Titre Original : Rudyard Kipling’s Jungle Book
De: Zoltan Korda
Avec Sabu, Frank Puglia, Joseph Calleia, John Qualen
Année : 1942
Pays : Etats-Unis, Angleterre
Genre : Aventure
Résumé :
Dans un petit village en Inde Britannique, un bébé du nom de Mowgli est enlevé par un tigre. Une meute de loup arrive sur le fait et le sauve des griffes du puissant carnivore. Recueilli par la meute, ce n’est qu’adolescent qu’il est retrouvé par les villageois et réintégré dans la civilisation. Elevé parmi les animaux, l’adaptation est difficile et Mowgli va bien vite se rendre compte de la cupidité de son espèce, l’obligeant à faire un choix difficile : la jungle ou le monde des hommes.
Avis :
Sorti sous le format de deux recueils d’histoires en 1894, Le Livre de la Jungle est certainement l’ouvrage le plus connu de Rudyard Kipling. L’auteur anglais a écrit ces ouvrages durant un séjour dans le Vermont alors qu’il avait vécu plus de six ans en Inde, puisant ainsi son vivier d’idées. Aujourd’hui encore, le livre se lit et se vend, notamment dans les écoles, montrant ce qu’est un récit étiologique, racontant les origines de certaines choses comme la trompe d’un éléphant ou les rayures du zèbre. Mais c’est surtout dans le cinéma que le récit a trouvé une seconde jeunesse. Et si Disney a participé à sa démocratisation en 1967, ce n’est pas le premier film a adapté l’ouvre de de Kipling. En effet, en 1942, Zoltan Korda réalise une version live du livre avec l’acteur Sabu et de vrais animaux.
Bénéficiant d’une ressortie en bluray, Le Livre de la Jungle de 1942 est le genre de film familial qui garde une certaine fraîcheur et qui donne un sens au mot grandiloquent quand on regarde les décors du film. Car ce qui frappe en premier, ce sont les magnifiques map painting qui peuplent le film, donnant à cette forêt une ambiance féérique et impénétrable. Et le film, dans son ambiance, ira toujours vers ce propos propre au rêve et aux contes de fée. Il faut dire qu’il n’est pas aisé de faire parler des animaux, et Zoltan Korda a trouvé une solution assez simple, parler dans les esprits. Ainsi, seul Mowgli les comprend et cela donne une teinte très magique au film, bien loin de l’innocence des dessins animés. Cependant, cet effet a un revers de médaille, le film demeure très naïf et même si le public ciblé demeure familial, certains passages sont très enfantins, voire carrément référentiel à d’autres contes, comme lorsque le cobra garde le trésor de la jungle et parle de façon prophétique. Et si cette naïveté fonctionne auprès des enfants, il manque clairement un aspect plus dark au film pour être complet.
Néanmoins, le propos est vraiment plus intelligent que les films que l’on nous sert aujourd’hui, profitant de la condition de Mowgli pour fournir deux axes de réflexion très adultes. Premièrement, on va voir Mowgli s’interroger sur sa place, que ce soit au sein des humains ou dans la forêt. Un problème d’identité qui est étonnement d’actualité aujourd’hui, même si ici, la situation est différente. Cependant, Mowgli se pose des questions et on sent un réel mal-être, qui et exploité de façon simple et cohérente. Cela amène à une autre réflexion, sur l’être humain en général, montrant l’adulte perverti par l’argent et prêt à tout pour quelques pièces d’or. A la manière d’un film de zombies, Le Livre de la Jungle montre la perte de l’innocence et cette capacité qu’à l’homme de condamner tout ce qui ne lui ressemble pas ou qu’il ne comprend pas. Ce passage-là est très intéressant dans sa mise en scène, plaçant le héros en spectateur d’une déliquescence progressive et inexorable, le mettant de ce fait au même niveau que nous.
Alors bien entendu, le film, dans sa technique, a vieilli. Mais cela reste plus que correct plus de 70 ans plus tard. Si certains animaux restent figés, comme le crocodile ou le cobra et Kaa, l’emploi de vrais animaux donne une véritable plus-value au film qui gagne en crédibilité. On regrettera par contre l’absence de personnages cultes du livre, tout simplement esquivé ici, comme Baloo qui n’apparaîtra qu’une fois ou encore le Roi Louie qui n’est pas du tout exploité dans ce métrage. C’est assez surprenant, mais l’ensemble fonctionne parfaitement, donnant un film différent de ce que la culture populaire nous a laissée. Enfin, au niveau des acteurs, Sabu est bon, comme à son habitude, mais les personnages secondaires sont un peu laissés de côté. Si c’est pareil chez les animaux (Shere Kahn n’a pas un rôle très important), les humains ne seront pas très exploités et il manquera une réelle histoire d’amour, même si elle reste présente au début du film. Ce passage assez ennuyeux est vite délaissé au profit d’une histoire d’aventure montrant l’homme comme un véritable monstre, destructeur de la forêt et des animaux.
Au final, Le Livre de la Jungle de 1942 reste encore aujourd’hui un bon film doublé d’une aventure familiale touchante et intelligente. Voulant montrer l’aspect le plus vil de l’être humain à travers une histoire animale, Zoltan Korda réussit son pari de fournir un film indémodable dans lequel les thèmes brassés sont toujours autant d’actualité plus de quarante ans plus tard. Et c’est bien à cela que l’on voit les films les plus marquants, les plus visionnaires, à leur capacité à toujours entrevoir une vérité universelle et de les faire éclater au grand jour.
Note : 15/20
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Wo1Glcq_imc[/youtube]
Par AqME