Titre Original : Saul Fia
De : Laszlo Nemes
Avec Géza Röhrig, Sandor Zsotér, Marcin Czarnik, Levente Molnar
Année : 2015
Pays : Hongrie
Genre : Drame
Résumé :
Octobre 1944, Auschwitz-Birkenau. Saul Ausländer est membre du Sonderkommando, ce groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp et forcé d’assister les nazis dans leur plan d’extermination. Il travaille dans l’un des crématoriums quand il découvre le cadavre d’un garçon dans les traits duquel il reconnaît son fils. Alors que le Sonderkommando prépare une révolte, il décide d’accomplir l’impossible : sauver le corps de l’enfant des flammes et lui offrir une véritable sépulture.
Avis :
S’il y a bien un sujet qui a été traité maintes et maintes fois au cinéma, c’est la guerre et plus précisément la Seconde Guerre Mondiale. Il faut dire qu’elle est un vivier important d’idées, d’histoires plus ou moins macabres ou héroïques et qu’elle touche malheureusement plusieurs pays en même temps. Mais dans un sens, ce cinéma de guerre est important car il peut être un vrai mémorial d’un évènement qu’il ne faut pas oublier pour ne pas répéter les mêmes erreurs. De grands réalisateurs s’y sont essayés avec succès comme Steven Spielberg ou Clint Eastwood, et d’autres s’y sont cassées les dents, n’arrivant jamais à saisir l’aspect critique et le côté historique. D’autres ont fait des choix audacieux, essayant d’humaniser Adolf Hitler (La Chute) ou encore de parler de la Shoah en s’insérant dans les rangs des Sonderkommando, ces juifs obligés d’accompagner les victimes des chambres à gaz et de nettoyer après la tuerie. C’est le choix de Laszlo Nemes, cinéaste hongrois qui a fait sensation aux Oscars en remportant le prix du meilleur film en langue étrangère. Et on comprend aisément pourquoi.
Partant d’un postulat de base très étrange trouvant ses origines dans un rituel religieux important pour une personne décédé, Le Fils de Saul s’impose comme un film à part et cela dès son introduction et sa mise en scène. Volontairement filmé en pellicule argentique 35mm, le film garde un ton très cru, très réaliste et tiendra ce format jusqu’à la fin. Mieux, il va prendre un parti pris osé pour un film à petit budget, il va tout le temps suivre le personnage principal sans jamais le lâcher, offrant au spectateur son point et ce qu’il se passe derrière lui en flou. Un choix intéressant qui montre toute l’ampleur de ce personnage, qui demeure le seul marquant, bouffant tout sur son passage pour arriver à ses fins, quitte à mettre les siens en danger. L’acteur est en état de grâce (à savoir que Géza Röhrig est un poète et non un comédien) et montre toute l’intensité de la situation et cette nécessité vitale de retrouver un peu d’humanité dans un milieu où tout disparait au profit des SS, se délectant des perfidies engendrées. Cette mise en scène ingénieuse et osée permet aussi de voir le travail des Sonderkommando, l’inhumanité de leur condition et l’épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Car il faut savoir que ces juifs choisis étaient exécutés au bout d’un certain temps et remplacés.
Le spectateur se retrouve donc au cœur d’un enfer qui mettra mal à l’aise. Mais ce mal-être est important car il permet de voir, ou plutôt de deviner, l’ignominie des nazis et de bien voir l’horreur des camps d’extermination. Le film ne lésine pas sur les différents plans suggérés montrant qu’un bout de chair, qu’un amas de corps ou encore les lieux où les cadavres sont brûlés. Seulement, et c’est là toute l’intelligence du réalisateur, tous ces plans sont suggérés et en arrière-plan, se déroulant toujours derrière le personnage principal, dans le flou et avec un travail sur le son très efficace. Et c’est peut-être ça le plus efficace dans le film, cette volonté de ne rien montrer franchement, mais juste d’entendre la douleur et d’imaginer ces amas de corps que même les nazis dénomment autrement. D’autant plus que le montage est très réfléchi, puisqu’il montre les horreurs de la shoah dans l’ordre chronologique et l’impuissance de ces juifs qui subissent le sort de leur camarade, tout en essayant de sauver leur peau.
Le seul problème avec Le Fils de Saul, c’est que ce choix de mise en scène est assez réducteur et parfois quelques longueurs se font ressentir, notamment dans ce combat désespéré pour trouver un rabbin. Malgré quelques images choquantes, on retrouve une certaine inhumanité dans le personnage principal qui préfère aboutir à sa quête égoïste plutôt que d’aider à la rébellion. Il y a certains moments assez gênants sur les choix du protagoniste, délaissant ses camarades pour donner une sépulture décente à un enfant dont on ne sait même pas si c’est le sien. Et c’est peut-être là-dessus que le film se plante un peu, préférant faire passer des choix personnels au sein d’une guerre exterminatrice, alors que seule la coalition peut permettre une révolte efficace. Alors certes, le film se base uniquement sur un personnage, sur son point de vue, et c’est totalement respecté, mais il manque peut-être un avis extérieur pour montrer que Saul n’est peut-être pas un homme bien.
Au final, Le Fils de Saul est une excellente surprise, doublée d’un très bon drame relatant les horreurs de la Shoah. Doté d’un parti pris étonnant et tenu jusqu’au bout, le film peut se targuer d’être ultra intelligent dans sa forme, adoptant un ton ultra réaliste pour bien marquer les esprits et ne montrant jamais vraiment les ignominies, préférant les suggérer, afin de rendre le film plus efficace. Bref, un film qui n’a pas volé sa récompense même si le personnage principal demeure parfois égoïste et que l’on peut avoir du mal à ressentir de l’empathie pour lui.
Note : 17/20
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Par AqME
Test Bluray
Image
Optant pour une pellicule argentique en 35 mm, le film bénéficie tout de même d’une grande qualité d’images et d’une luminosité naturelle qui fait son effet. La qualité du bluray est indéniable et l’image ne souffre d’aucun défaut.
Son
Film où les sons sont importants pour bien comprendre ce qui se passe hors-champs, Le Fils du Saul bénéficie d’un Dolby Surround 5.1 efficace et sans fioriture. Le film est voir en Vo bien évidemment.
Bonus
Si les bonus sur le film sont assez classiques avec notamment les commentaires audio du réalisateur et du monteur et de deux minutes de scènes coupées, il y a surtout le court-métrage With a Little Patience de Laszlo Nemes, qui dure treize minutes, et qui vaut le coup d’œil.
Interactivité
Sobriété est le premier mot qui vient en tête mais le tout est très ergonomique et instinctif. Et c’est bien tout ce qu’on demande à un bluray.