Nocturama – Alerte à la Bombe

De : Bertrand Bonello

Avec Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers, Hamza Meziani, Manal Issa

Année: 2016

Pays: France, Allemagne, Belgique

Genre: Drame, Thriller

Résumé :

Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux différents. Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les dédales du métro et les rues de la capitale. Ils semblent suivre un plan. Leurs gestes sont précis, presque dangereux. Ils convergent vers un même point, un Grand Magasin, au moment où il ferme ses portes. La nuit commence.

Avis :

Le cinéma de Bertrand Bonello est un cinéma de caractère qui dégage à chaque film, que l’on aime ou pas, quelque chose de très fort qui ne laisse pas indifférent. Le réalisateur aime bousculer les choses et aborder des sujets audacieux et parfois brûlants. Quand on jette un œil dans sa filmographie, on constate vite que ses films abordent tous de près comme de loin des sujets auxquels beaucoup d’autres cinéastes n’osent s’y frotter. « Le pornographe » abordait la pornographie et le cinéma, « De la guerre » parle de secte, « Tiresia » de la transsexualité, « L’Apollonide, souvenirs de la maison close« , tout est dans le titre, et même son « Saint-Laurent » a quelque chose de sulfureux.

Alors quand on découvre que le film de Bertrand Bonello aborde le terrorisme en France, on se dit que « Nocturama » devient presque comme une évidence dans la carrière d’un réalisateur aussi libre que peut l’être Bertrand Bonello. Et avec un tel sujet, on se dit aussi que « Nocturama » risque d’être un film choc qui ne va pas mâcher ses mots et ses scènes et malgré le fait qu’il manque quelque chose d’assez important au film, « Nocturama » fut bel et bien la séance lourde et étouffante que l’on s’était imaginée. Bertrand Bonello livre donc un film marquant et passionnant à la fois.

Un jour comme les autres dans Paris. Une poignée de jeunes gens qui viennent de tous milieux se sont retrouvés sur une idée. Une idée dangereuse qui les pousse à s’exprimer. Dans les dédales du métro parisien et de banlieue, ces gens se croisent et se recroisent. Ils savent précisément comment va se dérouler cette journée qui marquera une date précise dans l’histoire française, car ces jeunes vont faire exploser plusieurs bombes dans différents coins de la capitale. Leur plan de sortie est simple, une fois les engins posés, ils se retrouvent après la fermeture à l’intérieur d’un grand magasin parisien pour passer la nuit et attendre que les choses « se tassent ».

Le projet de « Nocturama » n’est pas né avec les attentats que la France a connus l’année passée. Non, « Nocturama » est un projet qui remonte à bien plus loin, puisque pour l’écriture, le monter et faire son film, Bertrand Bonello aura mis sept années. Le terrorisme est donc un sujet que le réalisateur avait envie de traiter depuis longtemps et qui aurait même pu sortir bien plus tôt, si Bertrand Bonello ne l’avait pas mis en pause pour s’aventurer dans la vie d’un certain Yves Saint-Laurent.

Le terrorisme vu par Bonello, c’est une idée aussi excitante qu’elle peut aussi laisser place à une crainte. Non pas que le réalisateur ait le goût de la provocation et tombe dans la facilité de faire le buzz, mais plus pour l’ambiance de son film ou encore la façon dont il allait en parler. On s’attendait bien à être bousculé et maintenant que l’on a vu « Nocturama« , nous pouvons dire deux choses. La première, c’est que Bertrand Bonello a tenu bien ses promesses et la deuxième, c’est que son film est radicalement différent de ce à quoi on s’attend et c’est bien mieux.

Le scénario est divisé en trois parties. Trois parties très distinctes qui sont toutes aussi intéressantes les unes que les autres. « Nocturama » est un film qui s’ouvre de manière bluffante, prenante, et même quelque peu stressante. La première partie du film est une sorte de ballet perdu dans le métro et les rues de Paris. Un ballet précis, méticuleux où plusieurs jeunes mettent en place et se rendent de manière implacable vers les différents lieux de leurs futurs méfaits. L’ouverture fait froid dans le dos, d’autant plus que le réalisateur n’est pas tombé dans la caricature du délit de faciès. Ces jeunes, dont il manque toutefois le motif pour commettre ces attentats, et c’est là la seule vraie faute du film de Bonello, ressemblent à tout le monde et se fondent au milieu de la masse ce qui les rend indétectable. Une première partie plus qu’excellente, vous l’aurez compris. Et une première partie qui amène à la seconde, totalement différente.

Comme son titre l’indique, une fois les attentats commis, « Nocturama » se passe de nuit et s’enferme pour un huis-clos envoutant, qui là encore est bluffant. On reste enfermé dans ce grand magasin avec eux et l’on est sidéré par leur réaction sur ce qu’ils viennent « d’accomplir ». Bertrand Bonello les films sans les juger, et cette façon de faire pose beaucoup de réflexions, de questions. Pourquoi ? Comment des jeunes de tout bord, de toute éducation se sont-ils laissés embarquer là-dedans ? Comment et pourquoi n’ont-ils pas plus de réflexions sur leurs actes (du moins au départ) ? Comment des jeunes tout ce qu’il y a de plus normaux peuvent-ils basculer dans une telle radicalisation ? Tous les milieux sociaux et culturels sont visés ici. Puis enfin arrive la dernière partie, celle qui étouffe, qui stresse, qui agace de par sa fatalité. Quelque chose se met en place et quoi qu’on puisse en penser, qu’il puisse se passer, c’est de manière terriblement réaliste et tendue qu’on assiste à ce final, totalement impuissant, bourré de sentiments contradictoires. Un final on ne peut plus marquant, qui là encore, de par sa froideur, sa manière de faire et d’opérer, pousse à la réflexion.

C’est donc en trois actes que Bertrand Bonello démontre que n’importe qui peut se faire embrigader. Le réalisateur filme, constate sans justifier, pose des questions, ne juge pas et surtout, il ne se montre pas moralisateur ou donneur de leçons. C’est avec froideur et nuance qu’il laisse le public seul juge de ce qu’il nous présente et du sujet.

« Nocturama« , c’est aussi un film puissant dans sa mise en scène qui nous offre des scènes et une ambiance très marquante, sans pour autant choquer. Bertrand Bonello comme à son habitude nous immerge totalement dans son film. Certaines scènes sont extraordinairement marquantes ! Un film qui nous réserve bien des surprises, bien différent de ce à quoi l’on peut attendre d’un film qui aborde le terrorisme. C’est même quelque peu agaçant, car c’est de manière presque naturelle qu’on s’attache à ces personnages.

« Nocturama« , c’est tout une bande de jeunes comédiens très prometteurs. Bertrand Bonello a choisi des comédiens expérimentés, comme Vincent Rottiers qu’on ne présente plus, ou Finnegan Oldfield qui continue son très bon début de carrière. Le réalisateur en a choisi d’autres qui on peu d’expérience et qui sont tout aussi marquants, comme Hamza Meziani qui est carrément la révélation du film, Manal Issa ou Rabah Naït Oufella. Puis il y a les débutants, ceux qu’on n’avait encore jamais vus, Martin Petit-Guyot, Jamil McCraven, Laure Valentinelli, Ilias Le Doré. Bref, tous ces comédiens ensembles produisent quelque chose de vrai, de simple, de réaliste et loin des caricatures et des portraits habituels.

Bertrand Bonello, pour son cru 2016, nous a donc servi les choses en grand et ça fait du bien ! Son film est excellent et capture son public de bout en bout. Quand ce soit la mise en scène, les acteurs ou encore la BO composée par Bonello lui-même, « Nocturama » est intense, dur, profond et juste. Il est simplement dommage que Bertrand Bonello n’ait pas donné ou même soulevé un motif pour les actes de ses personnages. Hormis cet élément qui dérange et dénote, « Nocturama« , c’est plus de deux heures qu’on ne voit pas passer.

Note : 17/20

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Par Cinéted