avril 16, 2024

Misery – Stephen King

Stephen_King_Misery

Auteur : Stephen King

Editeur : Albin Michel/J’ai Lu

Genre : Thriller

Résumé :

Misery Chastain est morte. Paul Sheldon l’a tuée avec plaisir. Tout cela est bien normal, Misery Chastain est sa créature, le personnage principal de ses romans. Elle lui rapporte beaucoup d’argent, mais l’a aussi étouffé: sa mort l’a enfin libéré. Maintenant, il peut écrire un nouveau livre.
Un accident de voiture le laisse paralysé aux mains d’Annie Wilkes, l’infirmière qui le soigne chez elle. Une infirmière parfaite qui adore ses livres mais ne lui pardonne pas d’avoir fait mourir Misery Chastain. Alors, cloué dans sa chaise roulante, Paul Sheldon fait revivre Misery. Il n’a pas le choix…

Avis :

Dans les années 80, Stephen King, déjà écrivain reconnu dans le monde entier, était dépendant à certaines drogues. Ce qui ne l’empêchait pas pour autant de lire beaucoup de romans dont The Man Who Loved Dickens d’Evelyn Waugh dans lequel un homme prisonnier lisait des histoires de Dickens  son geolier, fan absolu de l’écrivain. C’est à partir de ce roman que Stephen King eut l’idée d’écrire Misery, en mettant l’écrivain dans le rôle du prisonnier. Véritable succès au moment de sa sortie, restant près de trente semaines dans la liste des meilleurs best-sellers du New York Times, ce roman remporta même le prix Bram Stoker l’année de sa sortie. Et comme tout succès, le roman a eu droit à son adaptation cinématographique par Rob Reiner trois ans plus tard. Mais aujourd’hui, qu’en est-il de ce roman ? N’a-t-il pas pris un coup de vieux ?

La réponse est clairement non, comme quasiment tous les romans de Stephen King. Roman totalement dénué de fantastique (il a d’ailleurs hésité à le signer sous Richard Bachman), Misery est un huis-clos effrayant qui pose plusieurs soucis à différents niveaux de lecture. Bien évidemment, la première choque qui frappe le lecteur, c’est l’aisance avec laquelle l’écrivain va tenir en haleine son récit alors qu’il ne se passe que dans une pièce. La raison de cette réussite tient dans les deux personnages, Paul Sheldon l’écrivain et Annie Wilkes, l’infirmière complètement frappadingue qui va forcer son prisonnier à écrire un nouveau roman. Les deux personnages sont extrêmement bien écrits et leur psychologie s’entrecroise pour devenir un véritable duel psychique. Annie Wilkes est certainement le personnage le plus intéressant, car elle n’est pas consciente de sa maladie mentale et prend des décisions assez directes, allant jusqu’au meurtre, mais s’en dédouanant comme un enfant. Il en résulte un rapport de force très bien dosé et qui va tout le temps mettre en danger l’écrivain, déjà en état de faiblesse.

Paul Sheldon quant à lui est aussi très intéressant dans ses descriptions et dans l’évolution de sa mentalité au fur et à mesure de l’histoire. D’abord manipulateur et combattif, il va petit à petit se résigner et devenir un animal docile, gardant tout de même toujours une petite lumière derrière la tête pour se venger et s’en sortir. Alternant les phases de lucidité avec les phases plus brumeuses quand l’écrivain est sous médicaments pour calmer la douleur, Stephen King arrive parfaitement à rendre les ressentis de son personnage. Il faut dire qu’il s’est renseigné auprès de psychiatres pour savoir comment certains patients géraient la douleur et dans quel état ils se sentaient. Et si le roman est dénué de fantastique, on retrouve quelques insertions dans ce registre dans l’histoire que Paul Sheldon écrit, avec notamment une déesse Bourka, une tribu d’Afrique noire.

Cependant, le rapport de force n’est pas le seul point fort du roman. En effet, derrière son histoire principale, Stephen King explore les dépendances de l’écrivain et ce besoin d’écrire qui devient presque aussi fort que la prise d’antidouleurs. On voit alors un Paul Sheldon transcendé par son écriture, par ce roman improvisé, et il n’a jamais été aussi bon que sous la pression. Complètement habité par les phases d’écriture, le roman propose alors des moments où il domine complètement sa fan, l’intimant de ne jamais le déranger quand il est dans une bonne phase d’écriture. Ainsi, dans cette sorte de mise en abîme, Stephen King propose aussi une virée dans le monde infernal de l’écriture, d’invention d’histoires, qui peut prendre aux tripes et faire fi de tout le reste, même le danger le plus imminent. Et des dangers, il y en aura, avec une Annie Wilkes diabolique, increvable, dont la fin semble interminable et les actions surpuissantes, à l’image de ce pauvre flic qu’elle explose à coups de tondeuse à gazon. Comme à son habitude, le romancier ne lésine pas sur le gore pour déranger, appuyant ainsi un peu plus la folie de son personnage, qui mettra tout sur le dos de l’écrivain.

Au final, Misery de Stephen King fait partie des meilleurs récits du maître de l’horreur. Huis-clos tendu entre deux personnages aussi forts que passionnants, le livre permet aussi d’explorer la face cachée de l’écriture, montrant les démons de l’écrivain et sa mécanique d’écriture lorsque l’inspiration lui arrive. Il en résulte un roman possédant plusieurs niveaux de lecture et d’une richesse insoupçonnée, qui pourrait presque résonner comme une thérapie de Stephen King.

Note : 18/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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