très réussi car il allie une instrumentalisation simple mais efficace à une voix qui est particulièrement excellente. On pourra même se délecter un léger solo de guitare électrique, chose impensable dans un album qui vise les ventes pharaoniques. On peut aussi parler du très joli How Would You Feel (Paean), qui s’éloigne des standards pop pour faire quelque chose d’un peu plus folk et qui sied parfaitement à l’artiste. Mais là où il demeure le plus fort c’est quand il utilise les racines irlandaises pour fournir un son pop mais résolument ancré dans une tradition. Ainsi donc, Galway Girl, en plus d’être un titre entêtant et qui donne vraiment envie de bouger, prouve que le chanteur peut fournir autre chose que des boîtes à rythmes préenregistrées et fournit quelque chose entre le folk irlandais et la pop mondiale. On ressent cela aussi dans le titre Nancy Mulligan, mais de façon encore plus prégnante. Véritable titre folk aux accents irlandais, le morceau et certainement ce qui se fait de mieux dans l’album et il est juste dommage que ces fulgurances soient si peu présentes dans l’album.
Au final, Divide, le dernier album d’Ed Sheeran, laisse un goût d’entre-deux presque désagréable. Et pourtant, quand on ressort de plusieurs écoutes, on se dit que cela aurait pu être pire et l’artiste se sort de ce mauvais pas avec des morceaux plus folk, parfois blues, au milieu d’un marasme sentimentaliste et pop trop édulcoré et formaté pour le succès et les ventes. Il en résulte donc un album sympathique, assez moyen dans son ensemble, manquant de fraîcheur et surtout de spontanéité, mais qui sauve les meubles sur une paire de pistes satisfaisantes.
- Eraser
- Castle on the Hill
- Dive
- Shape of You
- Perfect
- Galway Girl
- Happier
- New Man
- Hearts Don’t Break Around Here
- What Do I Know
- How Would You Feel (Paean)
- Supermaket Flowers
- Barcelona
- Bibia Be Ye Ye
- Nancy Mulligan
- Save Myself
Note: 12/20
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=JGwWNGJdvx8[/youtube]
Par AqME