avril 28, 2025

Détention – Une Bonne Adaptation de Jeu Vidéo

Titre Original : Fanxiao

De : John Hsu

Avec Wang Jing, Fu Meng-Po, Tseng Jing-Hua, Cecilia Choi

Année : 2019

Pays : Taïwan

Genre : Horreur

Résumé :

Adaptation d’un jeu vidéo de type survival horror développé et édité par Red Candle Games, sorti en 2017. Il se déroule à Taïwan pendant les années 1960, alors que la loi martiale a été promulguée.

Avis :

Au cinéma, une adaptation vidéoludique constitue un projet risqué qui, bien trop souvent, se solde par un résultat calamiteux. On y distingue toutefois des exceptions. L’exemple le plus représentatif reste Silent Hill de Christophe Gans. Le registre horrifique est l’un des plus propices à dépeindre une ambiance oppressante, un contexte délétère, sinon singulier. De prime abord, Détention ne présente pas forcément les atours et la visibilité pour bénéficier d’une transposition sur grand écran, a fortiori sous la direction d’un réalisateur qui concrétise ici son premier long-métrage. Pour autant, il s’agit sans doute d’une des incursions les plus marquantes dans un tel registre.

Tout comme le récit du jeu vidéo éponyme, l’intrigue prend place dans les années 1960, en pleine Terreur blanche, à Taiwan. Le titre Détention est évocateur d’un système politique qui se base sur la répression, la peur et la suspicion. Ici, la liberté d’expression relève d’un concept utopique, d’un autre âge ou d’un autre temps. Pour un public guère familier avec cette période historique et les évènements qui en découlent, la découverte des exactions et crimes de ce régime est progressive, presque latente. Cela tient tout d’abord à une surveillance permanente, à une autorité exacerbée qui renvoie à une rigueur militariste, dans le cadre scolaire.

« Tout contribue à instaurer un sentiment de rectitude »

L’alignement des élèves à l’entrée de l’établissement, le regard scrutateur de l’instructeur, le bruit des pas qui martèlent le sol d’un son uniforme, la cérémonie de début de journée… Tout contribue à instaurer un sentiment de rectitude, de contrôle sur les corps et les esprits. L’interdiction de converser, autrement que dans un cadre formel, assoit cette domination. Dès lors, la pensée est régie pour formater l’individu, le dépouiller de sa personnalité, de ses aspirations, et ce, dès le plus jeune âge. Au fil de flashbacks et de réminiscences, on entrevoit des pans occultés du système tels que les enlèvements, les séances de torture qui font office d’interrogatoires et les exécutions arbitraires. Au-delà des phénomènes surnaturels, l’horreur est avant tout humaine.

Le discours social est prégnant et prévaut sur toute autre considération. Les séquences où les manifestations paranormales surviennent s’avancent comme une représentation cauchemardesque du régime et de ses crimes. On songe à cette entité qui erre dans les couloirs délabrés de l’école. Son apparence possède une symbolique forte dans la personnification de la Terreur blanche. Toutefois, on peut regretter des images de synthèse ratées, à tout le moins médiocres. Cela vaut pour le monstre, comme pour le visage mutilé du gardien, sans oublier les spectres du gymnase. Des trucages à l’ancienne ou l’approche suggestive initiale auraient été plus efficaces. Il s’agit de la principale faiblesse du film. Ce qui est d’autant plus dommage que la gestion de l’obscurité s’avère maîtrisée.

« L’exploration du cadre demeure également bien amenée. »

L’exploration du cadre demeure également bien amenée. On note une prédominance des environnements intérieurs et clos. Les incursions dans la cour d’école ou à l’orée d’un bosquet affinent la cohérence d’un monde qui s’apparente à un purgatoire tout personnel pour les protagonistes. On apprécie aussi ce jeu d’enquêtes pour distinguer qui est le délateur. Ce n’est pas très alambiqué ni difficile à appréhender, mais cela offre une dynamique supplémentaire. Sur ce point, il convient d’évoquer le lien avec la série. Bien que celle-ci soit sortie après le présent métrage, il est recommandé de la découvrir en premier lieu. Cela permet de préserver le mystère initial sur le long terme, tandis que le film de John Hsu apporte un éclairage sur l’origine des faits.

Au final, Détention demeure une très bonne adaptation vidéoludique. Le cinéaste interpelle par la maîtrise de son sujet et l’ambiance délétère qu’il distille au sein de l’établissement Greenwood. Si la première approche correspond aux standards horrifiques asiatiques, la dimension sociale de l’intrigue procure un véritable fond aux phénomènes paranormaux. Cela tient à la convergence des notions de politique et de surnaturel. Le film de John Hsu relève également du drame et de la romance avec une relation pudique et sincère entre les intéressés. À cela s’ajoute une évocation subtile et essentielle sur la transmission du savoir et, surtout, le devoir de mémoire face à la tentation de l’oubli ; si simple, si facile. Il en ressort une histoire profonde, aussi belle qu’affreuse dans ce qu’elle sous-tend.

Note : 16/20

Par Dante

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