mars 29, 2024

Alex – Pierre Lemaitre

9782226218773

Auteur : Pierre Lemaître

Editeur : Albin Michel

Genre : Thriller

Résumé :

Alex, une jeune femme de 35 ans, belle et attirante, essaie des perruques dans un magasin du boulevard de Strasbourg. Quelques heures plus tard, elle est enlevée par un inconnu qui la suivait, jetée dans une camionnette et séquestrée dans un hangar désaffecté. Le ravisseur a organisé sur place un théâtre de tortures qu’elle va subir jusqu’à l’horreur. Alex parvient à se libérer avant que la police ne la retrouve, et identifie son tortionnaire suicidé sur le périphérique.

Avis :

En l’espace de quelques années, Pierre Lemaître s’est imposé dans le paysage très fermé du thriller. Plébiscité et salué pour son sens du suspense qui évoque des influences hitchcockiennes, ses histoires disposent autant d’excellentes ficelles narratives qu’un talent (presque inné) pour manipuler et jouer avec les a priori du lecteur. Avec Alex, deuxième volet de la trilogie Verhoeven, il nous convie à une plongée sépulcrale dans les tourments d’une jeune femme séquestrée et torturée par un mystérieux ravisseur. À l’instar de son patronyme, avons-nous droit à un coup de maître ou à un coup dans l’eau ?

Il est vrai que le pitch de départ ne recèle rien de bien original, mais l’atmosphère pesante s’installe dès les premières lignes. L’intrigue surprend dans son architecture. Pareille aux poupées gigognes, on a l’impression que l’idée initiale s’essouffle rapidement pour découvrir une ramification dissimulée avec soin. Cette construction rappelle l’excellent film coréen « J’ai rencontré le diable » où le tueur en série était finalement très vite retrouvé par le personnage principal. Ici, l’on fonctionne de la même manière avec trois parties à l’évolution maîtrisée d’une crédibilité à toute épreuve, chose assez rare dans ce type d’exercice pour le souligner.

Ainsi l’enquête suit un cours inattendu, tandis que l’accompagne Alex dans son calvaire et plus si affinités. Des investigations réalistes dotées d’un bagage solide tant au niveau de la documentation (méthodes de la police et de la médecine légale) que dans la technique. Entre simplicité et efficacité, Pierre Lemaître jongle avec les mots sans jamais sombrer dans la complaisance. Tout est agencé pour servir l’histoire et ne pas la perdre dans des longueurs inutiles ou des chemins de traverse alambiqués. Car l’auteur ne tisse pas seulement les fils de son intrigue, il l’alimente d’un aspect horrifique sans concession.

Qu’il s’agisse des sévices subis par Alex ou la méthode peu ragoûtante pour tuer les victimes, on oscille entre le sadisme tendance torture-porn et la subtilité d’une cruauté psychologique. À ce titre, la paranoïa joue un rôle important pour tantôt s’attacher à Alex, tantôt la détester. Sur ce point, on vaque de contradiction en contradiction en fonction de ce que l’on apprend d’elle : ses actes, son passé. Les fils s’entrecroisent, se superposent, s’opposent et se coupent. Une approche ambivalente et non manichéenne délectable. Encore une fois, difficile d’apprivoiser ce genre de procédé puisqu’il peut se révéler à double tranchant sur le résultat final et donner l’impression de ne pas savoir sur quel pied danser.

Mais l’aspect le plus marquant, le plus important également, réside dans les personnages. On l’a vu un peu plus haut avec Alex, personnage à l’extrême complexité, les protagonistes jouissent d’un rendu rare et incroyablement organisé, même pour un thriller psychologique. Les contradictions se multiplient. Les doutes poussent comme des champignons. Les ego se heurtent sans sombrer dans la caricature ou le cliché des affrontements internes au sein des forces de l’ordre. En somme, un panel d’individus ambigu, parfois cruel, parfois égaré qui retiennent toute notre attention et occupent encore notre esprit une fois le livre fermé.

Au final, Alex est un thriller marquant. De ceux qu’on salue pour leur sens du suspense, leur maîtrise de l’intrigue de A à Z, de la touche horrifique et de l’atmosphère paranoïaque que dégage le récit. Celui-ci s’entortille pour manipuler le lecteur sans jamais le perdre ou s’emmêler les pinceaux dans d’obscures explications. Il en ressort un moment riche en émotion. Une histoire éprouvante tant la limpidité des scènes s’impose dans notre imagination comme des marques au fer rouge. Là où l’on pense atteindre rapidement les limites du concept initial, on découvre un roman efficace et singulier, généreux en rebondissements jusqu’à la dernière page.

Note : 17/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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