Titre Original: L’Ucello Dalle Plume di Cristallo
De : Dario Argento
Avec Tony Musante, Suzy Kendall, Enrico Maria Salerno, Mario Adorf
Année: 1970
Pays: Italie
Genre: Thriller
Résumé:
Témoin d’une tentative de meurtre dans une galerie d’art, un journaliste s’improvise détective et recherche l’identité du mystérieux agresseur.
Avis :
Il est toujours intéressant de revenir aux sources des grands auteurs de cinéma d’horreur. En effet, généralement, ces films gardent tous les stigmates du film de passionné et possède un cachet unique et relativement frais. C’est par exemple le cas avec Evil Dead de Sam Raimi, qui malgré des défauts évidents, dû au budget, reste un grand film d’horreur, profondément choquant et montrant un talent indéniable. On pourrait aussi parler de Wes Craven, John Carpenter ou bien de Dario Argento. Plutôt que de se jeter dans leurs derniers films, souvent décevants et résultant d’un appât du gain, il est parfois salvateur de se plonger dans leurs premières œuvres. Et c’est ce que j’ai fait avec ce cher Dario Argento en visionnant son premier film, L’Oiseau au Plumage de Cristal. Car bien avant de succomber à la médiocrité avec ses dernières productions, le réalisateur italien avait marqué son époque avec des giallos violents et à la réalisation très caractéristique. Alors ce premier film est-il si emblématique ? N’a-t-il pas trop vieilli ? Plongeons 40 ans en arrière en Italie pour voir de quoi il en retourne.
Le scénario de ce film est relativement simple, que ce soit dans son déroulement, ou dans sa révélation finale. Mais ce n’est pas forcément cela qui va attirer notre attention, car on sera beaucoup plus hypnotisé par la réalisation et par quelques fulgurances graphiques extraordinaires. On va donc suivre Sam Delmas, un écrivain qui s’est ressourcé en Italie en écrivant un livre ornithologique. En rentrant chez lui, il va être le témoin d’une tentative de meurtre au couteau dans une galerie d’art. Ce faisant, le chef de la police, Morosini, va l’engager pour mener l’enquête, persuadé qu’il sait quelque chose dont il ne se rappelle plus. Petit à petit les éléments du puzzle se mettent en place jusqu’à la révélation finale. Il est sûr qu’aujourd’hui, le genre est particulièrement fourni et que tout cela peut sembler un peu simpliste, mais en le remettant dans l’environnement de l’époque, le film devait être assez osé, surtout qu’il propose une belle série de meurtre au couteau. Mais le plus grand coup de maître de Dario Argento, c’est l’ambiance latente et noire qui se dégage du film. En effet, bien loin des thrillers clinquants d’aujourd’hui, L’Oiseau au Plumage de Cristal prend son temps tout en proposant une ambiance pesante, lente avec une palette de personnages à la fois drôle, mais surtout ambigus. Et c’est la véritable force de ce film qui impose ainsi une réalisation impeccable avec des images marquantes et quelques fulgurances incroyables. On repense bien entendu à la caméra qui filme de façon suggestive comme dans le Halloween de Carpenter, ou encore les quelques passages véritablement angoissants, notamment lorsque le héros ouvre la porte et que c’est la seule source de lumière qui émane de l’écran. S’appuyant donc sur une mise en scène inventive et très agréable, Argento signe un premier film percutant, assez violent et qui reprend avec brio tous les codes du giallo.
Parfait coco pour le biopic du mime Marceau
L’autre gros point fort du film vient des acteurs et actrices. Bien évidemment, tout cela sent bon les années 70 et le jeu ainsi que les plans de caméra sont très caractéristiques. L’acteur principal, Tony Musante, jouant Sam Delmas, joue parfaitement son rôle. Alternant entre incrédulité, crainte et obsession, il tient parfaitement le rôle du héros, dans un jeu tout en sobriété. Tout comme Enrico Maria Salerno, jouant le commissaire Morosini, qui est un excellent acteur, incarnant un commissaire crédible et particulièrement froid de prime abord. Les autres personnages secondaires sont relativement bons, sauf peut-être l’actrice jouant Julia, la compagne du héros, qui surjoue de temps à autre, notamment pour jouer la crainte ou la colère. Pour parfaire ce tableau, le film n’est pas totalement noir, puisqu’il contient des moments assez drôles, notamment avec le personnage du maquereau qui bégaye, et qui doit dire Adieu pour ne pas bégayer tout le temps, ou encore le peintre vivant en ermite, mangeant des chats et qui demeure à la fois drôle et ragoutant ou bien Faina, la balance au comportement schizophrène. Certains dialogues sont étonnement sympathiques et prêtent à sourire, dédramatisant dans des moments adéquats la situation. Mais ce qu’’il y a de plus intéressant dans ce film, c’est que l’on ne s’ennuie pas un seul instant. En effet, alternant des scènes calmes avec des scènes d’investigation ou encore avec des scènes d’action, comme la fameuse poursuite dans le parking d’autocars, Argento manie avec brio le mental du spectateur et l’induit en erreur jusqu’à la fin, grâce à un retournement de situation, certes prévisible, mais vraiment plaisant. On regrettera seulement le doute qui s’installe en nous dès le départ par rapport au tueur et qui s’avèrera presque vrai. Cela étant dit, on pardonnera facilement ce petit écart face à toutes les qualités intrinsèques de la mise en scène et au talent des acteurs.
Au final, L’Oiseau Plumage de Cristal est un thriller vraiment très bon malgré la simplicité de l’histoire. Avec une mise en scène efficace redoublant d’ingéniosité, des acteurs talentueux et jouant en toute sobriété, s’ancrant plus dans la réalité et une galerie de personnages secondaires assez loufoques, Dario Argento signe un film maîtrisé, plaisant et qui tient son nom à la découverte du tueur. Un véritable plaisir qui va inspirer un bon nombre de réalisateurs pour faire des giallos. Un film qu’il faut découvrir pour savoir ce que c’était du vrai Dario Argento, en attendant de voir ses purs films d’horreur et d’épouvante aux fulgurances gores. Bref, vous l’aurez compris, L’Oiseau au Plumage de Cristal demeure un excellent divertissement.
Note : 16/20
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