Avis :
Cinquante-cinq ans de carrière et presque autant d’albums. Si ce ne sont pas des chiffres qui forcent le respect, je ne sais pas quoi faire pour vous. Né en 1943, commençant une carrière artistique au tout début des années 60, Johnny Hallyday, de son vrai nom Jean-Philippe Smet, est une bête de scène et un monument de la musique française. Mais pas que. En effet, le chanteur s’est aussi expatrié aux States et a connu un certain succès dans tous les pays du globe. Homme à femmes, ayant gouté à tous les vices de ce monde, Johnny, ou tout du moins ses fans, sont souvent moqués et vus comme des beaufs vulgaires qui ne comprennent rien au sens de la vie. Sauf que pour le quidam qui s’est rendu à l’un des spectacles de Johnny, on sait que ce n’est pas vrai et que l’on peut trouver des jeunes comme des vieux, des bikers comme des médecins, des riches comme des pauvres, se rendre aux concerts avec joie. Et bizarrement, entre longévité et spectre social d’envergure, Johnny n’a pas démérité sa carrière et son succès. Et pour chaque album, il a toujours su collaborer avec les artistes les plus hypes du moment, offrant ainsi une palette artistique assez étoffée, allant du rock à la pop. Mais que dire du dernier album de Johnny Hallyday, De l’Amour, cinquantième effort de ce monstre sacré ?
Pour ce skeud, Johnny s’est obtenu les services de Maxim Nucci, membre éminent de Yodelice (c’est d’ailleurs son nouveau pseudonyme), qui a connu le succès il y a quelques temps avec le titre Sunday With a Flu. Mais ce n’est pas la première collaboration entre les deux hommes. En effet, Maxim Nucci (qui, doit-on le rappeler, à participer à l’élaboration du pire film français de tous les temps, Alive) a déjà écrit et composé pour Johnny en 2011 sur l’album Jamais Seul. Quoiqu’il en soit, l’arrivée surprise de ce disque avait de quoi attirer les foules et les puristes puisque il annonçait un rythme plus blues, plus rock avec une pointe de cajun dans l’ambiance. Et malheureusement, ce sera une belle déception.
Alors tout n’est pas mauvais dans cet album et il faut commencer par les points forts, ou tout du moins, les points les plus agréables. A commencer par la première chanson, De l’Amour sur un texte de Christophe Miossec. Mais au-delà des paroles, c’est surtout l’ambiance et la rythmique qu’il faut retenir, puisque Johnny retrouve ses premiers amours et on sent qu’il prend un grand plaisir à chanter du rock, le tout teinté de blues qui fleure bon la Louisiane. On ressent cette joie rien que dans l’intention du chanteur, qui se lâche plus et montre une étonnante vivacité pour son âge. D’autant plus que les guitares sont bien présentes, dans une rythmique dynamique et que l’on aura presque droit à un solo digne de ce nom. Et ce qui est con, c’est que l’on ne retrouvera jamais ce rythme dans tout l’album, qui se contentera du minimum. Alors il y a bien Des Raisons d’Espérer qui est plutôt bien et flirte avec le Chicago Blues, mais non seulement ça ne part jamais, mais en plus de cela, c’est le seul morceau composé par Johnny himself !
Et que reste-t-il dans le reste (art de la redondance) ? Et bien pas grand-chose et la seule chose dont on peut se réjouir, c’est que Johnny ne succombe pas aux trompettes de la pop facile dénaturée de tout instrument. Il garde cette base qu’est la guitare et la batterie, tout en essayant, vainement de mettre en avant une ambiance américaine rétro qui ne fonctionne qu’à moitié, voire pas du tout. Une Vie à l’Envers ne démarre jamais et demeure d’une lenteur affligeante (en même temps, Vincent Delerm, c’est déjà assez déprimant), tout comme Un Dimanche de Janvier qui donne envie d’aller acheter une corde (en même temps Jeanne Cherhal, la nouvelle vieille chanson française). Pire que tout, on aura droit à un solo d’harmonica dans le titre L’Amour me Fusille qui part en vrille totale, projetant le trentenaire dans le générique des Mondes Engloutis ! Enfin, si on s’attarde cinq minutes (pas plus, on frôlerait la rupture d’anévrisme) sur les textes, on tombera sur des morceaux lénifiants au possible, ressassant sans cesse les thèmes de l’amour ou de la nostalgie, ou alors des titres qui n’ont aucun rapport entre la musique et le thème, à l’image de Valise ou Cercueil qui fait écho aux immigrés syriens fuyant la guerre sur un rythme bluesy. Il manque clairement du liant à tout ça et une certaine notion de technicité, voulant toujours aller au plus simple sans jamais prendre la peine de se poser deux minutes pour inclure un peu plus de rock ou de talent. Et visiblement, les mecs croient en leur énergie, puisque dans deux titres, ça s’emballe niveau voix, mais rien ne suit au niveau des musiciens, gâchant ainsi tous les morceaux.
Trente-cinq minutes, c’est le temps qu’il faudra à Johnny pour nous confirmer que son nouvel album pue plus l’élan commercial de fin d’année pour les fans que le vrai album fait par amour de la musique. Bouclé en une dizaine de jours, le skeud est bâclé, d’une simplicité frôlant l’insulte et n’a presque aucune raison d’exister hormis se faire une petite cagnotte avant un départ à la retraite presque nécessaire. C’est dommage, Rester Vivant (le précédent album) était beaucoup plus touchant et intéressant que celui-ci qui nous vend des mensonges. De l’Amour, je t’en foutrais moi !
- De l’Amour
- Une Vie à l’Envers
- Dans le Peau de Mike Brown
- Tu es Là
- Valise ou Cercueil
- L’Amour me Fusille
- Mon Cœur qui Bat
- Avant de Frapper
- Des Raisons d’Espérer
- Un Dimanche de Janvier
Note : 07/20
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Par AqME