De : Antonio Margheriti
Avec Claudio Camaso, Dominique Boschero, Joachim Fuchsberger, Marianne Koch
Année : 1969
Pays : Italie, Allemagne
Genre : Fantastique
Résumé :
En Angleterre, dans les années 20, cinq notables se rendent à Brighton afin de traiter une affaire. Leur voiture s’étant embourbée à cause d’un violent orage, ils trouvent refuge dans un hôtel lugubre tenu par Uriat et sa mère, une vieille spirite. L’électricité et le téléphone étant en panne, ils se retrouvent coupés du reste du monde. La vieille femme organise alors une séance de spiritisme qui va faire revenir le passé trouble des personnages. Ils seraient responsables de trois meurtres. Et les morts réclameraient vengeance.
Avis :
Le cinéma gothique est un genre à part entière qui a connu ses heures de gloire durant les années 60/70. Tout d’abord propulsé par les films de vampires de la Hammer, il ne fallut pas longtemps pour que l’Italie et l’Espagne s’empare de ce genre, sous l’impulsion d’un certain Riccardo Freda. Et si aujourd’hui le genre est quasiment mort, on peut remercier Guillermo Del Toro d’avoir pondu Crimson Peak qui renoue avec ce style, il n’en demeure pas moins que certaines pépites des décennies précédents restent à découvrir pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’être né à cette époque. Artus Films propose alors une collection de films inédits en France dans un format des plus plaisants, à l’image du Manoir Maudit (malgré l’absence de VO) et bien entendu de Contronatura d’Antonio Margheriti.
Considéré comme l’un des meilleurs artisans de la série B en Italie, Antonio Margheriti possède dans sa filmographie plusieurs films qui abondent dans ce sens. On peut noter La Vierge de Nuremberg, Danse Macabre ou encore La Sorcière Sanglante qui sont autant de films gothiques que les fans s’accordent à adorer. Avec Contronatura, il arrive dans une période charnière où le western ne se vend plus et où le gothique commence à battre de l’aile. Cependant, il va prendre tout le monde à revers avec ce métrage qui possédera tous les codes du film gothique mais avec un fond purement fantastique et une pointe d’épouvante. Film méconnu de l’auteur et ayant fait un flop en 1969, il s’agit pourtant de l’un des chouchous de son réalisateur, qui écrit, produit et réalise. Seulement, une bonne réputation ne suffit pas toujours à faire un chef d’œuvre, et malgré toutes les bonnes idées qu’accumulent le film, les affres du temps ont fait leur ouvrage et il n’en restera qu’une série B agréable, mais loin d’être parfaite aujourd’hui.
D’un point de vue scénaristique, le film tient encore bien la route, dans le sens où il n’est pas linéaire et possède une narration éclatée. En effet, un groupe de personnes plus ou moins patibulaires vont faire irruption dans une maison et subir une séance de spiritisme. Durant cette séance, chaque personnage va subir un flashback et des secrets inavouables seront révélés. En faisant ainsi, Margheriti assure un bon suspens et livre des personnages travaillés, qui ont tous une double face, un avatar maléfique, qui fait que tout le monde est suspect, tout le monde cache un jeu meurtrier. C’est principalement là-dessus que le film se repose et assure son principal fil rouge. La réalisation du cinéaste est aussi bien foutue car chaque plan est étudié pour n’exclure aucun protagoniste et les mouvements de caméra se font avec une aisance folle.
Malheureusement, le film a pris un petit coup dans l’aile, que ce soit dans son histoire ou dans ses thèmes qu’il brasse. En premier lieu, on peut difficile croire à ce hasard qui aura une réponse dans le twist final et qui gâche un peu le film, voulant à tout prix relier les deux propriétaires de la maison dans laquelle sont venus s’abriter les protagonistes et le double meurtre. Il y a dans cette rencontre comme un sentiment de pirouette scénaristique, comme si Margheriti ne savait pas comment les faire se rencontrer. Ensuite, le film est très bavard, que ce soit dans les dialogues tendus entre les personnages où la façon de raconter les histoires de chacun et cela finit par lasser le spectateur, avec la masse d’informations à garder en mémoire. D’autant plus que les trois personnages féminins se ressemblent et que l’on aura parfois du mal à savoir qui est qui. Si c’est du chipotage et que cela n’enlève en rien les qualités intrinsèques du film, gênant un petit peu le spectateur, on peut difficilement faire face aux thèmes que le film embrasse. Entre manipulation financière pour l’achat d’un terrain et lesbianisme exacerbée, le film tombe dans parfois dans un érotisme un peu niais et totalement inutile, qui n’a quasiment rien à faire dans le fil rouge, cette histoire de meurtre et de vengeance. Là encore, Margheriti se fourvoie quelque peu dans un imbroglio historique, voulant tout prix mélanger deux histoires en une. Et si la narration facilite la compréhension au fur et à mesure à la manière d’un puzzle, le film sera bien trop long à se mettre en place pour pleinement convaincre.
Au final, Contronatura n’est pas un mauvais film en soit, mais il fait partie de ces film dont le temps a eu un effet néfaste sur lui. Si le thème de la perfidie et de l’argent facile reste étonnement d’actualité, on pourra reprocher au film un érotisme gentillet et inutile ainsi qu’un film trop bavard qui n’exploite pas assez le côté gore, préférant nourrir un aspect fantastique classique et peu convaincant. Et c’est d’ailleurs là l’un des gros points faibles du film, ne jamais faire peur ou installer une véritable ambiance prégnante sur toutes la longueur, préférant afficher quelques fulgurances qui sauveront le film d’un ennui total. Bref, un film assez moyen qui ravira les fans de gothique des années 60/70, mais qui aura du mal à convaincre un nouveau public aujourd’hui.
Note : 11/20
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Par AqME