De : Bernard Rose
Avec Charlotte Burke, Jane Bertish, Samantha Cahill, Glenne Headly
Année : 1988
Pays : Angleterre
Genre : Fantastique
Résumé :
Petite fille solitaire et rêveuse, Anna découvre qu’elle peut entrer dans un monde parallèle, plus précisément dans une maison qu’elle a dessinée sur une feuille de papier. Les liens entre le monde réel et le monde imaginaire vont se resserrer, et le rêve va petit à petit virer au cauchemar …
Avis :
Pour les amateurs de films d’horreur, Bernard Rose n’est pas un inconnu. Il est l’inventeur de l’un des boogeymen, entendez par là tueurs en série, monstres immondes et autres bestioles dérangés comme Freddy, Jason ou encore Michael Myers, les plus connus de la planète. Créateur de Candyman, le monstre nait de la haine raciale qui sera par la suite l’objet de deux suites de mauvaises qualités, Bernard Rose a d’abord réalisé deux films, Chicago Joe et la Showgirl qui est un film de guerre (1990) et Paperhouse, film purement fantastique datant de 1988. C’est ce dernier qui va nous intéresser et cela pour plusieurs raisons. La première raison est qu’il fait l’objet d’une sortie DVD le 02 mai par notre partenaire Metropolitan et la seconde, c’est que ce film, qui a eu le prix du film fantastique d’Avoriaz (avant de devenir Gerardmer) en 1989 n’est jamais sortit dans les salles obscures françaises. Nous nous devons donc de rétablir ce manque de respect, surtout que le film n’est vraiment pas si mal que ça ! Allons donc voir cette maison de papier.
Pas très accueillant tout ça !
Paperhouse est un film fantastique qui est tiré d’une nouvelle écrite par Catherine Storr et qui se nomme Marianne Dreams. Dans le film, on retrouve une jeune fille qui répond au doux nom de Anna. Alors qu’elle dessine une maison en classe, elle se fait punir et tombe dan les pommes dans le couloir. Elle se retrouve alors propulsée dans son propre dessin pendant qu’elle rêve. Anna va alors dessiner d’autres choses dessus, comme un garçon triste qui ne peut pas utiliser ses jambes, ou encore son père auquel elle barre le regard. Malheureusement, la petite tombe bien malade et ses rêves deviennent de plus en plus nombreux et terrifiants. Elle se lie alors d’amitié avec Marc, le jeune garçon qu’elle a dessiné et qui existe vraiment mais qui reste très gravement malade à cause d’une dystrophie musculaire. Elle va donc essayer de l’aider au travers son dessin et ils vont tenter d’échapper à ce père aveugle et en colère. Paperhouse, sous ses airs de film fantastic-horrifique, cache en fait plusieurs niveaux de lecture et s’attache à nous montrer le gouffre qui se trouve entre l’enfance et le monde adulte. On retrouve cette différence dans plusieurs niveaux, comme ces deux jeunes filles qui se maquillent pour faire les grandes, et qui parlent de flirt, pour finir par jouer à cache-cache, ou encore lorsque la jeune fille parle à sa mère de façon désinvolte pour finir pour s’endormir avec son ours en peluche. Toutes ces scènes sont assez équivoques et montrent bien la grande différence entre ces deux âges et la difficulté de passer de l’un à l’autre. L’autre point travaillé concerne la relation enfant/adulte et notamment la relation père/fille, qui est altérée par la distance. Ces deux êtres doivent apprendre à se retrouver et on voit que ce n’est pas une chose facile. La puissance de Bernard Rose est de traiter de cela dans des tons assez graves, mais plutôt simples et sans tomber dans le pathos et c’est très agréable. On pense facilement à Créatures Célestes de Peter Jackson ou Les Noces Rebelles de James Gray dans des tons graves mais simples. L’apparition du fantastique est comme une porte de sortie pour la jeune fille, son espèce de jardin secret, qui va virer au cauchemar à cause de son passé et de ses doutes, avec son père qu’elle considère presque comme un inconnu. On voit une grande différence entre le monde réel et son monde à elle, car certaines choses font très fausses, comme la maison ou les fruits du jardin, mais cela fait partie intégrante de son dessin et de son imaginaire et Bernard Rose arrive à faire passer ce sentiment de manière très adroite.
L’aspect horrifique est très peu présent et concerne seulement la fuite de ce père dangereux armé d’un marteau. Bien entendu, tout cela se passe dans le dessin, mais certaines sont assez violentes, comme lorsque le père bat sa fille avec ses poings et encore lors de la partie de cache-cache dans la maison avec une lumière sombre et effrayante. Tout cela fait très année 80 et il ne faut pas oublier que le film date de 1988 et que l’ère du numérique n’est pas encore arrivée. Au niveau du casting, il y a une véritable prise de risque avec l’héroïne, car c’est le premier et unique film de Charlotte Burke. D’abord énervante, elle va prendre une ampleur phénoménale au fur et à mesure du film et devient très touchante. C’est d’ailleurs assez étonnant qu’elle n’est pas plus percée par la suite. Elliott Spiers incarne le jeune garçon, Marc, atteint de dystrophie musculaire et il est lui aussi très bouleversant. Jouant dans un registre beaucoup plus grave, il est extrêmement touchant et on se prend très rapidement d’amitié pour lui. Les rôles adultes tenus par Gemma Jones (Harry Potter, Oh My God !) et Glenne Headly (Dick Tracy, Time Code) sont très convaincants et on sent un vrai travail dans la direction d’acteurs. La fin demeure un peu plus risquée, notamment par un parti pris par Bernard Rose et qui peut-être considéré comme abracadabrant. Néanmoins, il a le mérite de poser les bonnes questions sur les intentions finales de la jeune fille et fini de manière assez poétique le métrage.
Ne t’inquiète pas chérie, on va faire quelque chose pour ces cheveux !
Au final, Paperhouse est un très bon film, une belle réussite que Metropolitan nous permet de redécouvrir aujourd’hui. Possédant plusieurs niveaux de lecture, très touchant, très subtil et arpentant le chemin sinueux du passage de l’enfance à l’âge adulte, Bernard Rose a le mérite de faire un film qui s’adresse à tout le monde et qui n’a pas de thème précis. On appréciera d’autant plus cette galette grâce aux bonus présentés par Metropolitan comme un entretien avec Bernard Rose autour du film, mais surtout un entretien passionnant de passionnés avec Pascal Laugier (Saint-Ange, Martyrs, The Secret) qui décrypte le film de manière incroyable.
Note : 16/20
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