Titre Original : In the Heart of the Sea
De: Ron Howard
Avec Chris Hemsworth, Benjamin Walker, Cillian Murphy, Ben Whishaw
Année: 2015
Pays: Etats-Unis
Genre: Aventure
Résumé:
Hiver 1820. Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. Il est alors attaqué par une baleine gigantesque qui provoque le naufrage de l’embarcation. À bord, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent de maîtriser la situation. Mais face aux éléments déchaînés et à la faim, les hommes se laissent gagner par la panique et le désespoir…
Avis:
La littérature dite classique est un formidable vivier pour les scénaristes en manque d’inspiration. La raison est toute simple, elle permet de revisiter des classiques et d’y apporter une nouvelle vision, ou de faire découvrir des livres importants injustement oubliés. Moby Dick de Herman Melville fait partie de ces livres cultes qui ont connu un nombre impressionnant d’adaptations cinématographiques, allant même jusqu’à inspirer les tarés de chez Asylum avec l’indigeste 2010 Moby Dick. Mais ce que l’on sait moins, c’est que Au Cœur de l’Océan, le nouveau film de Ron Howard qui revient après l’excellent Rush, ne s’inspire pas du livre de Herman Melville, mais de celui de Nathaniel Philbrick, In the Heart of the Sea, qui raconte comment l’illustre écrivain a eu la véritable histoire du cachalot blanc. Et cela change pas mal de choses.
Le film s’ouvre sur la rencontre de l’écrivain Herman Melville et du seul survivant du naufrage de l’Essex, un baleinier qui fut coulé par un cachalot blanc géant. De cette rencontre va naître le récit d’une chasse à la baleine pas comme les autres, où l’aspect humain prévaut sur le spectaculaire. Car Au Cœur de l’Océan trompe volontairement son spectateur en présentant un film d’aventure où la créature prend très peu de place malgré son embonpoint. Humaniste avant toute chose, Ron Howard décide de faire de son film une sorte de pamphlet contre l’arrogance humaine et le pouvoir que s’octroie l’homme sur la nature alors qu’il n’est rien. Bien évidemment, il est facile d’y voir une parabole sur la conquête des Etats-Unis, tout en ayant continuellement un rappel sur ce que nous sommes, presque rien face aux géants des mers. Dans ce sens, le scénario est assez malin et privilégie l’homme à la bête, faisant de son film d’aventure quelque chose de plus intelligent, tout en gardant en tête le fait de divertir son public. Et le réalisateur y arrive sans trop de mal, tenant son métrage sur deux heures sans grande faille et sans ennui.
Malheureusement, le film échoue sur plusieurs points à cause justement de cet aspect humaniste. Tout d’abord, le film n’est pas assez impressionnant. La bestiole n’est pas assez imposante dans les plans à échelle humaine, et elle ne prend de l’ampleur que lors des plans aériens, qui sont de toute beauté mais pas assez nombreux. Ce sont les seuls plans où l’on voit réellement la puissance de la bête. Et c’est assez dommage puisque les moments d’action s’en retrouvent moins poignant et moins fort. De ce fait, on se rend compte que la réalisation manque d’éclat et de génie. Sans user de shaky cam, Ron Howard peine à trouver des plans iconiques, que ce soit pour la bête ou pour les matelots. On retiendra simplement ce joli moment où Moby Dick lève la queue dans l’eau, ou encore lorsque les baleiniers tuent leur première baleine et qu’une pluie de sang s’abat sur eux. Séquence où l’on ressent un certaine malaise face à cette tuerie gratuite et vaine. Pour le reste du film, l’ensemble est assez lisse.
Et c’est certainement à cause de cela que le film ne marche qu’à moitié, notamment sur l’émotion et le symbolisme. En effet, le film manque clairement de dimension émotive. Jouant toujours sur des relations amicales ou salvatrices, le film n’arrive jamais à toucher ou émouvoir le spectateur, la faute à des relations basiques autour de personnages auxquels il manque de la consistance. Hormis le personnage principal, son rival et son meilleur ami, le reste de l’équipage ne sera pas présenté et le réalisateur ne laisse pas le temps au spectateur de se prendre d’affection pour certains. De ce fait, les moments difficiles, les déchirements, les décès, ne fonctionnent pas puisque l’on ne peut pas être touché par des morts que l’on ne connait pas ou à peine. Enfin, il manque fortement toute la dimension mystique du roman de base. La dualité entre le cachalot et le marin n’est que factice, il n’y a pas de confrontation et la réflexion apportée autour de l’épopée américaine en métaphore n’est que survolée, ce qui est dommage. Le film aurait été beaucoup plus efficace avec une audace plus poussée et des moments plus éthérés, plus psychédélique.
Au final, Au Cœur de l’Océan est loin d’être un mauvais film, mais il possède pas mal de défauts qui en font un film sympathique mais pas anthologique. Entre des personnages pas assez caractérisés, une réalisation qui manque de punch et un aspect très lisse de la légende de Moby Dick, on reste un petit peu sur notre faim, surtout venant de Ron Howard. Néanmoins, il en résulte un divertissement honnête, avec quelques fulgurances bien senties (comme les plans vus du ciel) et un Chris Hemsworth charismatique. Bref, pas le film de l’année, peut-être une petite déception par rapport à ce que l’on aurait pu en attendre, mais globalement, ça reste honnête et du cinéma spectacle.
Note: 14/20
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=v4J_wDAx2E0[/youtube]
Par AqME