
Auteur : Graham Masterton
Editeur : Pocket
Genre : Horreur
Résumé :
Chargé de restaurer une vieille demeure victorienne, David Williams y est confronté à d’étranges phénomènes : bruits mystérieux, lueurs inexplicables et surtout la présence de Brown Jenkin, un rat d’une taille monstrueuse qui rôde dans le grenier. Il apprend bientôt que la maison était au siècle dernier un orphelinat, et que tous les enfants y sont morts en l’espace de deux semaines. Épidémie ? Ou bien les petits pensionnaires ont-ils été enlevés et tués au cours d’un rituel abominable ? Explorant le grenier, il découvre que celui-ci est en fait une porte sur le temps, qui permet de revenir en 1886, date à laquelle les Grands Anciens firent une première tentative pour reprendre le contrôle de notre planète.
Une seconde offensive se prépare.
Avis :
Perçant dans les années 70 avec un roman écrit en seulement trois semaines (Manitou), Graham Masterton est rapidement devenu une figure importante de la littérature horrifique. Ses œuvres se comptent par dizaines, et il fait encore aujourd’hui partie des écrivains préférés des amateurs d’hémoglobine et de terreur en papier. Bien évidemment, lui aussi à des auteurs de référence, et comme presque tout le monde, il a une affection particulière pour Lovecraft. C’est pour cela qu’en 1992, il se lance dans un roman hommage avec Apparition qui, aujourd’hui encore, demeure comme l’un de ses tout meilleurs projets. Il faut dire qu’entre une maison atypique, un homme perdu dans sa vie, un coin reculé de l’Angleterre et la menace de grands anciens, on soupe dans un breuvage qui ne peut qu’attiser notre curiosité.
L’histoire prend place auprès de David, un homme dans la quarantaine qui se retrouve seul avec son fils, car sa femme lui dit qu’elle se barre avec un autre homme. Afin de ne pas sombrer dans une dépression crasse, il trouve un job d’été. Il doit rénover une vieille demeure, Fortyfoot House, sur l’île de Wight, afin que ses propriétaires puissent la revendre un bon prix. Malheureusement pour David, c’est le début du cauchemar, avec un rat géant au visage humain qui se trimballe dans le grenier, des bruits lugubres, des apparitions dans les coins de certaines chambres, et surtout, des phénomènes temporaux étranges qui évoquent la vie de la baraque en 1886. Ajoutons à cela une jeune femme qui fait son apparition en tant que squatteuse, et qui va faire chavirer le petit cœur de notre héros, et la boucle est bouclée.
Le début du roman est assez simple. David énumère ses galères, évoque son passé, et tout cela pour qu’on le prenne en empathie. Il présente aussi son fils Daniel, un jeune garçon plein de vie qui suit son père, avec une idée bien arrêtée sur sa mère. Famille monoparentale, maison isolée au bord de la mère, bourgade peu accueillante, Graham Masterton plante le décor, et on se retrouve vite plongé dans ce lieu qui semble receler plein de mystères. Cela peut paraître un peu longuet, mais c’est essentiel pour ressentir de l’empathie envers cet homme qui, bien malgré lui, va être forcé de rester dans cette baraque, même s’il souhaite rapidement en partir. Et tout cela est dû aux rencontres qu’il va faire, démarrant alors un petit body count.
Forcément, avec la présence de ce rat, il va faire appel à un dératiseur, puis à un prêtre, et il va faire la connaissance d’un inspecteur de police laconique, mais prompt à croire ses divagations. Tout ce petit monde va connaître un sort plus ou moins funeste, et l’intelligence du récit est de ne pas en faire de trop. Tout du moins dans la présentation des personnages, qui ont tous un truc à apporter à l’intrigue, à la mythologie de cette maison. Car oui, cette baraque est un personnage à part entière, surtout lorsque l’on commence à comprendre comment elle fonctionne. Et pour le coup, le roman a beau aller sur ses trente-cinq ans d’existence, il reste hyper novateur. Il y a un rapport avec l’histoire (ici, les sumériens), mais aussi avec les écrits de Lovecraft, puisque l’on va vite nous parler des grands anciens et d’un certain Yog-Sothoth.
Au lieu de mettre de gros sabots, Graham Masterton reste fidèle à la mythologie de l’écrivain de Providence, avec des monstres indescriptibles, et une certaine noirceur de l’humanité. C’est sale, c’est gore, les descriptifs des blessures ne laissent guère de place à l’imagination, tout le contraire des grands anciens, trop indescriptibles. De plus, il y a une vraie forme de nihilisme dans cette histoire, car l’écrivain ne fait de cadeau à personne, et il laisse même un choix déchirant à son héros à la toute fin, où il fait peser son côté égoïste avec son côté humaniste. Bref, c’est vraiment bien fichu, et on reste accroché à ce roman du début à la fin. Et, cerise sur le gâteau, malgré son âge avancé, le roman détient un petit côté écolo, qui explique que si les grands anciens reviennent sur Terre, c’est à cause de nous, humains, en polluant la planète.
Au final, Apparition de Graham Masterton se pose comme une excellente surprise. Si l’auteur nous avait habitués à des romans gores et assez divertissants, il arrive ici à rendre hommage à Lovecraft, tout en mettant un fond intéressant, et un personnage principal attachant. L’action est menée tambour battant, on ne s’ennuie pas un seul instant, et surtout, on prend un plaisir monstre à lire les mésaventures de ce père de famille isolé qui va devoir assumer ses choix, prendre des décisions, et ne plus jamais se laisser faire pour sauver ceux qu’il aime. Bref, peut-être l’un des meilleurs romans de son auteur.
Note : 16/20
Par AqME