Auteurs : Frédéric Bovis et Erick Mogis
Editeur : Tolège Editions
Genre : Thriller Esotérique
Résumé :
Catherine Dorval, une médiéviste réputée et veuve depuis peu, anime de nombreuses conférences internationales sur son sujet de prédilection : le suaire de Turin. A contre-courant de la plupart de ses collègues, elle défend avec courage l’authenticité de ce linge qui aurait recouvert le corps du Christ. Au sortir d’une conférence, elle est sauvée d’un accident de voiture par une jeune femme qui lui remet un étrange billet. Le mystérieux message provient de son mari, mort un an plus tôt : il l’exhorte à « sauver le suaire » ! Pourquoi une telle mise en garde ? Une historienne honorable peut-elle vraiment organiser l’enlèvement de la relique la mieux gardée de l’histoire ? Un étau de mystères se resserre autour de la jeune historienne, au cœur d’un complot qui dépasse tout ce qu’elle avait imaginé…
Avis :
Après deux romans modestes (La trace & Le signe de l’archange), Frédéric Bovis trouve un nouveau coauteur en la personne d’Erick Mogis pour un thriller qui se veut la suite plus ou moins directe du Signe de l’archange (on accompagne la femme du commissaire Dorval). Toutefois, nul besoin d’avoir lu ce livre pour s’intéresser de près à Suaire – Le dernier témoin qui, doté d’un titre rarement aussi évocateur, nous propose de nous pencher sur le mystère du Suaire de Turin, l’une des reliques les plus célèbres de toute la chrétienté, rien que ça ! Il est vrai que le sujet ne manque pas de soulever les controverses et de faire couler beaucoup d’encre. Entre les partisans de la contrefaçon et ceux de l’authenticité de ce bout de tissu, les deux écrivains semblent avoir choisi pour la deuxième solution.
Tenter de faire la lumière sur une énigme qui remonte aux origines d’une religion n’est pas nouveau et le Suaire de Turin ne déroge pas à la règle. Les livres de faits d’experts pullulent en avançant argument et contre-argument pour étayer leurs théories. Les romans ne sont pas lésés pour autant. Grâce au succès du Da Vinci code aux débuts des années 2000, le sujet est propice pour un thriller ésotérique (et/ou historique) digne de ce nom. Citons rapidement Le code templier (Franck Gordon) pour rester dans le même registre. Néanmoins, ceux qui s’attendraient à un ersatz du célèbre ouvrage de Dan Brown risquent d’être déçus puisque le livre qui nous intéresse aujourd’hui semble corroborer certains événements du christianisme.
Pour cela, quoi de mieux qu’une intrigue sur plusieurs niveaux temporels ? L’histoire va nous faire voyager entre notre époque (2012), le XIIe et le XVIe siècle de notre ère, en faisant un petit détour par 1997. Dit comme cela, ça peut paraître abstrait et incongru, mais les liens tissés au fil des différentes périodes sont bel et bien présents. Histoire des croisades, papauté, templiers et reliques sacrées répondent à l’appel. On sent une véritable érudition entre les lignes. La documentation est conséquente avec un florilège de dates, de faits d’armes, d’intrigues géopolitiques qui peuvent perdre le lecteur à certains moments si celui-ci n’est pas féru des événements avancés.
Toutefois, la confusion réside essentiellement dans la chronologie et la construction du récit. Si l’on s’en tient au passé, la progression reste linéaire et parfaitement compréhensible, et ce, malgré de grands bonds dans le temps. Mais en y incorporant le présent, on navigue dans une trame moins solide qu’il n’y paraît. L’on démarre sur juin 2012, on bifurque sur mars 2012, puis l’on revient sur la première date. Ajoutez à cela le passé et l’on obtient un joyeux foutoir dans lequel on doit constamment se resituer par rapport aux événements. Certes, l’éditeur fait montre d’un certain effort pour ne pas nous perdre grâce à un changement de police de caractères adéquats, mais c’est comme colmater une fissure avec de la terre. Louable intention, mais vaine sur le long terme.
On peut également citer un aspect déconcertant pour un novice : le vocabulaire assez soutenu, pour ne pas dire lourd. Si les mots acheiropoïétique, iconoclasme et autres joyeusetés de la langue française vous laissent de marbre ou vous hérissent au plus haut point devant leur sens obscur, alors des expressions moyenâgeuses (« Ni ne sut oncques… le sydoine… ») finiront de vous achever. Encore une fois, il faut un certain bagage technique et un intérêt évident pour vous pencher sur l’histoire sous peine d’être découragé assez rapidement. Ajoutons à cela un texte dense où les explications avancées sont fournies sur un ton pédagogique assez froid et distant et l’on comprend que Suaire n’est pas un roman qui se destine à tous lecteurs.
En contrepartie, l’intrigue est bien menée (si tant est que vous vous y retrouvez) avec des séquences d’action efficaces. Les péripéties épuisent peut-être les poncifs du genre, mais se montrent malgré tout entraînantes et immersives avec un voyage aux quatre coins du globe. Entre Copenhague, la Turquie, Budapest, Constantinople ou même Venise (et il y en a d’autres), la variété est au rendez-vous. Les descriptions ne prennent pas le pas sur la progression et, comme tout bon roman devrait le faire, ajoutent une plus-value à l’atmosphère au lieu de la desservir. En somme, si les nombreux obstacles sur le fond ne vous rebutent pas, vous aurez droit à un tour d’horizon assez éclectique pour tenter de démêler le vrai du faux sur le Suaire de Turin.
En revanche, les personnages sont assez peu marquants dans l’ensemble. Les physiques se montrent trop stéréotypés avec des courbes séduisantes et des gueules d’ange. Les caractères ne sont pas en reste avec des motivations assez sommaires et difficilement justifiées par des passés plus ou moins houleux. Entre le prêtre beau gosse, une médiéviste passionnée et les membres d’une mystérieuse société secrète (encore une !), on ne gardera pas un souvenir mémorable des protagonistes ou ce qui les rattache. Le développement n’est pas mauvais, mais ne recèle rien de spectaculaire et a déjà été vu ailleurs.
Au final, Suaire – Le dernier témoin s’adresse à une frange de lecteurs férus d’histoire et d’énigmes religieuses. Malheureusement, il faut posséder certaines connaissances pour savourer pleinement le présent ouvrage. A cause du déséquilibre des époques avec d’incessants retours en arrière ou en avant, l’on se perd un peu dans cette progression brouillonne et tordue qui ne manque pourtant pas de proposer une intrigue rythmée et dense au niveau de la documentation. Contrairement au Da Vinci Code qui dénonce les mensonges de l’église, le roman d’Erick Mogis et Frédéric Bovis trouve des arguments (non moins convaincants et précis) pour appuyer l’authenticité du Suaire de Turin et par la même, les mystères chrétiens. Toutefois et bien que séduisante, cela reste tout de même une hypothèse parmi tant d’autres comme beaucoup de mystères savent si bien les multiplier.
Note : 12/20
Par Dante